Sweet Sixteen de Ken Loach

Rétrospective Ken Loach à l’Institut de l’Image

Sweet Ken

 

Une rétrospective Ken Loach, c’est l’occasion de faire le point sur l’état de la Grande-Bretagne sous les années Thatcher, mais aussi de mieux comprendre pourquoi ce cinéaste est aimé de la Terre entière. Car là où la Nouvelle Vague divise les amoureux du cinéma, Ken Loach séduit les spectateurs au sens large.

 

Le cinéma de Ken Loach, c’est d’abord une histoire de focale. Les corps sont souvent filmés dans un mouvement permanent, au téléobjectif, à la manière d’une étude animalière où l’humain est saisi sur le vif, tentant, lui-même, d’échapper à l’image. Ce sens de la vitesse donne une lecture très particulière des dialogues, parce que les choses se disent dans l’urgence et anéantissent le pouvoir du pathos. Ken Loach aime parler des petites gens qui triment dans une Angleterre toujours plus tournée vers la City, oubliant ses banlieues et ses villes-dortoirs au profit d’une mondialisation qui casse les codes du travail et ne redistribue jamais les richesses. Les personnages de Ken Loach réinventent en permanence leur quotidien pour remplir le frigo, payer le loyer ou aider le copain dans la détresse. Un véritable syndicat à ciel ouvert se démène sous nos yeux, oscillant entre le tragique et l’hilarité, entre l’honnêteté trop naïve et la filouterie assumée. Tout est poussé à son paroxysme, et le contraste saisissant des écarts de conduite devient la peinture d’une explosion programmée. Le scénario chez Ken Loach est une matière riche et abondante. La trame est souvent un lieu commun où l’amour de son prochain tente de prendre le dessus sur la violence du monde, où le protagoniste se démène pour aider sa chérie, sa mère ou son frère, cristallisant l’absence d’un père qui a baissé les bras, parce que le chômage brise l’identité et plonge l’homme déchu dans l’alcool. Sur cette matière connue et reconnue, le particularisme s’installe et nous permet de rentrer dans la chair, dans l’intime, dans la cuisine, la salle de bains, dans les toilettes. Ken Loach aime travailler avec des non comédiens, il leur poste une page de scénario, chaque jour de tournage, et eux-mêmes découvrent l’histoire qu’ils sont en train de jouer dans la durée. Cette politique qui consiste à garder l’acteur sur le qui-vive est un formidable vecteur d’émotion, car il crée une instabilité permanente qui se moule sur l’instabilité d’une situation de crise. On dit souvent de Pialat qu’il était en guerre contre le cinéma. Ken Loach, lui, semble s’amuser de cette industrie du spectacle en nous plongeant dans le théâtre de son Angleterre, n’oubliant aucune des journées qui s’écoulent et des anonymes qui passent sous nos yeux, mais qui ont tant de choses à nous dire.

Karim Grandi-Baupain

 

Rétrospective Ken Loach : du 3 au 28/02 à l’Institut de l’Image (Cité du Livre, 8-10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens : 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org

Le programme complet de la rétrospective Ken Loach ici