Chloé Chéronnet & Pierre Chaillet

Identités Remarquables | Chloé Chéronnet et Pierre Chaillet

In situ veritas

 

Leur œuvre nous plonge en pleine science-fiction. Chloé Chéronnet et Pierre Chaillet forment un duo d’artistes d’anticipation, dans le monde réel. Entre installations et dessins in situ au milieu de la jungle urbaine, ils font germer et pousser des sculptures dans l’espace, qui ont pour loi la double notion de gravité. Rencontre…

 

C’est sous le mistral de la Calade que Chloé et Pierre nous invitent dans leur immense atelier. Leur sourire fait office du soleil qui manque ce jour-là.

Chloé et Pierre se croisent aux Beaux-Arts d’Angers en 2016. L’étincelle est immédiate. Pierre flotte au-dessus des œuvres de Robert Smithson, rêve du meilleur des mondes par le cinéma. Ses images prennent forme par la lithographie ou les dessins grands formats. Pierre écrit la suite du premier tome de sa vie. Chloé, elle, occupe l’espace public par ses sculptures. Elle chine des objets et matériaux dans les poubelles laissées à l’abandon au pied des blocs d’immeubles insalubres qui décorent nos villes. Elle sublime les résidus. À eux deux, ils fusionnent. Le métal qu’ils amassent fore leur démarche.

La ruine contemporaine, la ruine, au sens propre et figuré. Ces zones en marge qui se fragmentent sous le poids de la politique, de l’économie, de la différence. L’entropie, voilà ce qu’ils donnent à voir, à sentir. Face au chaos, ces archéologues du futur veulent redorer les stigmates urbains par le sensible. À travers leurs travaux monumentaux, ils rendent le désordre majestueux. Une poésie qui révèle l’état traumatique du tissu citadin. Ces lieux en chantier, détruits avant d’être construits, deviennent leur terrain de jeu. À partir de l’existant, ils vont interroger, assembler, reconstruire, coller en 3D les matériaux glanés ici et ailleurs : ils les invitent dans une image. Les dessins de Pierre fixent les éléments dans le temps tandis que leurs installations restent éphémères. Un ouragan de pensées. Chaque œuvre reste unique. Sous les lampadaires ou dans les galeries d’art, vous n’y verrez jamais les mêmes réalisations. La création in situ est l’un de leurs piliers. Des formes émergent et s’érigent dans les rues comme des fossiles futuristes.

Leur Paysage synthétique  — titre de leur dernière exposition — tire sa source d’une nouvelle de J. G. Ballard. Ce projet sculptural devient l’exosquelette de leur processus artistique. Un cycle fragile qui perdure depuis maintenant plus de deux ans.

Ces deux néo-arrivants à Marseille, habitants de la rue d’Aubagne, incarnent une jeunesse riche de sens, représentent des réflexions fortes : que fait la ville ? Qui fait la ville ? Le drame du 5 novembre a littéralement changé leur façon de travailler. Ces amoureux de Noailles trouvent leur place plus juste et plus légitime dans leur atelier à la Calade. Ici, sur les hauteurs face au port autonome, ils renforcent leurs idées, défient les côtes (maritimes et artistiques), interrogent des points capitaux, se heurtant au capital, à l’économie d’exploitation et au chaos inhérent de la ville.

Nul doute que leur vaisseau de secours ira loin…

 

Zac Maza

Les Ateliers de la Calade : 26 chemin des Meules, 13015.

Rens. : https://pierrechaillet.com / https://chloecheronnet.wordpress.com

Les Ateliers de la Calade clôturerons le OFF du Printemps d’Art Contemporain le 2 juin.