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Les 18 ans du Ravi

Journal majeur

 

Alors qu’il fêtait ses dix-huit ans en juin et que paraissait le mois dernier son 200e numéro avec de nombreux invités exceptionnels (Daniel Pennac, Robert Guédiguian, Cédric Herrou, Edwy Plenel…) retour sur le parcours du mensuel le Ravi, « seul journal satirique régional ».

 

 

Paraissant le premier vendredi de chaque mois, le Ravi a été créé en juin 2003 par l’association marseillaise La Tchatche en partant du constat que, dans une région PACA où clientélisme et système quasi mafieux fleurissent dans les arcanes politiques, il fallait un média indépendant pour informer les citoyens.

Et si c’est le local qui prime, les sujets abordés ont bien souvent des résonances nationales, comme avec les dossiers thématiques sur le nucléaire ou l’extrême droite.

Se présentant comme un « journal non partisan mais de partis pris », le Ravi n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat en fustigeant les dérives des institutions politiques locales qu’elles soient du centre, de droite ou d’extrême-droite, mais aussi de gauche.

Inspiré du santon provençal du même nom qui, comme le personnage du logo, les bras toujours ouverts, communique sa joie de vivre et la bonne nouvelle, le Ravi est également amené à parler de tout ce qui va bien, ou tout du moins qui va mieux qu’avant : ainsi dans le numéro de ce mois-ci (#201), au sein d’une enquête plutôt à charge sur Benoît Payan, le maire de Marseille depuis un an, la rédaction met également en avant certains changements positifs, bien que timides, mis en place par la nouvelle municipalité.

Essentiellement composé d’enquêtes de terrain qui mettent en lumière les dysfonctionnements des gouvernances locales, le sommaire fait aussi la part belle aux dessinateurs de presse maison qui croquent l’actualité politique régionale, ainsi qu’un intéressant reportage dessiné signé à chaque numéro par le jeune dessinateur Xénoïde.

Deux rubriques emblématiques du journal reviennent chaque mois : « le contrôle technique de la démocratie » qui retranscrit l’immersion incognito d’un membre du journal dans un conseil municipal, et le « Poids lourd », portrait au vitriol d’une personnalité locale en « surpoids » médiatique.

Une rubrique culturelle « RTT » et une autre sur la cuisine viennent parfaire le contenu du mensuel.

 

Indépendance et citoyenneté

Le Ravi n° 200

Si le Ravi peut se permettre une telle liberté de ton et de sujets, c’est que la rédaction a une totale indépendance éditoriale et financière, ce qui lui vaut fréquemment des procès, comme celui à Tarascon ce 7 décembre 2021 dont on attend le verdict suite à une plainte de la Chambre de commerce du Pays d’Arles concernant un article de 2019 pour lequel la CCI a refusé de répondre aux questions du journal.

L’autre axe de l’équipe du Ravi est d’animer des ateliers d’éducation et de sensibilisation des médias auprès des collégiens et des lycéens, mais aussi des adultes.
Ainsi, depuis 2012, le journal conçoit régulièrement et conjointement avec les publics concernés des suppléments « très spéciaux », souvent en partenariat avec des institutions comme les centres sociaux des Bouches-du-Rhône, la Ligue de l’Enseignement… ou encore avec la Fondation Abbé Pierre avec qui le Ravi a imaginé un supplément rédigé par des SDF.

Ces partenariats se retrouvent également dans les enquêtes (comme avec le collectif Anticor dans un dossier sur la corruption), mais aussi à l’occasion des débats que le Ravi organise une à deux fois par mois et auxquels ont participé Mediapart ou Charlie Hebdo. Sans oublier, l’émission La Grande Tchatche sur Radio Grenouille, soit l’interview d’une personnalité politique locale pendant une heure chaque semaine.

Comme celle de la presse en général, la situation financière du Ravi s’avère particulièrement précaire. La rédaction a organisé plusieurs campagnes d’appels aux dons, comme lors de cette soirée mémorable de 2015 avec IAM et Chinese Man Records au Dock des Suds, ou encore en 2014 le « Couscous bang bang » qui a donné lieu à un grand banquet où un couscous a été offert à la centaine de donateurs.

Depuis 2019, le journal propose une version numérique et a complètement refondu son site leravi.org en proposant des contenus exclusifs, comme des dessins humoristiques hebdomadaires.

Militant jusqu’au bout des ongles, l’équipe du Ravi est sur tous les fronts : partie prenante de la Coordination Permanente des Médias Libres, elle a participé à des négociations avec le ministère de la Culture et de la Communication sur la création d’un fonds de soutien à l’information sociale de proximité, mais aussi organisé avec Marsactu et Mediapart en 2013, à la Criée à Marseille, un débat contre l’affairisme dans la presse alors que Tapie venait de racheter La Provence et Nice-Matin, ainsi que les premières Rencontres nationales de la presse pas pareille.

Le Ravi, c’est le poil à gratter salutaire des hommes politiques locaux qui, grâce à de telles initiatives de médias indépendants, sont bien obligés de faire un tant soit peu attention à leurs actes. Alors, longue vie au Ravi !

 

JP Soares

 

Rens. : https://www.leravi.org