Préparation dans l’atelier des Pas Perdus

La Joliette des Songes

Rêves sur place et à emporter

 

Le songe et la poésie seront à l’honneur place Henri Verneuil du 15 au 18 juin. Sur le parvis du Théâtre Joliette-Minoterie, les Pas Perdus vont ériger des colonnes pour y déposer les rêves des riverains. Une installation plastique et sonore, éphémère mais intense.

 

Les Pas Perdus, ce sont d’abord trois artistes : Guy-André Lagesse, Nicolas Barthélemy et Jérôme Rigaut. Et puis ce sont tous les autres… Les Pas Perdus n’ont de cesse de rechercher une sorte de magie dans l’ordinaire, une « créativité populaire », en développant une économie poétique et artistique basée sur la rencontre. Et, depuis sa création dans les années 2000, le groupe artistique en a vu naître ! On pourra citer la Zone d’Anniversaire Concerté ou bien encore le Tuning d’appartement… Cette fois, c’est à une « forêt de songes » que nous aurons à faire. Elle poussera pour quatre jours place Verneuil.

La Joliette des Songes est le fruit d’une résidence entamée en 2016 par les Pas Perdus au Théâtre Joliette-Minoterie. Durant ce temps de création, les artistes sont allés quotidiennement à la pêche aux songes auprès des personnes qui vivent et travaillent dans le quartier. Ils avaient alors une simple certitude pour toute canne à pêche : celle que des rêves se cachaient là, quelque part entre les lignes strictes des bâtiments du quartier des affaires et l’air occupé de ses travailleurs… Peut-être ces songes partent-ils en fumée lors des pauses cigarette ? Ou peut-être qu’ils se reflètent dans les regards curieux ? « Nous nous promenions avec un studio photo portatif. Cela intriguait les gens. Lorsque nous trouvions un songeur potentiel, nous lui demandions quels étaient ses songes, ce qui ici, dans ce quartier, le faisait rêver. » Entre le monde du travail et le pays des merveilles, les Pas Perdus font passer aux gens des « audits songiaux ». Quarante songeurs sont ainsi recrutés. « Puis nous commencions avec eux un travail d’échange. Nous multipliions les rencontres et travaillions sur le long terme en revoyant plusieurs fois chacun des songeurs pour mettre au point avec eux une affiche qui représenterait leur songe. »

« Quand on m’a demandé “Que ressens-tu ?”, j’ai tout de suite pensé à la bruine et au crachin de la place Verneuil, à l’arrivée des bateaux en bas du boulevard des Dames… Mon père venait là quand il était officier dans la marine marchande. Ça a laissé des traces dans mon imaginaire, explique Daniel, l’un des songeurs, un professeur d’EPS à la retraite. Et ça faisait du bien de l’exprimer ! On ne nous demande pas tous les jours quels sont nos songes… c’est dommage ! C’est bien de faire participer les gens. Il y a une effervescence à Marseille, on le sait, il se passe beaucoup de choses ; le problème, c’est qu’on ne le voit jamais… enfin, on ne sait pas toujours où elles se passent… c’est pourquoi il faut à tout prix soutenir ce genre de projet, qui va à la rencontre des gens. Ça fait jaillir la culture ! »

Le travail réalisé au contact des songeurs s’avère énorme, souligne encore Daniel, que nous pourrons entendre lors de la visite, de même que les autres songeurs. Il a abouti à une création graphique pour chacun d’entre eux : des affiches grandeur nature qui seront placardées sur des colonnes érigées place Verneuil, durant les quatre jours de l’évènement. Les songeurs sont mis en scène dans des univers, du plus délirant au plus poétique. Ils nous emmènent ailleurs. Nous pourrons alors voir le quartier à travers les lunettes des autres et sous un jour plus rêveur. Ces « Colonnes Verneuil » sont autant d’arbres qui composent une forêt d’imaginaires, de messages posés sur les branches : « Tout est politique », scandent les uns, « La distance entre nous émerveille », proposent les autres, quand certains encore affirment « Il faut profiter des atomes ». Cet environnement et ces colonnes sont aussi sonores. Les bruits de la ville s’y sont mués en bruits d’orchestre de bouches, suite à un travail qu’a réalisé Guy-André Labesse avec un groupe de parents et d’enfants de l’école maternelle Desirée Clary, un groupe d’enfants de la Cabane (association Môm-Sud) et l’enseignante Magali Durand.

Une installation urbaine plastique et sonore donc, qu’accompagnera une programmation riche : visite commentée, pique-nique, bal et buvette entre autres surprises à ne pas manquer.

 

Frédéric Vaysse

 

La Joliette des Songes : du 15 au 18/06 sur l’Esplanade du Théâtre Joliette-Minoterie (Place Henri Verneuil, 3e).

Rens. : www.theatrejoliette.fr

Pour en (sa)voir plus : www.lespasperdus.com/la-joliette-des-songes