Spartacus et Cassandra d’Ioanis Nuguet

Quinzaine thématique « L’enfance à l’écran »

Jolis mômes

 

Le Gyptis propose début avril un cycle cinématographique consacré à l’enfance, genre cinématographique à part entière dont les déclinaisons furent multiples depuis cent vingt ans d’histoire de l’image animée.

 

Sujet de nombreux ouvrages, et d’une multitude de thèses, l’enfance au cinéma a connu un si grand nombre de déclinaisons qu’un article ne peut suffire à embrasser l’ampleur de sa représentation. Tout juste pouvons-nous rappeler que l’enfance est un regard, un œil, une caméra posée à bon escient face — ou contre — ce qui l’entoure. Il dessine à dessein, en en soulignant tous les traits, les contours d’un monde, d’un monde adulte, cher au positivisme d’Auguste Comte dans sa notion de réorganisation sociale. Tout comme le travelling est affaire de morale, l’enfance est donc affaire de politique. L’histoire du cinéma en porte encore les stigmates (nous sommes ici dans une distinction hégélienne), de La Nuit du chasseur de Laughton à Il était un père d’Ozu, en passant par Le Petit Fugitif d’Engel. L’enfance en tant qu’état n’est jamais un idéal, mais une abrupte collision au réel. Le bonheur du rêve d’enfant (le personnage) réalisé à l’âge adulte (le filmeur), cher à Freud, devient obsolète à l’écran, comme si la reproductibilité de l’œuvre évoquée par Walter Benjamin en avait effacé les traits. Cette notion d’être politique est particulièrement marquante dans de nombreux opus récemment sortis en salles, et dont le Gyptis se fait aujourd’hui l’écho lors de la quinzaine « L’enfance à l’écran ». Cette césure, ce point d’articulation, du cinéma est frappant : malgré les proportions, l’enfant campe la caisse de résonance de tous les dysfonctionnements possibles. C’est le cas dans le sublime film d’Ioanis Nuguet, Spartacus et Cassandra, que viendront présenter le réalisateur et l’actrice Camille Brisson. Ce parcours de deux jeunes Roms, filmé avec intelligence et poésie, oscille entre l’ombre et la lumière, sans laisser place une seconde à une quelconque facilité. La projection du samedi 4 avril s’inscrira dans le cadre du festival Latcho Divano, consacré aux cultures tziganes. Trois autres films sortis très récemment, Les Merveilles, l’excellent Chante ton bac d’abord et le bouleversant Le Petit Homme, viennent compléter intelligemment cette programmation, et témoignent du rôle pivot que joue aujourd’hui l’enfant dans les cinématographies internationales (on pourrait encore citer Gente de bien, Le Président ou Le Dernier Coup de marteau). Enfin, un rapide coup d’œil en arrière conduit l’équipe du Gyptis à programmer trois grands classiques liés à la thématiques : L’Argent de poche de Truffaut, les courts de Carpita, et surtout le sublime opus de Nicolas Roeg, Walkabout, plongée panique et initiatique dans une Australie déserte.

Emmanuel Vigne

 

Quinzaine thématique « L’enfance à l’écran » : du 1er au 14/04 au Gyptis (136 rue Loubon, 3e).
Rens. : 04 95 04 96 25 / www.lafriche.org

La programmation complète de la quinzaine « L’enfance à l’écran » ici