My teenage idol is missing de Claire Dantzer

Happy Hours à la Galerie Gourvennec Ogor

La mort de l’art (1)

 

Trois ans après son ouverture, Didier Gourvennec Ogor tire la sonnette d’alarme en attirant l’attention sur la situation difficile des galeries privées à Marseille qui ne trouvent pas leur public d’acheteurs et de collectionneurs. L’exposition Happy Hours replace les choses de l’art dans un contexte économique, mais dans la bonne humeur et sans aigreur.

 

La sixième édition du PAC s’achève et après une semaine de festivités en tout genre, il est temps de revenir sur terre pour se confronter à une réalité qui ne s’annonce pas rose pour tout le monde. Contrairement à ce que pouvait en dire le maire à la soirée des vingt ans du [mac], l’art contemporain à Marseille ne prend pas toute la place que les autres grandes villes de France lui concèdent. Cette absence d’implication de la part de nos élus entraine fatalement une certaine mollesse intellectuelle qui se répand dans la cité comme le saturnisme, en dépit d’innombrables propositions ici et là. Ce manque sclérose également le marché de l’art contemporain à Marseille, dans laquelle les galeries privées ne sont pas pléthore (2), et pour cause… C’est l’histoire de la poule et de l’œuf : pas de galeries privées parce que pas de collectionneurs, ou l’inverse ? Si le réseau associatif, et donc subventionné, alimente la vie artistique locale du mieux qu’il peut, il ne participe cependant pas au marché de l’art qui, rappelons-le au passage, permet aux artistes de produire et de manger. Les galeries, qui tentent de vivre et de faire vivre les artistes qu’elles défendent, sont donc la pierre angulaire du système. Mais une malédiction semble s’être abattue sur la cité phocéenne, où l’on ne vend pas. Malgré cela, Didier Gourvennec Ogor se lançait cet immense défi il y trois ans. Défi à plus d’un titre puisqu’il s’agissait pour celui qui avait fait ses premières armes aux côtés de Roger Pailhas et d’Yvon Lambert de réinjecter à Marseille un peu du souffle des deux grands galeristes et d’amener une population d’acheteurs d’art contemporain à envisager la ville comme une terre d’acquisition estimable. En ouvrant fin 2011 sa très grande et belle galerie rue Duverger, Didier Gourvennec Ogor se rapprochait du bientôt très huppé quartier de la Joliette, mais en restait à la lisière, adoptant une posture particulière et imposant sa volonté de mélanger les gen(re)s. Trois ans plus tard, Didier n’a pas perdu son sourire mais ce dernier se crispe un peu… Pourtant, on le retrouve dans les toutes les foires et chacune de ses expositions est une occasion pour le visiteur de retrouver des artistes de renom qui font et/ou qui ont fait l’histoire de l’art : Ramette, Lévêque, Boltanski, Mircea  Cantor…

Montée en trois jours, avec les bras et l’enthousiasme de certains des artistes que la galerie accompagne depuis son ouverture, l’exposition de dernière minute est un miracle. Happy Hours, dont le titre fait un pied de nez aux difficultés rencontrées ces derniers temps, réunit donc les artistes que soutient le galeriste, qui soutiennent leur galeriste. L’accrochage « en mode remplissage », façon cimaise de musée du 19e, montre des œuvres qui, d’une certaine façon, établissent le portrait de la galerie, et sur lesquels les plus aisés d’entre nous peuvent se jeter sans réserve (3).  Didier Gouvernnec Ogor opte pour des artistes émergents et confirmés qui produisent dans une certaine conscience du marché de l’art. Sa sélection joue ici le jeu du format et de différents médiums pour différents prix, dans un but très clair : vendre. Si vous aviez repéré, lors d’anciennes expositions, les peintures arc-en-ciel de Timothée Talard ou les Wonder Woman de Claire Dantzer, les petites sculptures en travaux chargés d’histoire de Régis Perray ou les très belles toiles optiques de Rob de Oude, les très subtils papiers découpés blancs de Martine Feipel et Jean Bechameil, la sculpture miroir rose de Dieter Detzner ou les très sophistiquées photographies d’intérieur de FRP2, c’est le moment de passer à l’acte. Et même en faisant fi de toutes considérations marchandes, il y a fort à parier que, par sa qualité, l’exposition redonnera le sourire.

Céline Ghisleri

 

Happy Hours : jusqu’au 2/08 à la Galerie Gourvennec Ogor  (7 rue Duverger, 2e).
Rens : 09 81 45 23 80 / 06 68 11 48 06 / www.galeriego.com

 

Notes
  1. Formule empruntée à Hegel, Esthétique[]
  2. On en compte trois : la Galerie Karima Celestin, la GAD et Didier Gouvernnec Ogor[]
  3. Pour les autres : une œuvre de Claude Viallat fera également l’objet d’une tombola pour seulement vingt euros le ticket[]