Image de Ville

Main basse sur la ville

 

La dix-neuvième édition du festival Image de Ville pose une nouvelle pierre à un édifice devenu incontournable, véritable miroir de nos existences au sein de l’environnement urbain. Avec une programmation comme à l’accoutumée de très haut niveau, entre Aix-en-Provence, Marseille, Martigues et Port-de-Bouc, la manifestation déroule un menu particulièrement enivrant.

 

 

Nous l’avons largement évoqué dans ces colonnes, depuis les origines de l’image animée, la ville au cinéma n’a jamais fait office de décor, mais s’est toujours imposée comme un personnage à part entière du récit. La ville est partout, en tous, peu de personnages lui échappent, et réelle ou fictive, elle se fait l’écho de notre propre psyché. La ville est miroir, un miroir qui sait réfléchir. Dans le geste documentaire plus particulièrement, c’est notre propre place dans la vi(ll)e que les films interrogent bien souvent, entre histoire(s) et utopies.

C’est dire l’importance d’un festival majeur comme Image de Ville, dans le paysage culturel régional : pour sa dix-neuvième édition, l’équipe organisatrice, à l’instar des autres festivals, semble se libérer enfin d’une situation sanitaire éprouvante lors des années précédentes, en proposant un menu passionnant propre à explorer cette thématique majeure.

White Building de Kavich Neang ouvrira le bal au cinéma Le Renoir de la cité aixoise : ce film cambodgien — cinématographie trop absente de nos écrans — suit le parcours du jeune Samnang, devant faire face à la démolition de la maison qu’il a toujours habitée à Phnom Penh. Ainsi s’offre à nous ce festival, par ces entrées hétérogènes, où les notions de ville et d’urbain recouvrent des réalités fort contrastées. C’est en l’occurrence le cas dans Chronique de la terre volée de Marie Dault, que viendra présenter la géographe Virginie Baby-Collin, Grève ou Crève de Jonathan Rescigno, qui accompagnera le film, ou Dream Away de Marouan Omara et Johanna Domke, séance construite avec Aflam.

Premier coup de projecteur de cette nouvelle édition : l’hommage rendu au cinéaste Michael Mann, qui entretient avec la ville, principalement Los Angeles, un lien puissant d’affinité élective, comme pourra en témoigner la conférence proposée par Axel Cadieux, et la diffusion du fameux Le Solitaire de 1981. L’une des forces d’Image de Ville réside dans l’intelligence des écrans parallèles proposés, tel que L’Esprit de la ville, où se mêleront les opus de Basil da Cunha (O Fim Do Mundo), d’Émilie Beaulieu-Guérette (L’Autre Rio), ou de Hou Hsiao Hsien, avec Café Lumière.

Signalons plus particulièrement la présence du cinéaste marseillais Régis Sauder, qui, avec son dernier opus J’ai aimé vivre là, écrit avec l’autrice Annie Ernaux, explore les imaginaires de la Ville Nouvelle s’incarnant ici à Cergy.

À quelques encablures de la cité phocéenne, à Port-de-Bouc, les Ateliers Varan, passionnante structure de formation et d’accompagnement au geste cinématographique, compteront également parmi les invités du festival, pour une programmation sous forme de lancement de résidence au sein de la cité ouvrière. Tout proche, le nouveau cinéma de Martigues, la Cascade, accueillera l’avant-première du magnifique opus de Gabriel Tejedor, Kombinat, plongée fascinante dans la ville de Magnitogorsk, au cœur de la Russie.

La série de tables rondes Au gai savoir urbain, les sélections Génie des lieux, Hospitalité(s) ou Terrestre, regorgeant de découvertes cinématographiques passionnantes, complètent une programmation de haut vol dont on ne peut sortir indemne en posant hors de la salle le premier pas dans nos environnements quotidiens, qui conditionnent invariablement notre rapport à l’espace et à l’altérité.

 

Emmanuel Vigne

Image de Ville : du 14 au 24/10 à Marseille, Aix-en-Provence, Martigues et Port-de-Bouc.

Rens. : http://imagedeville.org

La programmation complète du festival Image de Ville ici