Une bouteille venue de la mer

Le projet Bouteille d’Abraham Poincheval

Games of Rhône

 

Obsédé par les manières d’habiter un espace, l’artiste marseillais Abraham Poincheval élabore une nouvelle performance qui pousse toujours plus loin les questions de dépassement de soi et de la place de l’artiste dans la société et l’espace public.

 

Il s’est enfermé une semaine dans un trou d’une galerie, est resté abandonné sur une île presque déserte (le Frioul) ou s’est allongé dans la peau d’un ours naturalisé… Les mises en scène extrêmes à la Joseph Beuys sont une constante dans le travail d’Abraham Poincheval qui, dans sa quête de dénuement, élabore parfois des objets hybrides lui permettant de pousser plus loin cette réflexion. Ainsi, en 2008, avec son projet Gyrovague, le voyage invisible, il entreprend un voyage à bord d’un habitacle cylindrique en métal, qui lui sert de véhicule et d’habitation mais aussi de camera obscura, tout en possédant le statut sacré conféré à l’œuvre d’art. Si certains peuvent appréhender l’objet et interagir avec l’artiste durant la performance, cette dernière est surtout incarnée par les différentes traces — textes et photographies — qui révèlent le vécu de l’action par l’artiste.
Idées reprises dans son nouveau projet, qui manifeste également l’intention de parcourir un territoire via un dispositif spécifiquement pensé : ici, il fait appel à l’image de la bouteille à la mer, qu’il renverse pour devenir la bouteille venant de la mer. Littéralement enfermé pendant plusieurs mois, il remontera le Rhône depuis la Camargue pour arriver en Suisse : une œuvre qui achèvera de se façonner au gré des rencontres et échanges arrivés sur le chemin.
Il y a dans la démarche de Poincheval à la fois quelque chose d’une recherche sur les situations limites du corps à son espace environnant et quelque chose d’un questionnement sur le statut de l’artiste et sur ses modalités d’intervention dans l’espace public, ce qui le place à mi-chemin entre situationnisme et art relationnel. L’image, très littéraire mais percutante, de l’homme enfermé dans une bouteille traduit isolement et urgence de la communication, et cette bouteille empêche l’échange autant qu’elle le suscite.
Ce projet de l’artiste s’inscrit dans une évolution de sa pratique, la plupart des actions qu’il avait pu mener jusqu’alors se singularisant plutôt par leur caractère quasi solitaire. Désormais, la question du rapport à l’autre vient s’ajouter à celle du rapport au corps et l’aspect brut dans le rendu est ainsi remplacé par des formes plus douces et plus accessibles…
Enfin, en cohérence avec la démarche de l’artiste, un appel au crowdfunding a été lancé par le Citron Jaune pour aider à financer le projet, qui devrait être visible durant le festival camarguais les Envies Rhônements. Car si c’est à l’artiste de revisiter nos manières d’habiter, c’est bien à nous de construire une nouvelle économie qui permette l’existence de ces différents regards.

 

Estelle Wierzbicki

 

Une bouteille venue de la mer : les 25 et 26/07 en continu sur la Plage Napoléon (Port-Saint-Louis-du-Rhône) et du  27/07 au 2/08 en continu au Parc de la Révolution (Port-Saint-Louis-du-Rhône).
Rens. : 04 42 48 40 04 / www.lecitronjaune.com

Pour faire un don : https://www.culture-time.com/projet/bouteille

Pour en (sa)voir plus : www.eternalnetwork.fr/mot/abraham-poincheval