Safety First © Alain Julien

Le festival Les Musiques

Musiques plurielles pour festival singulier

 

« Être stupéfait, c’est être figé. La surprise, quant à elle, conduit à la réflexion. Lorsque l’on est surpris, l’imaginaire s’ouvre, et le questionnement se met en marche. » Ainsi Christian Sebille, le directeur du GMEM, nous aiguillait-il il y a deux ans sur ce qui fait l’essence même du festival Les Musiques. Depuis ces mots, rien n’a changé, mais tout semble avoir pris une autre dimension. Du Merlan à la Friche en passant par Musicatreize ou le parc Borély, de chorégraphies en orchestres, contes musicaux et design culinaire, cette nouvelle édition s’annonce bien comme la plus aboutie qu’il nous ait été donné d’entendre, et de voir. Nous avons donc choisi de mettre l’accent sur la programmation, véritablement éclectique, à l’aide d’un parcours sélectif en forme d’aperçu. Bon voyage !

 

Antscape

> jusqu’au 18 au Petirama (Friche La Belle de Mai)

Installation

Antscape © Nicolas Clauss

Antscape © Nicolas Clauss

Le nom de Nicolas Clauss vous est déjà sans doute familier : plusieurs fois invité à la Friche La Belle de Mai par les Instants Vidéo et Zinc, associé à la chorégraphe Manon Avram, soutenu depuis longtemps par Seconde Nature et devenu « régulier » de la programmation du GMEM, il vient présenter une installation, tout juste après nous avoir emmené Into Landscapes lors de la dernière édition de Reevox. Ici, il s’associe au compositeur éclectique Sylvain Kassap qui, depuis trente ans, met la clarinette dans tous ses états. Le magicien programmateur Charles Bascou orchestre cette installation dite « générative », composée à partir d’algorithmes, qui produit à chaque occurence un agencement différent — mais toujours poétique — des images et des sons, l’intérêt étant alors de se centrer sur le caractère aléatoire et presque vivant de la structure numérique.

JSe

 

La Nuit Borély

> le 8 au Parc Borély

Parcours musical en plein air

La nuit BorelyLa Nuit Borély ? Une véritable promenade musicale qui nous entraîne dès la fin de l’après-midi aux quatre coins du parc, de la Méditerranée, et plus loin encore : dans une forme spectaculaire notamment conçue pour une quarantaine de tambourinaïres (joueurs de galoubet-tambourin, figures emblématiques de la musique trad’ provençale), la création d’Alexandros Markeas, Légendes, balaye le spectre des mythes grecs, provençaux et africains. Sans faire fi de l’ensemble Motus qui, à travers une belle sélection d’œuvre, saura profiter de tous les atouts de l’acousmonium. « Entouré d’une forêt de haut-parleurs, l’auditeur se laisse porter… et c’est la surprise du son qui s’offre à lui. » On signe !

PM

 

Twin Paradox

> le 9 à la Friche

Chorégraphie musicale

Twin Paradox © Marc Coudrais

Twin Paradox © Marc Coudrais

Pour sa dernière création, Mathilde Monnier s’est inspirée de la danse marathon américaine des années vingt, qui mettait en compétition des couples de danseur jusqu’à épuisement (comme dans le sublime film de Sydney Pollack, On achève bien les chevaux). Dans une scénographie épurée, mais habillée par les sons du génial compositeur Luc Ferrari, eux-mêmes agencés par Olivier Renouf (réalisateur sonore et grand chouchou de nombreux chorégraphes), Twin Paradox recentre l’attention sur la danse à l’état pur. Et plus particulièrement sur le duo, cette forme primaire qui nourrit les principes de composition de l’art chorégraphique : diffraction, reprise, boucle, fatigue… « Réinventer les amants, comme une première forme de la communauté… » : quelle fantastique promesse ! Une promesse tenue : les “amants-danseurs” sont ici tous des pointures sauvages, réunies dans le casting du siècle.

JSe

 

A l’agité du bocal

> le 10 au Merlan

Musique

A l'agite du bocal © Arthur Pequin

A l’agite du bocal © Arthur Pequin

Lorsque le GMEM désire inviter le renommé compositeur Bernard Cavanna, il se retrouve à devoir programmer un spectacle autour d’un texte de l’antisémite Céline… Ne nous ayant pas caché avoir d’abord refusé de l’insérer au festival, Christian Sebille s’est ensuite rendu compte de l’amplitude des problématiques soulevées par la création : les dix-huit musiciens (du violoncelle à la cornemuse en passant par l’orgue de barbarie) de l’Ars Nova et trois ténors adaptent à la scène ce « pamphlet virulent » écrit en réponse au Portrait d’un Antisémite de Sartre. Cette pièce « pourrait revêtir la forme d’une sorte de bousin, de tintamarre, de farce, de foire », précise l’impertinent Cavanna. Une sorte de curiosité qui s’annonce aussi loufoque que dramatique et dérangeante.

PM

 

Safety First

> le 14 à la Friche

Opéra noise

Safety First © Alain Julien

Safety First © Alain Julien

Opéra-chantier, Safety First nous parle des cimetières de cargos qu’on trouve sur les plages du Bangladesh, où le désossement des bateaux (pour leur acier) est devenu l’activité centrale d’un des pays les plus pauvres du monde, générant ainsi les revenus d’une grande partie de sa population. Ici, le compositeur Eryck Abecassis, qui croise noise et field recording avec une passion averée pour l’hybridation des structures, s’est entouré de l’auteur Olivia Rosenthal, qu’on connaît pour ses fictions grinçantes et décalées. Les interprètes n’en sont pas moins virtuoses, entre artistes lyriques de talent (la soprano Chantal Santon Jeffery et la déjantée des cordes vocales Catherine Jauniaux) et musiciens hors pair (le guitariste Jean-Sébastien Mariage et le batteur Will Guthrie).

JSe

 

L’homme qui plantait des arbres

> le 15 aux ABD Gaston-Defferre

Concert-lecture

L'homme qui plantait des arbres © Alexandre Chevillard

L’homme qui plantait des arbres © Alexandre Chevillard

Le compositeur marseillais Georges Bœuf transforme le manifeste écologiste de Jean Giono en création sonore pour saxophone et percussions. Commande du Festival de Chaillol en 2013, cette partition a été créée à la mémoire de Luc Ferrari. L’héritage de la musique concrète est là : l’abolition entre les bruits et le son. Le texte ? Une œuvre majeure de la littérature jeunesse, dans laquelle un berger, exceptionnel, redonne vie à une terre aride en y semant des glands de chênes pendant des années. L’alliance du texte, très accessible, à la musique contemporaine rend cette dernière plus proche de nous… A voir en famille.

SaS

 

Vortex Temporum

> le 16 au Silo

Ballet

Vortex Temporum © Anne Van Aerschot

Vortex Temporum © Anne Van Aerschot

Un grand final pour cette édition riche en couleurs avec la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et l’Ensemble Ictus, pour deux représentations du célèbre sextuor pour piano et cinq instruments de Gérard Grisey. « Cette œuvre longue s’est imposée depuis le jour même de sa création comme l’un des plus puissants chefs-d’œuvre de la fin du XXe siècle », annonce-t-on. Un véritable voyage, une œuvre-monde surprenante et minimaliste, construite autour d’arpèges et autres spirales harmoniques par l’un des fondateurs du spectralisme, mouvement focalisé sur le son et attaché au spectre sonore en tant qu’outil de composition. Mettant en exergue les diverses formes du son, c’est tout naturellement qu’elle trouve écho dans la gestuelle des corps. En témoigne ce double rendez-vous incontournable.

PM

 

Les Musiques : du 7 au 17/05 à Marseille.
Rens. : 04 96 20 60 10  / www.gmem.org

Toute la programmation du festival Les Musiques jour par jour ici