La Trocade

La Trocade

expo-trocade-traquandi.jpg

Un week-end à troquer

La démocratisation de l’art, une utopie ? Sans doute. Mais « à quoi servirait une capitale européenne de la culture si ce n’est pas pour rendre le quotidien moins prévisible ? » La question est posée. La réponse se trouve peut-être dans la Trocade, un événement aussi sérieux qu’insensé, imaginé par le Off de 2013 et l’association MouvArt.

Qu’il semble naïf, celui qui s’exclame encore, dans un monde régi par l’argent et insupportablement suspendu au bon vouloir des agences de notation financière, que l’œuvre d’art n’est pas une marchandise. La spéculation sur les œuvres, les millions sonnants et trébuchants échangés contre la signature d’un « grand » démontrent régulièrement le contraire. Et pourtant, un autre système de valeurs est possible. C’est en tout cas ce que pensent les doux rêveurs de Marseille2013.com (le Off de la future capitale européenne de la culture, déjà en activité), qui s’associent à MouvArt pour créer un événement pour le moins insolite : la Trocade. Comme son nom en forme de mot-valise (Troc + rocade, « parce qu’il s’agit d’une expérience croisée, qui crée des liens ») l’indique, il s’agit ni plus ni moins d’un échange non monétisé entre des créateurs et des populations qui n’ont pas forcément accès, faute de moyens, à l’art contemporain. « Tout est ouvert, tout est possible » martèlent en chœur les responsables des deux structures, dont la démarche, « très militante », s’inspire d’expériences menées en Belgique dans les 70, et dont la Trocade serait une « update ». Reprenant à leur compte l’adage « L’union fait la force », ils ont non seulement mutualisé leurs envies et leurs compétences, mais aussi fait appel à la générosité de chacun afin de respecter l’esprit de partage qui régit la manifestation. Ainsi, tous ceux qui ont permis à cette belle aventure de voir le jour y sont allés de leur soutien en nature — des promoteurs immobiliers, qui ont mis pas moins de 400 mètres carrés à disposition, à l’imprimeur, qui a gracieusement édité des tracts. Résultat : une opération à tout petit budget (2000 €) et un week-end qui s’annonce unique. Jugez plutôt : pendant trois jours, muni d’un carnet de troc à 5 € (permettant de faire dix propositions sur les 80 œuvres exposées), chaque acquéreur potentiel inscrira son offre — et, pourquoi pas, son avis critique — sur un post-it qui viendra côtoyer l’œuvre convoitée et les autres propositions d’échange. Et c’est là que le principe de la Trocade se révèle extrêmement ludique : chacun formulant une offre suivant ses moyens et compétences, les propositions devraient réserver leur lot de surprises. Un dessin original de Caroline Sury contre dix séances de kiné ? Une peinture de Franck Aslan en échange de 300 grammes de cookies faits maison par semaine pendant un an ? Un Surian contre l’intégrale de l’Encyclopedia Universalis ? Une photo de Karine Maussière contre un séjour à la montagne ? « Tout est possible », donc. Au terme de ces enchères d’un genre nouveau (« Les gens vont peut-être proposer une alternative s’ils voient que l’œuvre qu’ils désirent est très convoitée »), l’artiste choisira l’offre qui lui convient le mieux. Voilà qui promet « des coups de cœur, des émotions partagées, des rencontres inhabituelles… » Parrainée par Gérard Traquandi, la Trocade assure également plusieurs points d’orgue festifs, notamment une ouverture jazz en compagnie du Karine Bonnafou Quartet et un « troc final » groovy avec Dj Oïl aux platines. En somme, une histoire de création, du début jusqu’à la fin.

CC

La Trocade : du 24 au 26/11 dans l’ancienne boutique Esprit (28 rue de la République, 1er). Rens. http://trocade.fr / www.marseille2013.com