Juan Carmona

Les Nuits Flamencas d’Aubagne

L’entretien
Juan Carmona

 

Du 30 juin au 3 juillet, l’un des plus grands festivals dédiés au flamenco en France reviendra dans une formule retrouvée. À nouveau, la chaleur andalouse emplira les rues d’Aubagne : cordes et mains frappées, castañuelas, voies envolées, odeurs alléchées, cris et « ¡ Olé ! », figures auréolées… un voyage sans pareil dans la culture du sud de l’Espagne. Juan Carmona, éminent guitariste du genre et directeur artistique des Nuits Flamencas, nous en dit plus.

 

 

Vous êtes actuellement en tournée en Espagne, l’activité culturelle reprend « à la normale », comment appréhendez-vous la prochaine édition, dans un environnement culturel retrouvé ?

Je suis en effet en pleine tournée, en ce moment je suis à Barcelone, puis je partirai sur Madrid, etc. Je crois que les gens n’en pouvaient plus ! Ils étaient en forte demande de culture d’une manière générale. Bien sûr, la musique reste quelque chose de très prisé, dans le flamenco comme ailleurs. Mais dans le flamenco peut-être encore plus particulièrement, car c’est quelque part une musique particulièrement minoritaire. Vous savez, en France, le festival d’Aubagne reste l’un des plus importants dans le milieu, sur un total de trois ou quatre. Il n’y en a pas tant que ça ! Le festival est donc très attendu.

 

L’an dernier, vous organisiez une édition particulière, dans un contexte sanitaire encore très fragile…

On devait encore faire à l’époque avec les restrictions de jauge, les masques… Le flamenco, c’est la musique de la terre, du peuple, c’est très convivial, il y a même quelque chose de presque tactile ! C’est une façon d’être, une philosophie chez les Andalous ; un certain humour, un tout ! Et ce tout est complètement contraire au covid et à la distanciation. Mais on a quand même réussi à faire une édition particulière, ça a eu le mérite d’exister et les gens étaient une fois de plus présents.

 

Vous parliez de la communauté et de la convivialité ; dans votre festival, le spectateur peut devenir acteur, le public entre en scènes à travers diverses activités. C’est quelque chose qui vous tient à cœur ?

Oui, vous savez, le flamenco, c’est à la fois très savant et très populaire. J’ai l’occasion de voyager dans le monde entier, et partout où j’ai joué, il y avait toujours une école de danse flamenca, des aficionados de guitare qui sont curieux et en demande. Sur le festival, la part pédagogique est importante, celle pour les enfants aussi, ainsi que le cinéma ou la gastronomie ! D’ailleurs, cette année, nous organisons un « cooking show » : un spécialiste de la paëlla viendra d’Alès pour expliquer en détails comment se cuisine ce plat traditionnel. Côté mode, plusieurs exposants de « trajes » (robes de flamenco, ndlr) seront présents. On a ce souhait de ne pas s’arrêter au simple concert, mais d’amener la culture flamenca avec tout ce qu’elle a autour d’elle, sa philosophie entière.

 

Vous êtes un musicien très reconnu à l’international dans le milieu du flamenco. Comment cette passion a-t-elle grandi en vous ?

Je suis d’origine andalouse ; chez nous, le flamenco est très présent. Notamment pendant les fêtes de Noël, je me souviens, j’avais sept ans et j’entendais mon oncle jouer. Noël était plus synonyme d’écouter le flamenco que de recevoir des jouets ! J’avais hâte le 24 au soir de voir se réunir ma famille, chanter, danser et jouer la guitare. Je suis tombé dans la marmite comme ça, très tôt.

 

Vous venez de sortir un album, Zyriab 6.7, le présenterez-vous au festival ?

Tout à fait, nous organisons une rencontre le 2 juillet au cinéma Pagnol d’Aubagne, et j’expliquerai comment j’ai construit cet album particulier ; j’y réunis huit pays et des invités de taille, comme Ibrahim Maalouf ou les stars du chant flamenco. Je l’ai de plus ouvert avec un orchestre qui vient de Turquie. Je présenterai d’ailleurs ce jour-là le nouveau clip, en exclusivité !

 

Voulez-vous nous parler un peu de la programmation de l’édition à venir ?

Comme tous les ans, nous sommes en partenariat avec Marseille Jazz des Cinq Continents. Le flamenco a tellement évolué qu’aujourd’hui on en trouve énormément d’influences dans le jazz. Cette année, nous avons la chance de recevoir Diego Amador, qui est le représentant de la musique fusion flamenca avec le jazz. C’est un pianiste de très haut niveau, il fait partie des meilleurs. Nous recevrons aussi Antonio Najarro, qui faisait partie du Nallet national d’Espagne. Là, c’est pareil, son spectacle est beaucoup plus ouvert aux « non aficionados » du flamenco : son spectacle se rapproche de la danse classique espagnole. Le dernier jour à Aubagne, Mercedes de Córdoba, la nouvelle star de la danse flamenca, dansera pour nous. Et, petite particularité cette année, le festival durera quatre jours et non trois. Le dernier, on délocalise le festival au théâtre de verdure de Gémenos, avec la compagnie avignonnaise de Luis de la Carrasca, en mettant ainsi en avant les artistes locaux. Le flamenco étant minoritaire, les artistes locaux ont parfois des difficultés à se faire une place.

 

Et tout ça, comme d’habitude, dans une gratuité totale !

Absolument, c’est très important pour nous, et possible grâce à la Ville d’Aubagne. Des festivals de ce niveau-là, il n’y en a pas en France. Ça explique sans doute notre succès ! Nous recevons chaque année entre deux et trois mille personnes.

 

Propos recueillis par Lucie Ponthieux Bertram

 

Les Nuits Flamencas d’Aubagne : du 30/06 au 3/07 à Aubagne et Gémenos.

Rens. : www.lesnuitsflamencas.fr

Toute la programmation des Nuits Flamencas d’Aubagne ici :