Metaphore Collectif

L’Interview

Metaphore Collectif

 

Véritable gang de la nuit et amis pour la vie, le Metaphore Collectif signe un bout de la programmation du Festival Le B:on Air. L’occasion de soutirer quelques informations au clan le plus sympathique, crâne et passionné de tout Marseille.

 

L’aventure collective a commencé en 2010. Quels événements ou rencontres ont permis une telle détonation dans la nuit marseillaise ? Remarquez-vous un virage ou une évolution, esthétique ou musical, depuis sa création ?

Le collectif a vu le jour à l’hiver 2010. Né d’une amitié entre Nicolas Guillerminet, Rafael Martial et Norman Levy, tous trois passionnés des musiques électroniques, Metaphore résultait surtout du désir collectif de réveiller un mouvement endormi depuis trop longtemps à Marseille. Au départ, il s’agissait vraiment d’un délire entre potes, sans vraiment de vues sur le futur : organiser ensemble des événements pour soutenir à la fois les artistes d’une scène trop peu représentée par ici, et redorer l’image de la scène locale. Jamais on n’aurait imaginé en faire notre métier. Au tout début, c’était compliqué… On nous fermait la porte au nez, aucun lieu ne voulait nous recevoir. On était personne. Petit à petit, on a réussi à obtenir des deals avec certains lieux. À force de travail et d’acharnement, on a réussi à créer quelque chose de cohérent, tant d’un point de vue esthétique qu’artistique, et surtout à fidéliser un public très friand de ce qu’on proposait. On s’est fait tout seul, avec la chance de pouvoir compter sur le soutien de personnes déjà crédibles dans le milieu comme Aurélien Deloup du Cabaret Aléatoire, Marc Housson de Seconde Nature et La Nuit Magazine. Certains événements ont clairement donné le ton : une première free au Bunker des Goudes en 2012 et des soirées endiablées au Baby Club et au Cabaret Aléatoire. Mais c’est surtout la première soirée Amour au Cargo, un sauna gay de Noailles, qui a fait prendre une vraie ampleur à notre activité. Jusque-là, on le voyait comme un loisir. Depuis, c’est un travail. C’est vraiment la confiance absolue qu’on est parvenu à gagner chez notre public qui a permis une telle détonation dans la nuit marseillaise. C’est ce qui nous porte et nous donne de la crédibilité. C’est lui qui nous fait vivre. Au commencement, Metaphore avait deux activités : l’événementiel et le développement d’une structure de diffusion pour la scène locale et alternative. Si on était plutôt ancrés dans un univers techno au début, on s’est ensuite ouverts à d’autres styles de musiques électroniques. Il ne s’agit donc pas vraiment d’un virage, puisqu’on poursuit les mêmes intentions de départ, mais une évolution certaine. Il reste très important pour nous de ne pas s’enfermer dans une case ou se cantonner à un style de musique ou une esthétique, mais bien de toujours privilégier la quête de nouveauté. On va vers ce qui nous plaît et nous attire, en fonction de nos découvertes et de nos rencontres. C’est génial parce qu’on en apprend tous les jours, on explore et on ne se lasse jamais.
Puis il y a eu un grand tournant, celui de l’aire Meta. Un rêve qui est devenu réalité, notre lieu, une zone libre débarrassée de toutes les contraintes qu’impose la nuit à Marseille.

 

Quel est votre avis sur la scène électronique locale ? Faut-il « en avoir » pour défendre la culture rave à Marseille ?

Marseille a longtemps souffert de son image, alors qu’en réalité, cette ville est le terrain de jeu parfait pour des collectifs comme le nôtre : tout y est à faire. On a vu fleurir une flopée de collectifs sur la scène électronique marseillaise et on voit ça d’un bon œil. Ce qui est génial ici, contrairement à des villes comme Lyon par exemple, c’est qu’on ne ressent pas vraiment de compétition, dans le sens où tous ces jeunes collectifs expriment le désir commun de faire changer les choses et de permettre la reconnaissance de la scène électronique marseillaise. On va tous dans le même sens, en empruntant des chemins différents. Il y a du répondant, c’est sûr. Comme dans toutes les villes, il y a effectivement un enjeu à défendre la culture rave. À Marseille peut-être davantage, car cette culture n’a que peu de légitimité. Et pourtant… Des artistes locaux de qualité, des endroits à investir, une atmosphère populaire et électrique, un public en demande et un esprit naturellement underground : Marseille réunit toute les qualités suffisantes pour y défendre cette culture rave, qui réunit et rassemble autour de valeurs communes. Ces valeurs là sont vraiment hyper importantes pour nous, c’est l’essence même de cette culture… On aime notre ville, et quand les médias véhiculent une image complètement odieuse et erronée, nous derrière, on se bat tous les jours pour lui permettre de rayonner, autrement.

 

Beaucoup d’amour et de camaraderie émanent de votre champ d’action. Vous faites pourtant la publicité des musiques électroniques industrielles, froides et audacieuses : une formule sincère et gagnante, n’est-ce pas ?

Tout d’abord, si tout cet amour émane de notre champ d’action, c’est surtout parce qu’on s’aime, vraiment. On ne travaille pas seulement ensemble, on vit ensemble. Rafael et Julie se connaissent depuis l’âge de sept ans, ils en ont presque trente. Chloé et Simon étaient au collège ensemble. Rafael et Chloé forment depuis de longues années le couple le plus parfait jamais observé. Julie et Simon forment depuis de longues années le couple le plus punk jamais observé (ah ah). Rafael et Nicolas ont découvert la musique en duo, Émilie a assisté à leurs tout débuts foireux… Bref, on est une famille. On s’appelle tous les jours, on fête Noël ensemble, on se connaît mieux que quiconque. On met tout en œuvre pour rester très proches et très ouverts à notre public également. Dans la musique industrielle, il y a aussi quelque chose qui s’apparente à la résistance, à la révolte et presqu’à la lutte ouvrière, elle réunit forcément. Son pouvoir cathartique nous amène à ressentir des émotions profondes. Venir à nos soirées, c’est venir faire la fête librement et à l’unisson, c’est venir faire un gros fuck à toutes les limites que nous impose la société. Il y a quelque chose d’excitant à cela. Ce n’est pas seulement de la musique, c’est une vraie communauté : de l’humain et des valeurs, et de l’amour tout le temps.

 

Votre esthétique est particulièrement soignée et réussie : une concordance bienvenue du spleen et la tôle froide, du DIY et la photocopie. Vous le devez notamment à la graphiste Émilie Génovèse qui fait du très beau boulot. Quelques mots sur votre rencontre ?

On a la chance de compter deux super graphistes complémentaires parmi les membres du collectif : Émilie Génovèse, une amie de très longue date, et Nicolas Guillerminet, membre originel. C’est Nicolas qui a posé ces bases-là et défini un niveau d’exigence concernant notre identité visuelle. C’est sa rigueur et son avant-gardisme qui ont construit l’image de Metaphore. Petit à petit, ils ont commencé à se partager le travail. Émilie s’occupe de toute la communication visuelle du Meta et des soirées Amour au Cargo. Nicolas, lui, de tout ce qui est relatif aux événements ponctuels du Cabaret Aléatoire, du Baby Club, etc. La plupart du temps, Julie, notre chargée de com (entre autres), centralise les besoins du collectif, les transmet aux intéressés et s’ensuivent plusieurs propositions. Ensuite, tout le monde vote et on lance la com. On est toujours contents du résultat quoi qu’il en soit. On sait qu’on est vraiment chanceux de pouvoir tout faire nous-mêmes, de la programmation à la diffusion, en passant par le graphisme.

 

Vous avez invité Low Jack, Voiron, J-Zbel, Maoupa Mazzocchetti, December ou plus récemment Volition Immanent et sa moitié Parrish Smith… Quel est votre plus beau souvenir ? D’ailleurs, ça se passe comment, la programmation chez vous ?

Impossible de n’en citer qu’un. On vit des moments géniaux avec chacune des personnes qu’on invite. La plupart du temps, quand on reçoit un artiste, on tente de l’intégrer complètement à notre quotidien, à notre bande. De cette manière, on arrive vraiment à nouer des liens, d’amitié parfois. C’est un peu comme si on était tous de la même grande famille, et chez nous les réunions de famille sont sacrées.
Sinon, ce sont Simon et Rafaël qui sont en charge de la programmation chez Metaphore, aidés parfois par Julie qui leur soumet ses rencontres. Ils ont une culture dingue et des goûts bien tranchés. Ils fonctionnent essentiellement au coup de cœur. Autant vous dire qu’on n’est pas à l’abri de voir programmer un jour du zouk de qualité au Meta (ah ah). Rafael et Simon sont avant tout artistes, élèves au conservatoire de musique de Marseille, producteurs et passionnés. Ils ne sont passés par aucune formation pour faire ce taf, et c’est certainement pour cette raison qu’ils le font avec autant de feeling. Dans le collectif, nous avons une confiance absolue en leurs influences et en leurs choix de programmation. Beaucoup d’artistes nous ont aussi contactés, on fonctionne pas mal au réseau. Si c’est dans notre vibe, on les reçoit très volontiers.

 

On vous sait très proche des Stéphanois de Positive Education ou des Lyonnais de CLFT Militia ou BFDM. Au-delà d’une ligne artistique assez analogue, qu’est-ce qui, selon vous, vous rapproche si facilement de ces collectifs ?

C’est vrai. Positive Education, BFDM, CLFT Militia, Guilty Dogs, Champ Libre aussi… C’est la famille, le sang. Au-delà d’affinités artistiques, ce qui nous rapproche surtout, c’est une vision commune de la fête et de l’amitié, un amour commun du risque, et la propension à se faire soi-même. Ce sont des bandes de potes, pour certains un peu à l’arrache, comme nous, qui n’ont pas peur d’enfoncer les portes qu’on ne leur ouvre pas. On a vraiment le sentiment d’appartenir au même mouvement, de se comprendre, de pouvoir s’enrichir les uns les autres. L’union fait réellement la force.

 

Certains d’entre vous se concentrent sur le live et la production, d’autres sur le booking. Quel avenir pour Metaphore ? Un label aurait-il des chances de voir le jour ? Cela ferait du bien à la ville…

Les choses commencent pas mal à bouger pour nous. Beaucoup de projets en cours, on ne sait plus où donner de la tête, c’est un peu flippant mais on adore ça. Deux lives sont en préparation : celui de Permakultur, duo réunissant Shlagga et Israfil, et Empire State. On a présenté ce dernier récemment au Centre Pompidou à Paris dans le cadre de la Nuit des Musées : un beau bordel, les employés du Centre nous ont dit d’un air un peu étonné que c’était la première fois qu’un pogo s’organisait dans le musée. Sinon, Israfil, Shlagga, Permakultur, Empire State, Informs, Searaime et Donarra entrent dès le 6 juin sur le roster de l’agence Bi-pole, avec Julie comme agent de booking dans les starting-blocks. De belles collaborations sont à venir, notamment avec nos amis lyonnais et stéphanois, et une résidence sur une webradio trop cool. On ne peut pas encore trop en dire, mais ça aura de la gueule, suspense… Enfin, notre grand projet de la rentrée : le label. Metaphore Industry signera avec une grande fierté la sortie du premier EP d’Empire State. En toute objectivité, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu un son qui claque autant, on est très heureux. Pour l’instant, le Meta est toujours sur pieds, si ça flanche, on s’y enchaînera et on entamera une grève de la faim pour permettre à tous les artistes qu’on a programmés et nos amis d’y mettre les pieds cet été. On aimerait continuer d’y proposer des live et concerts certains dimanches, et commencer à y organiser des expositions, des projections et même des conférences.

 

Dernière chose, comment s’est déroulée la collaboration avec le B:on Air ? Un petit coup de cœur dans cette programmation ?

Super bien. On a trouvé géniale l’initiative de faire appel à des collectifs locaux pour programmer le festival, et ça profite à tout le monde. Rafael et Simon ont travaillé à des propositions artistiques et Julie s’est fait embaucher trois mois pour bosser sur la com, pour finalement s’y voir proposer un poste d’agent de booking. L’équipe du B:on Air s’est montrée très attentive à notre sensibilité, on ne peut que se réjouir d’être soutenus par une équipe de pro. Coup de cœur : Helena Hauff, la reine des ténèbres, ça faisait un moment qu’on voulait la programmer, mais aussi AZF et notre ami December, pour leur nouveau projet Soft War que nous sommes vraiment impatients de voir. Nous avons également très hâte de découvrir le live de Raheem Experience, dont on a entendu que du bien.

 

Propos recueillis par JF

 

Metaphore Collectif, avec Soft War, Helena Hauff, Donarra et Permakultur : le 3/06 au Cabaret Aléatoire (Friche La Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e), dans le cadre du festival Le B:on Air. Rens. : www.facebook.com/metaphorecollectif