My dinner with André (image de représentation) © Tim Wouters

Retour sur My Dinner with André par les collectifs tg STAN et De Koe au Théâtre du Merlan

La grande bouffe

 

Réflexion savoureusement drôle et piquante sur les desiderata et les méandres de la vie d’artiste, l’adaptation du film My Dinner with André de Louis Malle par Damiaan De Schrijver de tg STAN et Peter Van den Eede de De Koe est un régal pour les spectateurs.

 

On ne dirait pas que cela fait dix-huit ans qu’ils jouent cette pièce, tant la parole semble couler librement. Pourtant, les deux facétieux Belges sont loin de leur premier tour de piste, le dîner-spectacle ayant été concocté en 1998 en flamand et en 2005 en français.
Du film de Louis Malle (1981), écrit par Wallace Shawn et André Grégory qui y incarnaient pour ainsi dire leurs propres rôles, ils ont réservé le scénario et la trame originels, agrémentant le tout à leur sauce, exhaussant la saveur du propos.
Wally (Damiaan De Schrijver), acteur et écrivain, retrouve non sans appréhension pour dîner dans un restaurant chic André (Peter Van den Eede), une vieille connaissance, acteur et metteur en scène, perdu de vue depuis longtemps mais dont il a entendu dire qu’il avait traversé des épisodes terribles. Tout au long de la soirée, le très bavard André fait part au sceptique Wally de ses expériences d’éveil spirituel menées un peu partout dans le monde. Farci de références littéraires et théâtrales (à Shakespeare, William Blake, Walt Whitman, Stanislavski, Tchekhov, Brecht, Beckett, Saint-Exupéry…) et truffé de points Godwin (plusieurs comparaisons avec les camps de concentration et le nazisme), le récit d’André s’apparente à un long monologue — Wally ne pouvant guère placer plus de deux mots d’affilée — dans lequel il raconte son parcours vers une plus grande compréhension de la vie et du théâtre. De son stage en Pologne avec Jerzy Grotowski, où il a expérimenté d’être enterré vivant, à son ascension au sommet de l’Everest, en passant par un accès de délire dans le désert du Sahara, sa verve ne tarit pas, tandis que l’autre profite de sa logorrhée pour faire bombance, objectant in fine sa vision plus prosaïque (« Est-ce qu’il y a plus de vérité au sommet de l’Everest qu’au bar-tabac du coin ? »).
Pour empêcher une quelconque routine de mijoter, les chefs de cuisine sur scène changent chaque soir, ménageant la surprise de la découverte des plats, pimentant le jeu des acteurs avec des modes de dégustation originaux.
Des passages improvisés en adresse directe au public, tout comme certaines irruptions au sein même du texte, viennent brouiller les pistes entre la fiction et le réel, ajoutant du peps et relevant le goût de ce qui se dit.
Les fantômes des grands maîtres aromatisant l’ensemble, les questions sur l’essence même du théâtre taquinent les papilles : « Comment susciter de l’effet ? Quelles pièces peut-on encore monter aujourd’hui ? »
Car c’est en somme une vaste méditation sur le théâtre et sur la vie dont nous délectent ces deux clowns, mercenaires du rire tout à leur aise dans le court-bouillon de la scène.

Barbara Chossis

 

My Dinner with André par les collectifs tg STAN et De Koe était présenté du 26 au 29/04 au Théâtre du Merlan.

Rens. : www.stan.be / www.dekoe.be