Festival Musique au Centre : Quintette à deux violoncelles © Florent Gauthier
Quintette à deux violoncelles © Florent Gauthier

Retour sur le Festival Musique au Centre

Au bon endroit, au bon moment

 

La pianiste Shani Diluka et le Trio Goldberg, réunis dans le Quatuor pour piano et cordes n°3 de Brahms, ont mis un terme à une mémorable soirée sous les platanes de la vaste cour intérieure du Lycée Périer à Marseille, point d’orgue du Festival Musique au Centre.

 

Dès les premières mesures, nous voilà projetés au sein de la nébuleuse romantique dans laquelle l’œuvre est enclose. Brahms l’a murie pendant près de vingt ans car ce qu’il y exprime rencontre en lui une forte résistance : l’épreuve d’une passion inavouable dont les quatre musiciens nous font sentir l’ombre portée. Shani Diluka en décline le premier thème avec une fièvre douloureuse, soutenue par les arpèges frissonnants des cordes. Toute la poésie mélancolique du compositeur s’égrène sous leurs doigts. Les artistes semblent feuilleter les pages des Souffrances du jeune Werther en tournant celles de leur partition. Dans l’andante, Brahms parvient à sublimer sa détresse au moyen d’une longue phrase mélodique où rayonnent à la fois le mal et son remède. Thierry Amadi au violoncelle l’exhale comme le souffle d’un amour enfin émancipé, que Lisa Kerob au violon et Federico Hood à l’alto ont rejoint avec une infinie délicatesse. C’est pour des élévations de sentiment comme celles-ci que l’on aime la musique. Et, puisque nous étions dans un lycée, au cœur de l’éducation de la jeunesse à son humanité sensible, cette musique-là sonnait, particulièrement sous la bonne étoile de Shani Diluka, comme l’injonction faite au plus humble, au plus tendre, au plus fragile de faire prospérer son talent.

Auparavant, au concert de 18h, nous avions été accueillis à une véritable schubertiade par une formation instrumentale largement issue de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille dont la connivence a trouvé en ces lieux le fidèle écho de ces réunions où le compositeur aimait à rassembler ses amis autour d’une partition. En l’occurrence ici, le bouleversant Quintette à deux violoncelles créé in extremis, opus posthume 163, dans lequel les cinq musiciens ont communié à la mémoire de Schubert. Particulièrement dans le célébrissime second mouvement qu’ils ont élargi, sans hâte ni lenteur, en suspendant son thème élyséen entre terre et ciel ; sur quoi venait se poser le motif impondérable qui s’échappait du violon d’Alexandre Amedro en de brèves palpitations haut perchées.

Découvrir pareilles ressources dans le désert musical phocéen de cette fin de mois d’août tenait de la gageure. Nous le devons à Gwenaëlle Castex et Pierre Laïk, les deux professeurs organisateurs bénévoles de ce petit festival qui, nous n’en doutons pas, deviendra grand. Si ce n’est déjà fait.

 

Roland Yvanez

 

Le Festival Musique au Centre était présenté du 23 au 25/08 au Lycée Périer.
Rens. : https://musiqueaucentre.fr/