Identités Remarquables | ProjetMilan

Énergie en paire

 

Certains projets musicaux, ça fait mille ans que tout le monde en parle. Pourtant — et soyons fiers de le constater — notre scène locale regorge d’énergies vives, bouillonnantes et pour le moins créatives. En focus ce mois-ci, le premier album d’un de ses talentueux représentants, le duo aux commandes du groupe ProjetMilan. Deux personnalités singulières dont l’amitié ne date pas d’hier.

 

L’un aux machines, Antoine, dont les rythmiques trip-hop électro laissent deviner la précision d’un aficionado de la grosse caisse et de toutes ses copines. Ultra basses dans leurs ondes, ultra envoûtantes dans leurs transports. L’autre aux diverses cordes, Valentin. Cordes aux tonalités rock dans le wah-wah, orientales dans le oud, timbrées dans la reverb’. Pour ce qui est des vocales, dont la mode se dépêche à nous rappeler les teintes de Manson, elles habillent le tout d’un mélange d’influences apprêté qui se savoure aussi bien en live qu’à l’écoute de leur premier EP, sobrement intitulé -I-. La recette d’un groupe aux sonorités fusionnelles et modernes, on a voulu essayer de la deviner, si tant est que cela soit possible, en retraçant le parcours de chacun.

Antoine vient de Besançon, il commence le son « en débobinant les cassettes audio de sa grand-mère » à quatre ans, « crame l’ampli parental » à huit, et enterre le drapeau blanc en choisissant la batterie comme moyen d’expression musicale, loin des choix de cœur de toute figure maternelle. D’influence nettement rock, un petit « écart » vers le dub et l’électro au lycée l’oriente vers les machines, emporté par le souffle planant des piliers du trip-hop rock comme Archive, Massive Attack ou Portishead. Valentin commence la gratte ado, en s’entraînant sur la « vieille sèche » du pater, porté par ses conseils, avant de bosser le reste sur le net et de se faire les ongles lors de concerts confus, jeunes et fous. D’influence originelle plutôt punk rock, il se lie le temps passant à la noise et à l’indus, citant comme influences actuelles les figures de proue du style tels que Suuns, Frustration ou le Prince Harry.

La rencontre, c’est ce jour où Antoine voit Val sur scène et lui propose d’acoquiner son rock à quelques touches électro. Plusieurs essais de groupe, plusieurs descentes de soufflets, ou lorsque « tout le monde en a eu marre d’eux » selon Antoine, et l’idée d’un duo balbutie. Suite également au visionnage d’un live de Darkside en Boiler Room sur un toit de New York. L’effet est immédiat, et le ton donné, la formule électro psyché en duo part en test, à leur sauce. L’équation du style de chacun mêlé à leurs influences propres donne un résultat « post-rock électronique, un peu indus ». La formule s’affine au fil des ans, complétée par l’adjonction d’instruments turcs par Valentin, qui saupoudre l’électro rock de oud ou de Saz. Des épices, une couleur rythmique, une empreinte vocale, le duo affine son style à l’aide de paquets d’heures passés dans leur local à l’Hôtel de la Musique et de concerts divers. Ils se produisent dans les antres rock de Marseille, usées par tant de connaisseurs, dans la fosse comme sur la scène. Expériences notables en pèle-mêle : l’ouverture d’un live de Punish Yourself en 2017, la Rue du Rock en 2018, la clôture de la Guinguette Sonore en 2019.

Fraîchement sortis d’une résidence à l’AMI, ils présentent aujourd’hui le fruit de la macération, un élixir chaud et complexe, à déguster en live sur la scène de l’Embobineuse, qui les aide à porter ce beau bébé. On risque de taper dans le mille en pariant que ce rapace électrique glatira longtemps dans nos vallées, et au-delà.

 

Lucie Ponthieux Bertram

 

ProjetMilan : release party avec Splash Macadam et Venus As A Boy le 22/02 à l’Embobineuse (11 boulevard Boues, 3e).

Rens. : www.lembobineuse.biz/

Pour en (sa)voir plus : https://projetmilan.bandcamp.com/releases /

https://soundcloud.com/projet-milan