Lettre de Beyrouth de Jocelyne Saab

Rétrospective Jocelyne Saab à Marseille

À contre-courant

 

Peu connue du grand public, la cinéaste Jocelyne Saab est pourtant sans conteste une réalisatrice absolument majeure de ces cinquante dernières années. Du 6 au 28 février, dans plusieurs salles de la cité phocéenne, l’Association Jocelyne Saab nous offre une rétrospective de toute beauté.

 

 

Nous ne saurons jamais assez gré aux membres de l’Association Jocelyne Saab d’avoir magnifiquement travaillé à restaurer et diffuser l’œuvre magistrale de la cinéaste libanaise, tragiquement disparue voilà quelques années. La filmographie de Jocelyne Saab, outre sa grâce filmique et l’intelligence du récit, reste l’une des expériences cinématographiques modernes des plus saisissantes. Ce qui marque de prime abord, c’est cet art unique d’embrasser l’histoire et de la refléter dans un œil d’or, celui de la caméra, dès les années soixante-dix. Et plus particulièrement l’histoire du Moyen-Orient, du Liban, principalement, mais parfois d’autres pays, de l’Iran à l’Égypte. Jocelyne Saab a posé au fil de la quarantaine d’œuvres qui constitue sa filmographie un regard éclairé sur les luttes et les mouvements géopolitiques qui ont non seulement bouleversé cette partie de la Méditerranée, mais le monde tout entier. Un travail homérique qui s’inscrivit parfois sous le joug de l’urgence qu’imposaient les événements, mais sous le signe, par ailleurs, d’une indépendance, intellectuelle et industrielle, qui compliqua parfois son parcours, à contre-courant de toutes contraintes. La liberté, la plus belle qui soit, reste le fil d’Ariane d’une œuvre inégalée. Après la rétrospective proposée en fin d’année 2023 à Paris et Seine-Saint-Denis, l’Association investit de nombreux lieux de projections de la cité phocéenne, permettant au plus grand nombre la découverte d’une quarantaine d’œuvres à ne manquer sous aucun prétexte ! Du 6 au 28 février, au Polygone Étoilé, au Videodrome 2, aux cinémas La Baleine, Le Gyptis, Les Variétés ou Le Miroir, tout le génie cinématographique de Jocelyne Saab se déploiera sur grand écran, interrogeant l’histoire dont les secousses se font plus que jamais ressentir au sein des conflits présents. Mieux comprendre son cinéma pour mieux comprendre le temps qui est. La guerre civile libanaise reste bien évidemment au cœur de nombreux opus, et l’on sait le drame, et le détonateur pour Jocelyne Saab, que fut à Beyrouth le massacre d’un bus de travailleurs palestiniens par des phalangistes, en 1975. Un événement qui nourrira plus particulièrement le film Le Liban dans la tourmente. La cinéaste plongera profondément son regard dans un pays enfoncé dans le chaos, le long de ces années soixante-dix, de Beyrouth, jamais plus à Pour quelques vies, en passant par Lettre de Beyrouth. L’Égypte sera par ailleurs au cœur d’une poignée d’œuvres documentaires, de Les Coptes : la croix des PharaonsL’Amour d’Allah : la montée de l’intégrisme ou Égypte, la cité des morts. Et bien évidemment, les luttes palestiniennes trouveront une résonnance forte dans les films Le Front du refus ou Les Femmes palestiniennes, c’est dire toute la modernité du geste filmique de Jocelyne Saab. Il ne faudrait pas omettre ici, par ailleurs, la poignée de films de fiction qui éclairent son œuvre d’une majestueuse lumière, et d’un sens raffiné de l’écriture, à l’instar de What’s Going On ?Une vie suspendue ou le sublime Dunia. Soulignons enfin que cette magnifique rétrospective sera accompagnée d’un grand nombre d’invité·e·s, d’une exposition et d’ateliers, complétant ce qui s’impose sans conteste comme le rendez-vous cinématographique le plus important de ce début d’année !

 

Emmanuel Vigne

 

 

Rétrospective Jocelyne Saab : du 6 au 28/02 à Marseille.

Rens. : jocelynesaab.org

Le programme complet de la Rétrospective Jocelyne Saab ici