Violets are blue and my garden is you de Camille Chastang

Violets are blue and my garden is you de Camille Chastang

« Cultiver son jardin », une philosophie plus orientée qu’il n’y parait. L’artiste pluridisciplinaire Camille Chastang plante des fleurs dans les yeux de ses contemplateurs et met les formes d’art « oubliées » à l’honneur. Pour sa première expo en solo — qui chamarre les murs immaculés de la Galerie Double V — elle emprunte un chemin détourné en semant la beauté. On y retrouve des herbiers « bigissimes » qui effeuillent notre appréhension de l’intime. On se laisse happer par les toiles de roses, de lys, d’iris, de violettes ou de lavande en appréciant que l’encre colorée utilisée soit d’une telle ambiguïté : tantôt voilée, tantôt émancipée. Côté technique ? L’artiste s’inspire d’illustrations botaniques et agrémente ses œuvres sans retenue (froufrous, bouts de textes, nœuds). Elle crée même la surprise en recourant à la céramique et donne un galbe a(r)gile à trois vases uniques.
Mais le travail de Camille est une équation force-douceur, une installation ravissante pour mieux lever le poing sur ses besoins : celui déjà, d’inverser les formats artistiques figés, puisque cette dernière fait un max de place aux peintures miniatures et réduit délibérément les portraits… Elle crée sa propre proportionnalité. Celui, ensuite, de s’engager : son théâtre floral s’anime et se lit comme l’allégorie de l’amour homosexuel. La relation qu’elle entretient d’ailleurs avec Héloïse, sa « bonne amie » (comme elle se plait à l’appeler), résonne automatiquement : leur histoire reste toutefois un socle créatif et non un faire-valoir. Ce sont, plus largement, toutes les autres luttes féminines — qui touchent le milieu artistique, la société, le domaine privé — dont Camille fait un seul bouquet et ce, sans radicalité.
Dans son monde végétal d’une sensualité hors-normes, elle cherche à égaliser : l’art et ses procédés, les rapports de sexe dans la société. Elle s’autorise ainsi à « faire pousser » son propos pour mettre les complexes KO. L’expo de Camille Chastang se fait l’écho d’une idéologie « nature peinture » mais super éclairée. Bienvenue dans son jardin sacré !

Pauline Puaux

 

 

> Jusqu’au 22/04 à Double V Gallery (Marseille, 6e)

Rens. : www.double-v-gallery.com

www.journalventilo.fr/sortie/119543