Thomas de Pourquery

Identités Remarquables | Thomas de Pourquery

Love is in the air

 

Il est au casting de films et séries attendus en fin d’année. Invité de plusieurs projets musicaux, l’artiste jazz de l’année 2017 le sera également avec son groupe Supersonic dans divers festivals de l’été : Jazz à Vienne, Marciac, Hammamet… Rendez-vous avec Thomas de Pourquery avant son ouverture en fanfare du Marseille Jazz des Cinq Continents.

 

Love est le mot qui définit le mieux le « bon homme » de Pourquery. À sa façon, sous un trait d’humour, on pourrait jeter ce mot en travers de la page avec simplement l’heure et le jour du rendez-vous avec Supersonic.

Sons of Love, le titre du dernier opus de Supersonic, semble en être aussi sa définition. Des amoureux fous de musique qui, après avoir servi le grand Sun Ra dans son approche musicale d’un amour universel, opèrent une fusion scénique cosmique à faire pâlir le plus célèbre des gourous.

De toutes ses formations, Supersonic est le groupe qui ressemble le plus à Thomas de Pourquery. Cet auteur, compositeur, chanteur, saxophoniste et comédien exerce son métier comme un artisan. Au risque de passer pour un naïf candide, il le fait dans l’amour et le partage : « J’aime que la musique fasse du bien et je crois à son pouvoir de vie. Raconter quelque chose de lumineux est ce qui me motive. »

De nature plutôt optimiste, il n’est pourtant pas naturel pour lui d’être totalement heureux. Remercier la vie est un remède à la mélancolie. Ce sentiment offre pourtant de beaux voyages à sa musique et à son interprétation.

Formé en 2011, Supersonic doit son succès à un terreau amical indéfectible, à la virtuosité et la fantaisie de ses musiciens hors du commun. Possédés, talentueux, inclassables, en osmose totale, sans bataille d’ego.

Si Sons of love est la suite rêvée par Thomas au Play Sun Ra, qui a propulsé cette formation jusqu’à la Victoire du meilleur album jazz en 2014, il n’en est pas moins une déclaration d’amour masquée à ses diaboliques membres.

Son titre n’est pas un fake : « Thomas n’est pas un copain. C’est un frère de sons et je l’aime... », résume ainsi Edward Perraud, le batteur dément du groupe, comme pourraient le faire les quatre autres.

 

Rencontres du troisième type

Supersonic, c’est du live avant tout. Une vibration qui s’incruste dans la chair, décuplant les sens comme une drogue puissante. Un moment de musique évident, intense et simple.

Supersonic, c’est une rencontre démultipliée. D’abord au sein même du groupe. Fonctionnant à l’instinct, les musiciens improvisent, se rencontrent dans les morceaux, se nourrissent mutuellement : « Thomas c’est mon ami de blagues, de musique et d’amour depuis deux décennies, je l’ai même connu avec des cheveux ! On joue ensemble depuis vingt ans, on a appris ensemble, donc on connaît nos réflexes. On se retrouve où on veut comme par télépathie », explique Laurent Bardainne.

C’est aussi une rencontre avec le public. Généreux sans ostentation, de Pourquery se donne : « L’énergie circule entre nous sur scène et le public nous le rend très bien. Le soir suivant, on remet tout en jeu comme au premier jour. » Le public communie ainsi dans un bain d’amour et d’ondes positives. On échange avec son voisin, dans un mélange d’univers, de classes d’origines et d’âges, sans se poser la question du projet artistique qui aurait permis ça.

Ce mirage de paix conduit par ces six bêtes de scène ne s’explique pas, il se vit, se ressent autant qu’il s’entend.

Alors forcément, de Pourquery ne pouvait que séduire Hugues Kieffer, directeur artistique du Marseille Jazz des Cinq Continents. Aimant coller au plus près de l’actualité marseillaise, il n’aurait pu passer à côté de cette Love affair en cette année MP2018 consacrée à l’amour : « Ce disque super accompli distille une musique qui est universelle et faite pour le monde. Je voulais donc en offrir une version gratuite et XXL aux Marseillais. »

Dévoreur de vie et improvisateur né, Thomas a voulu « augmenter » Supersonic : « Pour ce Sons of love XXL, nous avons rapatrié des gens de tous horizons. Un maximum de cuivres dont des fanfares, les élèves du CNRR de Marseille, le Chœur de l’IMFP Salon-de-Provence, les chœurs Gospel For All et Massilia Sounds Gospel, le Pompier Poney Club, Tahar Tag’l… Je voulais augmenter le chant de Supersonic, que nous assurons avec Fabrice Martinez (trompette) et Laurent Bardainne (sax ténor) et moi à l’alto. Je voulais aussi pour une fois pouvoir rivaliser avec la rythmique de Arnaud Roulin (piano, synthés), Edward Perraud (batterie) et Fred Galiay (basse), qui à eux seuls peuvent laisser penser qu’ils sont cent. »

S’il aime plaisanter, Thomas n’en est pas moins rigoureux dans le travail. « De Pourq », comme l’appellent ses potes, sait imposer d’une réplique douce mais ferme le recadrage nécessaire. Une sorte de main de fer dans un gant de velours que les cent participants au projet ont pu tester lors de l’unique répétition fin mai aux Bernardines. Seul sans ses musiciens complices, il les a drivés, encouragés, stimulés de manière bienveillante, les incitant à brûler leurs partitions et à s’engouffrer dans l’improvisation. Un jubilatoire « Ça déchire ! » final leur a prouvé qu’ils étaient au top. Une méthode qu’a affectionnée le trompettiste de la très jeune festive et pas du tout sérieuse fanfare Tropical Raclette, qui fait « de la musique qui reste sur le bide ! »

Le célèbre jazzman avait préalablement mobilisé tout son monde afin qu’ils s’emparent de sa musique : « Ils ont énormément bossé sur mes partitions. J’ai surtout tenté de créer un rapport à la musique simple, en partage et dans le plaisir de jouer ensemble. Je les considère comme de vrais invités du groupe. Qu’ils soient amateurs, pro, jeunes ou vieux, ils seront chez eux sur scène comme nous le serons ce soir-là. » Ultime invitée, sa compagne de son Sandra Nkaké, avec qui il a récemment enregistré un duo sur vinyle lors d’un live exceptionnel au Studio 107 de la Maison de la Radio à l’initiative de FIP, l’ADAMI et le Disquaire Day.

 

Big bang et big bande

Thomas de Pourquery est une véritable boule à facettes, qui fait bien plus que nous faire danser. Solaire, il irradie autant qu’il reflète les lumières qu’il sait brillamment attirer à lui.

Un regard pluriel conforme à sa définition du jazz : « C’est une musique qui se nourrit de toutes les autres et donc qui se réinvente constamment. »

Et parce qu’il ne tient jamais en place, il s’essaye à tous les registres musicaux : standards de jazz, pop, électro (VKNG). D’incursions chez la jeune garde pop (Jeanne Added, Barbara Carlotti, Metronomy, The Shoes…) au collectif punk Rigolus, en passant par le MégaOctet d’Andy Emler, il devient même crooner avec le Red Star Orchestra. Il se lancera bientôt dans un projet solo de chansons, dans lequel sa voix de chanteur de charme se libérera totalement.

Comme les félins qu’il arbore souvent sur ses nombreux tee-shirts clinquants, Thomas est heureux en meute, en groupe. Chef de file plus que leader absolu, il se distingue par son talent fédérateur. Un roi du mix, cependant toujours proche du jazz. Il dit d’ailleurs de Supersonic que « c’est un groupe de rock déguisé en jazz. »

Son désir de rassembler est stimulé par sa soif insatiable de rencontres, tel un parfait entraîneur. Il vient justement d’explorer ce rôle au cinéma, en assistant du coach sportif Jean-Pierre Daroussin dans Les Beaux Esprits (titre provisoire) de Vianney Lebasque, qui sortira le 7 novembre prochain. Avec ce même réalisateur, il retrouvera la série Les Grands sur OCS, pour la troisième saison. Puis on le retrouvera dans Smiley, un programme de six courts métrages de Tristan Aurouet. Il y fait une impro au piano, dans l’humeur de son personnage. Dans un mariage qui part en live, ivre, il sait que c’est la fin du monde mais peu importe, il vient de trouver l’amour.

Vianney Lebasque, qui cherche des personnalités singulières pour ses films, choisit souvent des musiciens : « J’essaie autant de les faire rentrer dans mon univers que de me nourrir du leur. La musique étant un plaisir de l’instant qui se joue à plusieurs, il y a tout de suite une notion de partage qui est stimulante dans le jeu. Chez Thomas, il y a un contraste entre un physique, une barbe, quelque chose qui pourrait paraître un peu dur en apparence, et une voix avec une espèce de douceur à l’intérieur. C’est sa capacité d’improvisation que j’aime et dont je me sers beaucoup. Il est à la fois dans l’instant et en même temps très poète et très sauvage. Loufoque avec un humour très premier degré. Comme chez tous les musiciens, l’instantané est ce qui est le plus instinctif chez eux. Fédérateur, le off est aussi important que le in. Ce qui se passe en dehors des prises et sa façon de se connecter aux autres comédiens est un atout pour tout le plateau de tournage. Lorsqu’un acteur a une scène difficile, il réussit toujours à le mettre dans des dispositions psychologiques favorables. Il sait détendre l’atmosphère d’un groupe et la rendre favorable face à l’enjeu d’une séquence un peu difficile. Il le fait instinctivement et naturellement. Il est curieux et heureux de rencontrer des personnalités fascinantes, des artistes qui viennent jouer avec lui. C’est un échange purement humain en plus d’être artistique. »

On sort des concerts de Supersonic avec le sourire, simplement heureux. Alors si le premier concert de Supersonic au Théâtre du Gymnase est l’un des plus beaux souvenirs de Thomas de Pourquery, gageons que le public marseillais lui réservera un accueil XXL le 18 juillet.

 

Marie Anezin

 

Thomas de Pourquery & Supersonic – Sons of Love XXL : le 18/07 sur le Parvis de l’Orange Vélodrome, dans le cadre du Festival Marseille Jazz des Cinq Continents.
Rens. : www.marseillejazz.com

Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/thomasdepourquerypage/