Une du RAVI de mars 2015

Pour un printemps de la presse marseillaise !

Cette année, le printemps commence le vendredi 13 mars. Pour que le Ravi redresse les bras, la crème de la crème de la scène musicale marseillaise (et bien au-delà) vient en effet, ce jour là, faire la fête au Dock des Suds. Imhotep (IAM), High Ku Dj Set (Chinese Man), Kantes Dj Set (Sporto Kantes), Walkabout Sound System, The Coyotes Dessert, Dj Big Buddha jouent au bénéfice du mensuel régional « pas pareil ». Imhotep, abonné au Ravi, explique sa motivation : « Je lis depuis plus de trente ans la presse satirique (Canard enchaîné, Hara-Kiri, Charlie Hebdo, Siné Mensuel, le Ravi…). D’une part parce que j’y trouve des infos et des points de vue absents des médias dominants, d’autre part parce que je préfère en rire qu’en pleurer. Le petit plus du Ravi, c’est bien sûr les nouvelles locales et l’actu de proximité ! En plus, le personnel politique de la région est tellement “croustillant” que c’est un vrai plaisir d’avoir de leurs nouvelles dans vos colonnes… »

Cette année, le printemps commence le 13 mars, mais la presse semble plongée dans un hiver sans fin. 2015 a commencé tragiquement avec le massacre, le 7 janvier, des dessinateurs de Charlie Hebdo, au nom d’une conception caricaturale et dévoyée de l’Islam. Des histoires communes nous lient à cette rédaction, notamment la conviction que le droit au blasphème est un acquis républicain qu’il nous faut préserver. Mais le mantra « Je suis Charlie », répété jusqu’à saturation, pourrait finir par lasser. Surtout lorsqu’il est repris par l’extrême droite et le Front national empressés d’instrumentaliser une émotion légitime afin d’alimenter leur fonds de commerce islamophobe. Le « Je suis Charlie » est aussi suspect lorsque des élus de tous bords brandissent en étendard leur amour inconditionnel de la liberté de la presse alors qu’ils n’aiment les médias qu’aseptisés ou muselés.

La presse, célébrée, honorée, se porte mal. Particulièrement mal à Marseille et dans sa région. La Provence, en quasi monopole sur le terrain de la presse quotidienne régionale, est aux mains d’un actionnaire, Bernard Tapie, qui a toujours exprimé son immense mépris pour les journalistes. L’affairiste pourrait être prochainement rattrapé par la justice et contraint à restituer les 403 millions d’euros qu’il a perçus dans l’arbitrage, sur lequel plane le soupçon d’association de malfaiteurs, dont il avait bénéficié pour solder son préjudice avec le Crédit Lyonnais. La Marseillaise, le challenger de La Provence, a déposé le bilan et doit trouver un repreneur. Ses salariés espèrent que la ligne éditoriale du journal sera confortée et ses lecteurs se mobilisent pour éviter la disparition du titre. Quoi qu’il arrive, le coût social s’annonce très élevé. Lui aussi en cessation de paiement, Marsactu a été liquidé. Le “pure player” marseillais avait pourtant apporté une bouffée d’air éditoriale dans la capitale régionale. Ses journalistes ont lancé un appel « à la renaissance d’un média numérique indépendant à Marseille ». Leurs articles fouillés et pertinents nous manquent déjà !

Et puis même le mensuel qui ne baisse jamais les bras, comme le santon qui a inspiré son titre, a de sérieuses crampes. L’association la Tchatche, qui édite depuis onze ans le Ravi, a également été placée, fin novembre, en redressement judiciaire. Il nous a fallu prendre des mesures drastiques, réduire des effectifs déjà contraints, supprimer quelques pages, imprimer sur un papier un peu moins épais et coûteux. Mais les journalistes qui animent le mensuel, les dessinateurs qui l’illustrent, les bénévoles qui administrent l’association, les lecteurs, désormais regroupés dans une association des Amis du Ravi, ont décidé de redresser les bras, convaincus que notre région a plus que jamais besoin d’une presse libre, dédiée à l’enquête et à l’irrévérence. Pour que le Ravi puisse survivre et se réinventer, tous ont lancé un « Couscous Bang Bang Royal ». Le principe est simple : puisqu’on n’achète pas un journal libre mais qu’on le finance, le moyen le plus sûr de défendre ce mensuel pas pareil est de s’y abonner. Objectif : 5012 abos en 2015 ! Déjà, en trois mois, plus de 500 personnes ont fait monter le compteur de ce « Ravithon ».

Car c’est bien là le point essentiel : les lecteurs sont les meilleurs garants de l’indépendance de la presse. Fabriquer des journaux, imprimés ou en ligne, a un coût. La gratuité de l’information est un leurre. L’avenir d’un titre comme le Ravi, qui ne se consomme pas mais se lit, repose avant tout sur ceux qui, en s’y abonnant, vont lui donner, dans la durée, les moyens de son ambition éditoriale. A la Tchatche, au Ravi, nous avons aussi une autre conviction : pour préserver et développer une presse pas pareille, il faut que ses acteurs soient capables de mieux s’entendre pour mieux se faire entendre. Nous avons ainsi cofondé une association, Médias citoyens Paca, qui travaille à structurer un réseau national, afin de mutualiser nos idées, d’additionner nos forces. Afin aussi d’interpeller les pouvoirs publics.

Cela peut parfois sembler paradoxal, mais la presse indépendante a en effet aussi besoin d’être aidée par la puissance publique. Le droit d’informer et d’être informé ne peut pas être régulé par les seules lois du marché et de l’argent. Les aides à la presse ne sont pas, dans l’absolu, illégitimes. Celles qui existent sont absurdes car, pour ne prendre qu’un exemple, la presse satirique en est exclue alors que des programmes de télévision en bénéficient. Ce qu’il faut combattre, ce sont les rapports de subordinations clientélistes qu’affectionnent nos élus persuadés d’être propriétaires des titres dans lesquels ils publient des annonces ou qu’ils subventionnent parfois. Avec d’autres, le Ravi interpelle donc l’Etat pour que les conditions de possibilité du pluralisme, si cher au conseil national de la résistance soient refondées, pour que, entre le secteur privé et le service public, les médias associatifs, coopératifs, dont l’objectif n’est pas d’enrichir des actionnaires, soient reconnus et soutenus. Ces médias, se projettent souvent — c’est notre cas — dans des projets de journalisme participatif qui permettent de faire émerger une expertise citoyenne, de faire entendre la voix de ceux auxquels les « grands » médias consacrent rarement leur une…

Le petit canard qui lève les bras n’a pas fini donc de cancaner, planche sur un nouveau modèle permettant de mieux articuler web et papier, journalistes, lecteurs et partenaires. Il lance dans ses colonnes sans attendre une nouvelle rubrique « sur la presse pas pareille méditerranéenne » — en avril, nous parlerons ainsi de la Tunisie où va se dérouler un forum mondial des médias libres auquel nous participons. Dans notre région tentée par un repli xénophobe, où certains rêvent de verrouiller à double tour les portes et les esprits, il nous semble bon d’ouvrir en grand les fenêtres pour respirer ! Et le Ravi, bien entendu, fête en avance le printemps au Dock des Suds, en musique, en dessin (les dessinateurs seront là en live), le vendredi 13. Une soirée porte-bonheur pour ceux qui refusent de se résigner !

Michel Gairaud

 

Concert de soutien au Ravi (en partenariat avec Ventilo), avec Imhotep (IAM), High Ku Dj Set (Chinese Man), Kantes Dj Set (Sporto Kantes), Walkabout Sound System, The Coyotes Dessert, DJ Big Buddha et les dessinateurs du Ravi en live : le 13/03 au Dock des Suds (12 rue Urbain V, 3e).

Rens. : http://www.leravi.org