Ici, Ailleurs à la Tour-Panorama

Le monde en Friche

 

La Friche inaugure deux nouveaux lieux ainsi qu’une exposition, qui mêle voyage, histoire et mémoire pour nous emmener Ici et Ailleurs, des deux côtés de la Méditerranée. Le premier rendez-vous immanquable de 2013.

Fraîchement inaugurés, les 3500 mètres carrés de la Tour-Panorama nous invitent à un voyage à travers la Méditerranée et ses cultures, proposant un panel d’œuvres créées spécialement pour la Friche. « J’ai réfléchi avec les artistes et, ensemble, nous avons façonné un collage autour de la question du voyage, des identités plurielles et de l’action du sacré », explique Juliette Laffon, commissaire de l’exposition. Un collage certes, mais l’exposition est avant tout l’expression libre de  trente-neuf artistes du pourtour méditerranéen qui, par leur talent et leur expérience, parviennent à susciter un questionnement sur le monde qui nous entoure.
Le thème du voyage nous permet en premier lieu de découvrir des portraits de Méditerranéens et de suivre des voyages d’anonymes et personnalités. Ainsi, dans Le Voyage de Claude Levi-Strauss, Mounir Fatmi livre, sous la forme d’un carnet de voyage en vidéo, un récit passionnant de l’exil de l’anthropologue sous l’Allemagne nazie. La nostalgie en bandoulière, Youssef Nabil s’est servi de son propre exil pour se représenter lui-même dans des lieux connus de Marseille. A l’étage du dessus, il est question de « l’histoire au présent », un thème qui donne lieu à des réalisations tout aussi stupéfiantes. A l’instar de la représentation d’une coupe du Tribunal de Commerce de Marseille signée Djamel Kokene, qui développe un parallèle entre la subjectivité de la justice et celle de l’art. Au même étage, on retrouve l’édifiante installation de Gloria Friedmann, dans laquelle une tortue porte sur sa carapace des ossements humains et où l’on peut voir un homme écrasé par les lettres du mot « futur ». Une métaphore critique, visant en particulier les jeunes générations.
Le thème de la mémoire et de la transmission au troisième étage a inspiré Taysir Batniji, qui se démarque par une œuvre parfumée. Sur le savon de Marseille qui lui sert de support, il a inscrit une citation de la Déclaration des droits de l’homme, posant la question de l’identité et de la nation.
Sur la nouvelle terrasse, entre ciel et terre, l’imposante sculpture de Sigalit Landau surplombe la rade de Marseille et les calanques de l’Estaque. Moulé à l’image d’un escalier menant à un abri anti-aérien situé à Tel Aviv, ce modèle retrouve la surface et insuffle une lueur d’espoir de paix.
Enfin, le Panorama jouit d’un grand espace qui a inspiré quelques artistes dont Lara Baladi, qui a créé une immense ceinture de chasteté en fer afin de dénoncer la censure et le manque de liberté des femmes en Egypte.
Difficile de mentionner tous les artistes vu la richesse et l’éclectisme des propositions. Quoi qu’il en soit, Ici, Ailleurs est l’une des expositions les plus réussies de ce début d’année. Au-delà d’un voyage en Méditerranée, une fenêtre sur le monde.

Anthony Michel

 

Ici, Ailleurs : jusqu’au 31/03 à la Tour-Panorama (Friche Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e).
Rens. www.lafriche.org / www.mp2013.fr