Architectures Wig de Meschac Gaba

Meschac Gaba / InsTemps – Regards de six artistes photographes sur le patrimoine

L’art et la manière

 

La vieille Charité propose deux expositions que tout semble opposer mais qui livrent chacune une lecture de la transmission culturelle : Meschac Gaba et l’art globalisé, et InsTemps, exposant le regard de six photographes sur le processus de restauration du Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine.

 

Les gilets fluo des minots d’un centre aéré voisin s’agitent devant une multitude de cadres. « Des gommettes ! » « Des visages ! » : les réponses fusent à la question de la guide qui leur demande de quoi ils sont composés. « Il s’agit en fait de débris de billets de banques, leur explique-t-elle. Avec cette œuvre, Meschac Gaba interroge sur le rapport à l’argent, qui manipule notre société. » Les fronts se plissent, les yeux réfléchissent puis se tournent vers une installation d’archéologie contemporaine. Là, des objets faussement antiques se moquent de cette quête d’authenticité dont les collectionneurs sont friands.
Par l’usage de matières pensées, l’artiste propose une vision d’un art africain qui n’oublie pas ses origines mais sortant des clichés qui l’oppressent et le contraignent. Les thèmes abordés sont chers à Gaba : la globalisation de la culture se traduit par des perruques en tresses synthétiques qui représentent les grandes inventions mondiales, de Pasteur au feu tricolore (MAVA, 2007) ou bien les grandes œuvres architecturales (Perruques architecture, 2006). Il les fait porter en procession dans les rues de Cotonou, et ce défilé fait œuvre dans un pays qui ne possède pas de musée des beaux-arts. La question de la transfrontalité est également soulevée par ces drapeaux/baluchons compressés dans un container d’aéroport (Voyages colis, 2012) : par l’effacement des frontières, chacun devient migrant.
La chapelle de la Vieille Charité sert quant à elle d’écrin à l’exposition InsTemps, qui révèle le travail du CIRCP (Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine). Six photographes ont été appelés à interpréter des phases du processus de restauration des œuvres tel que le pratique le CIRCP : il y est question de patrimoine, de temps, et de sciences. Antoine d’Agata parle d’altération : les murs se craquellent, à l’image de tableaux usés, les corps sont atteints par les microorganismes qui pourrissent le marbre des statues. José Ramón Bas ou Lisa Ross humanisent la transmission et l’apparence, appliquant à nos propres histoires les questions que pose l’usure du temps. Enfin, dans Silent World, les artistes Lucie & Simon arrêtent le temps, la restauration figeant l’aspect de l’œuvre à un instant T de son existence : il n’est pas question de lui donner un sens nouveau, une nouvelle jeunesse, mais bien de permettre sa transmission, avec toutes les usures qui constituent son histoire.

Bérengère Chauffeté

 

Meschac Gaba / InsTemps – Regards de six artistes photographes sur le patrimoine : jusqu’au 5/01/2014 à la Vieille Charité (2 rue de la Charité, 2e).
Rens. 04 91 14 58 80 / www.musees.marseille.fr / www.mp2013.fr