Le FRAC © Damien Boeuf

RETOUR SUR L’ANNÉE CAPITALE : Etat des lieux

Si MP 2013 a su, à grands coups de rénovations urbaines, attirer les touristes et ravir une grande partie de la population, tous les acteurs culturels locaux n’ont pas vécu 2013 comme une année faste.

 

Indubitablement, Marseille aura su se placer comme une destination touristique majeure durant 2013, une prouesse saluée entre autres par le New York Times. Cette place, la ville la doit en majorité à ses nouveaux équipements, à commencer par le MuCEM. Le majestueux bâtiment de Rudy Ricciotti (prévu de longue date et sans doute achevé plus tôt grâce à la nomination au titre de Capitale Européenne), couplé à la réhabilitation du Fort Saint Jean, est une des grandes réussites de cette année. Les Marseillais et les touristes n’ont d’ailleurs pas caché leur engouement pour ce nouveau lieu au cœur du quartier de la Joliette qui, avec le J1 (voir ci-dessous), le FRAC, la Villa Méditerranée et le tout nouveau Théâtre Joliette-Minoterie, offrent un nouveau visage au périmètre Euroméditerranée. On regrettera tout de même l’ouverture simplement éphémère de la Digue du Large, une initiative que nombre d’entre nous aurait souhaité voir perdurer. La Friche de la Belle Mai, haut lieu de la culture à Marseille, s’est également offert un brillant lifting avec la Tour-Panorama, la Salle des Machines, et sa terrasse de 2 000 m², rendez-vous incontournable des soirées d’été. Et si l’on déplore la fermeture du Gyptis, une collaboration entre le théâtre de la Belle de Mai et la Friche devrait bientôt voir le jour, accompagnant la création des Plateaux à la rentrée scolaire 2013 et censé offrir un espace de création aux compagnies régionales. Cette année aura également fait la part belle aux musées avec la rénovation de Cantini et de Borély, la transformation de la station sanitaire Pouillon en Musée Regards de Provence, le nouveau MaMo au sein de la Cité Radieuse, le très attendu Palais Longchamp et son exposition phare Le Grand Atelier du Midi et, surtout, le fameux Musée d’Histoire de Marseille qui, pour cause d’ouverture tardive, aura hélas quelque peu loupé la fête. Quant au Vieux-Port, les travaux engagés et la création de l’ombrière ont fait de lui une attraction à part entière et un lieu de rendez-vous pour toutes les grandes manifestations publiques, à commencer par le week-end d’ouverture.
Mais, tandis que beaucoup se préparent à s’y retrouver une dernière fois pour sabrer le champagne à la lumière des feux d’artifices du Groupe F, de nombreuses structures locales voient avec soulagement se terminer une année plus noire que faste. En tête de liste, le Comptoir Victorine, dont nous avions déjà parlé dans nos pages en début d’année.
Cette structure, qui abrite différents acteurs et se veut un lieu d’échanges, de pluralité et de culture, est aujourd’hui sur le point de perdre tout son sens à cause du manque de réaction de la classe politique locale. Le partenariat passé avec les institutions ne s’est pas concrétisé et les associations et compagnies résidentes sont désormais contraintes d’exercer leurs talents hors les murs, le lieu n’étant toujours pas aux normes. « C’est un dialogue de sourds. Malgré 2013 et la forte mobilisation des acteurs culturels, rien n’a bougé », déplore Dorine Julien des Pas Perdus. Une réunion entre partenaires devrait avoir lieu, mais sans le collectif du Comptoir !
L’association Couleurs Cactus, qui porte depuis maintenant sept ans le Festival du Livre de la Canebière, se voit également prise à la gorge par des difficultés financières. « Nous avions prévu une programmation plus importante cette année, mais au dernier moment, on nous a appris que nous n’aurions pas les subventions habituelles. Impossible d’annuler, résultat : notre budget en a pris un coup », explique l’association. Comme beaucoup d’acteurs culturels associatifs, elle regrette une programmation qui a fait la part belle aux grosse manifestations concentrées en centre-ville tout en oubliant le reste de Marseille et les petites structures. « On n’a pas la sensation que les gens ont vraiment senti une différence et on est tous déçus ». Le bilan est amer et rejoint le discours de nombreux acteurs de tous bords, à l’image de François Pecqueur de l’équipe du Point de Bascule. Ce lieu de création citoyenne, en difficulté en début d’année, a fini par sortir la tête de l’eau sans que cela soit pour autant lié à l’événement 2013. « Ici, avec les acteurs du milieu underground et alternatif, on a fait l’expérience d’un désintérêt profond de l’organisation pour nos pratiques qui sont pourtant une spécificité de la culture de Marseille. Ça n’a rien changé pour nous, c’est un non événement. On nous a clairement fait comprendre que l’on n’y avait pas notre place. Alors, ce n’est pas de la déception que l’on ressent, c’est carrément un scandale parce que c’est une démarche totalement volontaire. » Et les salles de concert ne sont pas en reste. Quand elles n’ont pas mis la clé sous la porte ­— Le Paradox, l’Enthröpy et le Mundo Kfé, pour ne citer qu’eux —, elles survivent tant bien que mal, à l’exception du Balthazar qui s’est offert une nouvelle chance sous le nom de Molotov. Chez elles non plus, cette année capitale n’aura pas fait grand bruit, ne changeant pas leur fréquentation et ne leur apportant pas plus d’aide financière, au contraire. « Dans l’ensemble, ces salles n’attendaient pas grand chose de 2013, certaines y étaient même hostiles », résume Stephan de Live in Marseille.
Cette année culturelle est donc loin d’être une réussite pour les premiers concernés, MP 2013 ayant raté l’occasion de créer une véritable synergie avec la scène locale. Une leçon à retenir pour nos politiques en campagne ? Réponse aux prochaines élections…

Aileen Orain

 

J1 © Damien Boeuf

J1 © Damien Boeuf

 

J1 : rien ne va plus !

 

Parmi les lieux phares de Marseille-Provence 2013, il en est un qui défraie la chronique. Le J1 deviendra-t-il un casino, une boîte de nuit ou un yachting club ?  Une chose est sûre : le lieu d’exposition, lui, va fermer. Alors que la pétition contre l’implantation d’un casino face au MuCEM a réussi à infléchir l’ambition de la mairie, Yves Moraine a, dans un éclair de génie, déclaré que le J1 serait un meilleur emplacement. Contre la médiatisation de la corruption et de la violence, la ville s’est recouverte d’un voile culturel le temps d’une année. Le J1, avec une programmation de qualité et un espace hors du commun, est devenu un lieu emblématique de l’évènement. Emblématique aussi de la ville et de ses contradictions. Avec sa fermeture estivale, en plein boum touristique, le J1 est un pur produit marseillais. Pourquoi vouloir à tout prix écarter d’un revers de main, ce qui peut tirer Marseille vers le haut pour le remplacer par le symbole de ce qui l’attire vers le bas ?

 

Morgane Masson

 

Manifestation dimanche 22 décembre à 15h30 devant le J1 pour qu’il perdure au-delà de 2013