L’entretien | Chinese Man Records

Prendre de la distance était jusqu’alors un conseil méditatif avisé difficile à respecter, tellement l’urgence de l’action nous emportait loin de nous-même dans cette société en soif de productivité. Véritable balancier non désiré, le « gros vide » a fait de ce recul une obligation. On est tellement loin qu’on n’y voit presque plus rien ! Dans cette distanciation et ce silence imposés, Chinese Man Records célèbre la créativité et sort un sous-label entièrement digital : Dig It !. Une dizaine d’artistes dont Makoto San, Bavard ou BRK & Speaker Louis sont déjà signés sur ce sous-label dont le crédo est simple : élargir la palette musicale et promouvoir des artistes en éclosion. Sylvain, alias Sly, beatmaker de Chinese Man et membre fondateur de CMR, nous parle, entre autres projets, de ce nouveau-né.

 

 

On vous interviewait il y a un an, à l’occasion de la sortie des Groove Sessions Vol.5. Comment ça va, chez Chinese Man Records ?

L’album maudit ! On l’a sorti juste avant le confinement, puis la tournée a été entièrement annulée ! Ça va, parce qu’on a plusieurs activités, mais il est vrai que ça a été un coup dur, et le fait de ne pas trop savoir ce qu’il va se passer dans les prochains mois est un peu compliqué à gérer, mais nous ne sommes pas désœuvrés. Notre but par rapport à cet album est de faire la tournée à l’automne 2021, à partir d’octobre. On était déjà très contents du résultat du live mais on va quand même re-bosser un peu ce spectacle, faire quelques changements dans la playlist, que ce soit un peu plus excitant pour nous !

 

Vous venez de lancer Dig It !, un label 100 % digital. Peux-tu nous parler des origines et motivations de ce projet ?

L’envie est là depuis très longtemps, c’est un vieux projet qu’on a mis un moment à mettre en place. L’actualité nous a offert l’opportunité de nous concentrer pleinement là-dessus ! L’ambition est de pouvoir sortir des titres plus librement, plus facilement, d’où le digital. Aussi et surtout, Chinese Man Records a une identité musicale assez forte et nous voulions ouvrir notre palette musicale. Avec ce sous-label, nous nous imposons beaucoup moins de contraintes artistiques, nous sommes ouverts à à peu près tous les styles musicaux. Désormais, le numérique a une place très importante, les gens consomment beaucoup la musique par ce biais, c’est donc une autre façon d’envisager la production musicale.

 

Vous avez déjà signé dix artistes. Comment faites-vous vos choix ?

Sur cette première sélection, c’est vraiment nous qui sommes allés vers les artistes ; ceux que nous avions croisés lors de la bonne époque des concerts, et d’autres que nous sommes allés chercher sur Bandcamp, Soundcloud, etc. On voulait ainsi montrer la palette de musiques que l’on souhaitait représenter et c’était un choix du cœur ; ce sont des artistes avec lesquels nous voulions travailler depuis un certain temps. À terme, le but est que les artistes nous sollicitent d’eux-mêmes, et ils seront choisis par un comité de sélection. Un des axes de Dig It ! est de promouvoir des projets aboutis en voie de développement, avec des univers fort et marqués. Nous voulons produire des projets en train d’éclore, juste avant la professionnalisation.

 

D’où le nom du sous-label ?

Exactement ! Et aussi pour le clin d’œil au verbe « diguer », que les Djs utilisent lorsqu’ils fouillent dans les vinyles.

 

Y a-t-il des artistes parmi vos premières signatures dont tu aimerais nous parler plus précisément ?

Nous sommes plusieurs à être impliqués, chacun a donc ses petits coups de cœur. Pour ce qui me concerne, j’ai un attachement particulier au projet de Makoto San, c’est une véritable découverte. Ils ont un univers très singulier, de par les instruments traditionnels qu’ils utilisent mais aussi leur façon de les allier à la musique électronique : je ne suis pourtant pas un amateur de techno en général, mais ils ont trouvé leur voie et leur style m’a beaucoup plu. En plus, ils sont marseillais… ! Évidemment, nous sommes attachés à tous ces premiers artistes que nous avons signés pour différentes raisons.

 

Les temps sont durs et incertains. En cette période floue quant à la reprise en physique de la culture, comment vivez-vous la situation ? Comment envisagez-vous l’(étrange) année qui commence ?

Pour les artistes, c’est vraiment dur : se sentir déconnecté de tout est difficile à vivre. Pour autant, après concertation avec tous les artistes du label, nous ne sommes pas vraiment enthousiastes quant aux livestream et autres formes de concerts en ligne. Ce sont des choix, mais nous avons du mal à nous projeter à nous produire sous ce format. Cependant, pour le label, ces incertitudes forcent à rester actifs, à trouver des idées. Nous échangeons beaucoup avec d’autres labels comme Banzaï Lab ou I.O.T, dont la taille est similaire à la nôtre. Ça crée donc des choses positives, comme plus d’échanges que lorsque nous étions dans ce flux tendu de sorties, tournées… Cela nous force aussi à nous creuser la tête pour imaginer l’avenir du label, malgré des répercussions financières certaines et un avenir incertain. Le bilan, plutôt négatif, est assez mitigé, mais il y a des petites lueurs d’espoir, et on a envie de rester créatifs et positifs : Dig It ! en est un bon exemple.

 

Quels sont vos projets de concerts et de sorties à venir ?

Ce sera principalement des sorties. Nous avons trop de fois été refroidis par les annulations et reports ; c’est embêtant pour nous mais surtout pour le public qui en sort toujours déçu. Le live est en stand by. Côté sorties, le groupe Rumble (dont je fais partie) présente son premier album, et d’autres nouveautés sont à prévoir pour Baja Frenquencia et notre MC Youthstar. Des projets plus légers, des single et EP sont à paraître également. Tous les artistes sont sur le feu et motivés, et les sorties seront régulières !

 

Propos recueillis par Lucie Ponthieux Bertram

 

Pour en (sa)voir plus : https://www.chinesemanrecords.com/dig-it/