Marx, le retour, adaptation en BD de la pièce d’Howard Zinn par Iris Pouy
Un Marx, et ça repart !
La pièce de théâtre Karl Marx, le retour de l’historien américain Howard Zinn, adaptée en BD par Iris Pouy, une jeune autrice récemment installée à Marseille, permet de remettre au goût du jour la pensée du philosophe allemand.
Alors qu’il veut laver son nom associé à des totalitarismes qu’il n’a jamais voulus, Karl Marx négocie avec un bureaucrate de l’au-delà pour revenir sur Terre, à notre époque, pendant une seule journée. Mais plutôt que dans le Soho populaire du Londres du XIXe siècle où il a vécu avec sa femme Jenny ainsi que leurs filles, il atterrit dans le Soho new-yorkais, quartier touristique de la mégalopole des États-Unis, le pays du capitalisme roi !
Mêlant souvenirs biographiques, réflexions politiques et constat sur notre monde occidental actuel, la pièce d’Howard Zinn et sa très réussie adaptation en BD nous (re)plongent dans une des pensées politiques les plus influentes du XXe siècle.
Magnifié par la mise en scène et les dessins d’Iris Pouy, le travail d’Howard Zinn, historien américain et auteur entre autres d’Une histoire populaire des États-Unis dont s’est inspirée le français Gérard Noiriel pour son Histoire populaire de la France, se nourrit d’éléments biographiques qui sont disséminés tout au long du récit. Toutes les grandes étapes de la vie de Marx sont reprises ici : ses premiers engagements en faveur des classes populaires qui lui a valu d’être banni d’Allemagne, son passage à Paris où il a rencontré les anarchistes Proudhon (son éternel rival) et Bakounine (dont les auteurs nous livrent un portrait haut en couleurs !), puis sa vie très modeste à Londres dans un quartier populaire où il a écrit pendant quinze ans son grand œuvre Le Capital avec son comparse Engels.
Sans oublier l’évocation touchante de sa vie personnelle, étroitement liée à sa pensée et son engagement, à commencer par sa relation avec sa femme Jenny qui le soutient, le relit et même réécrit ses manuscrits (Marx avait a priori une écriture illisible)… mais également le critique, l’aide à rendre ses écrits plus accessibles et tente d’ouvrir Marx à d’autres causes, comme le sort des femmes.
Une pensée politique toujours d’actualité ?
Si Marx revient à notre époque, c’est pour se désolidariser des dérives totalitaires qui ont pu être commises au nom de ses idées. Mais aussi et surtout pour dénoncer le dévoiement du capitalisme qu’il avait envisagé en son temps, ce qui s’est avéré exact. Malgré des progrès technologiques évidents (et par là même des bienfaits en termes de santé et de conditions de vie), Marx se rend compte que la pauvreté est toujours présente de nos jours. Pis, les inégalités ont augmenté. Aux États-Unis, 1 % de la population détient 40 % des richesses !
Plutôt que d’avoir conservé la forme du monologue de la pièce de théâtre, la grande trouvaille de l’adaptation en BD d’Iris Pouy, c’est d’avoir imaginé une balade à travers à la fois la biographie de Karl Marx et le Soho new-yorkais, microcosme de société occidentale et capitaliste, ce qui donne une mise en scène étonnamment plus vivante que sur les planches.
S’appuyant sur l’humour déjà présent dans la pièce, l’autrice passe habilement du passé au présent, avec des transitions subtiles voire drôles. Ainsi, quand Marx raconte son expulsion de Rhénanie, on le voit aussi, à notre époque, se faire éjecter d’un café car il n’a pas d’argent pour payer sa soupe.
Là où la pièce donne à entendre la pensée et les souvenirs de Marx, la BD de la jeune Iris Pouy (c’est son premier ouvrage !), grâce à un dessin qui bien que personnel reste tout à fait lisible et documenté, offre à voir à la fois notre monde et celui du Londres du XIXe siècle qu’a connu Marx.
Alors il ne nous reste qu’une chose à dire : bravo, camarade Iris Pouy !
JP Soares
Dans les bacs : Marx, le retour, adaptation en BD de la pièce d’Howard Zinn par Iris Pouy (éditions Revival)
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Exposition BD La Déferlante # 3
L’excellente librairie marseillaise La Réserve à Bulles expose les dessins originaux extraits du troisième opus de La Déferlante, sous-titrée « la revue des révolutions féministes », qui fait la part belle à la bande dessinée. Ainsi, sont exposés les récits humoristiques de Lisa Mandel, les portraits dessinés de Lucile Gautier et, surtout, les dessins préparatoires et les superbes planches originales signés Thomas Azuélos, extraits de son récit de quatorze pages sur la Révolte des Orangères de Cerbère, un événement qui, en 1906, a constitué une des premières grèves exclusivement féminines.
> Jusqu’au 9/10 à la Réserve à bulles (8 Rue 3 Frères Barthélémy, 6e).
Rens. : 09 73 62 11 47 / www.reserveabulles.com