king © Carole Brana

Portrait | KinG

La voix royale

 

Nouvelle signature du label Sounds Like Yeah, Alexandre Maillard, alias KinG, fait de la musique comme au cinéma. Portrait d’une étoile qui aura attendu ses quarante ans pour briller en solo.

 

Vous l’avez peut-être déjà vu sur scène, dans certains groupes qui ont marqué la scène indé marseillaise fin 90’s/début 2000 (Nation All Dust) ou, plus récemment, aux côtés de Charlie Winston, Micky Green ou Hollysiz. Une grande silhouette, immuablement moulée dans un slim (qu’il quitte « uniquement pour faire de la plongée sous-marine ») et ponctuée par des boots. Des cheveux longs, une barbe drue, une stature imposante. Une présence, même en tant que « simple » musicien accompagnateur. Alexandre Maillard a tous les atours du KinG qui lui sert de pseudo. Un roi sans couronne mais avec un premier EP en boîte, édité par le très respectable label Sounds Like Yeah. A quarante ans, on peut estimer que notre homme a pris son temps pour mûrir ce premier projet personnel… Le temps que « les étoiles s’alignent… A force de faire des choses très différentes et de jouer de plusieurs instruments au gré du vent, j’avais parfois le sentiment de m’éparpiller. Disons que soudainement, tout a pris son sens. »
Mais si elle s’affirme pleinement aujourd’hui — et de quelle manière ! —, la passion d’Alex pour la musique n’aura pourtant pas mis bien longtemps à se déclarer. Après une enfance relativement tranquille dans le Var, bercée par la bande FM et « l’ambiance en demi-teinte des succès des années 80 » ou par les notes de Rachmaninov que sa mère écoute dans la voiture (« Je me rappelle avoir parfois trouvé ça un peu trop dramatique sur la route de l’école »), il doit avoir treize ans quand son grand frère lui offre sa collection de vinyles, « majoritairement des vieux Pink Floyd, du Led Zeppelin, du Genesis et autres groupes de prog’ bizarres. » Un choc pour l’adolescent, qui découvre « une porte d’entrée vers des univers dont [je] ne soupçonnais alors pas l’existence. » Mais il faudra encore attendre quelques années avant qu’il ne se décide à pratiquer. Ce sera la basse, un instrument qui, aujourd’hui encore, lui siée particulièrement bien, de par sa tessiture grave et sa présence imposante. Il a alors dix-sept ans et l’achat de la basse en question va s’avérer déterminant : « J’en ai parlé à un copain dans un café, et le mec de la table à côté m’a dit qu’il en vendait une. Je me suis fendu de 500 francs et les donnai contre l’instrument à cet inconnu, Guillaume Pervieux (alias Quaisoir, bien connu de ces colonnes), sans savoir que j’allais faire de la musique avec lui pendant presque quinze ans… » Car le hasard faisant bien les choses, les deux jeunes hommes vont se recroiser quelques jours plus tard dans une fête « où tout le monde avait amené un instrument pour, soyons honnête, faire un maximum de bruit. »

 

Paysages contrastés

Vient alors le temps des études, et avec elles, de la migration à Marseille, motivée par « la perspective de voir plus de concerts qu’à Toulon… et d’en faire ! » Alex se fend encore de 500 francs, pour acheter une batterie cette fois, et jouer avec les copains au sein de Madame Mamino, dans un appartement en colocation surnommé le Labo. Les débuts d’une ère, marquée par la fête permanente mais aussi par l’apprentissage de nombreux instruments, qui fera d’Alex un musicien accompli. Après un passage au Conservatoire en classe d’électroacoustique, histoire de parfaire une « formation » jusque-là plutôt empirique, on lui demande de composer la musique d’un spectacle de théâtre expérimental. Un essai plutôt concluant, puisque les expériences du même type s’enchaînent pendant une bonne dizaine d’années, sans toutefois qu’il arrête de se produire « à côté », dans des groupes « au succès relatif ». Recherché pour ses compétences de multi-instrumentiste, Alex se lance alors dans l’accompagnement de musiciens qui, s’ils ne correspondent pas toujours à son univers personnel, l’enrichiront de bien des manières : « Avec ma culture de groupe et mon parcours personnel, j’ai construit une approche du son de producteur. Une partie de mon travail est alors de contribuer à faire en sorte que les projets fonctionnent, et cet aspect est assez excitant. Et quand, en plus, les gens sont sympas et qu’on taille la route à la rencontre d’autres personnes, c’est génial ! De ce côté, j’ai été comblé, et puis j’ai rencontré des publics enthousiastes, parfois désarçonnés face à mon approche peu orthodoxe de la guitare, mais au final, ça a toujours été une grande fête. » D’autant plus quand il se joint à Phoebe Killdeer & The Short Straws, avec lesquels il fera deux albums et tournera un peu partout en Europe, ainsi qu’en Russie et au Canada. Et plus, car affinités : « Ce sont ceux avec lesquels j’ai fait mon disque, on a construit une identité ensemble, ce sont des amis fondamentaux et exceptionnellement talentueux… Et je ne peux pas ne pas mentionner Cédric Le Roux, guitariste de Phoebe et de KinG, qui est mon meilleur ami et compagnon musical depuis vingt ans. »
On l’aura compris, plus qu’une histoire de projet personnel, KinG est avant tout une aventure humaine, construite au fil des rencontres et des amitiés. Le noyau dur des Short Straws (Cédric Le Roux, Raphaël Séguinier et Sylvain Joasso) n’est en effet pas seul à y avoir pris part, vite rejoint par Danny Keane, claviériste rencontré sur la tournée de Charlie Winston, et Julien Decoret à la contrebasse. Sans oublier Oh! Tiger Mountain et Thousand qui, en « songwriters aguerris », ont aidé au processus d’écriture des textes. En résulte un rock aux accents blues et aux climats changeants, puissamment évocateur : « J’adore entendre des gens qui ont écouté mes morceaux me dire qu’ils ont vu une falaise, une route ou une vieille maison, sans me parler de guitares électriques… » Les guitares sont pourtant bien là, caressantes ou (plus souvent) menaçantes, magnifiées par une voix rauque et envoûtante, entre Nick Cave et Leonard Cohen, et par des arrangements propices au transport — en particulier l’orgue, qui confère une aura mystique à l’ensemble. On se laisse donc emporter sur des chemins de traverse, entre étendues arides (The Bone) et chapelles ardentes (Every Other Night), autoroutes à quatre voies (Kings and Lovers) et paysages ombrageux (Shotgun). La route d’Alex s’est quant à elle (pour l’instant) arrêtée dans le Sud, à Lourmarin, où il s’est installé non loin de la joyeuse équipe du Festival Yeah, pour préparer le futur : « Je me suis remonté un studio dans le Sud pour continuer l’aventure, j’ai plein d’idées et je peux y passer mes nuits. Le reste, c’est l’imprévu, on verra. »

Cynthia Cucchi

 

KinG au Festival Yeah ! : du 3 au 6/06 au Château de Lourmarin.
Rens. : festivalyeah.fr/soundslikeyeah/king/

Pour obtenir des billets (gratuits) : www.eventbrite.fr/e/billets-king-concerts-gratuits-au-festival-yeah-2016-24869733041

Dans les bacs : One (Sounds Like Yeah)