Printemps de l’art contemporain

Printemps de l’art contemporain

L’union fait la force de l’art

Même sans Pailhas et Athanor, l’art contemporain à Marseille ne se résigne pas, pouvant compter sur des structures toujours plus dynamiques et une jeune création prolifique, comme en témoigne le focus printanier concocté par Marseille Expos. Soit trois parcours sur trois jours, pendant lesquels les 23 structures du réseau mettent les petits plats dans les grands.

Printemps-de-l-art-contempo.png

Offrir à Marseille un rendez-vous annuel pendant lequel, simultanément, chaque lieu propose qui une exposition, qui un vernissage, qui une lecture ou une performance ; un moment fort pour lequel les gens font le déplacement parce qu’ils savent qu’il se passera forcément quelque chose quelque part : voilà ce que propose Marseille Expos avec son Printemps de l’art contemporain (ou PAC, pour les intimes).
En termes de fréquentation, la première édition l’an passé avait généré un intérêt particulier de la part des amateurs qui, jouant le jeu, suivaient les trois parcours plaquette à la main.
Cette année, la programmation a fait l’objet d’un effort particulier, une approche festive — dont le ton sera donné à la Friche le 12, pour la soirée d’inauguration réunissant Dj, projections de Marie Bovo et une performance de Fouad Bouchoucha — se greffant à un volet artistique qui, on l’espère, incitera nos voisins lyonnais et parisiens à regarder vers la future capitale culturelle…
Dès le lendemain, vous pourrez débuter vos déambulations dans le quartier Longchamp/Friche, avec des vernissages et nocturnes pour toutes les structure concernées. On retiendra particulièrement la lecture chez Où, les vernissages de Yann Géraud chez Buy-Sellf et Wilson Trouvé à la galerie Porte Avion, le commissariat de Josué Rauscher chez SMP et le finissage du Château de Servières (Retour de la Biennale de Skopje) pour les retardataires.
Le 14, c’est du côté de la Plaine que vous vous baladerez, la plaquette orange à la main, pour des temps forts à la galerie HO avec Kristof Kintera, chez Saffir avec, en autres, Pascal Martinez, à l’Atelier de Visu avec Géraldine Lay et à la galerie des Grands Bains Douches pour une soirée design culinaire particulièrement alléchante.
Les trois jours se termineront par les quartiers du Panier, Vieux Port et Belsunce, le 15 mai, avec, entre autres, un vernissage à la galerie Mourlot, une rencontre au FRAC ou une autre avec les participants du workshop chez Astérides.
Impossible de faire un tour complet du PAC tant le programme de cette deuxième édition s’avère dense ; le mieux est encore de se reporter à la précieuse plaquette (ou à notre agenda). Pour ceux qui voudront aller un peu plus dans le détail, Alexandra Blanc Véa propose une visite des trois parcours durant lesquels elle donnera les clefs pour aborder les œuvres.
L’idée du Printemps, c’est donc de profiter du moment pour découvrir ceux vers lesquels on n’irait pas naturellement. C’est aussi, pour ceux qui font partie du sérail, l’opportunité de défendre leurs convictions que Marseille, grâce au vivier d’artistes et des lieux de diffusion, de production et de promotion, plus qu’actifs et imaginatifs, pourrait prétendre à une place digne de son potentiel à l’échelle régionale, nationale, voire internationale.
Avec les Ouvertures d’Ateliers d’Artistes en octobre, le PAC est le deuxième temps fort de l’art contemporain à Marseille, un moment où l’on prend de bonnes habitudes pour le reste de l’année, un moment où la culture est enfin palpable dans cette ville et où l’on se dit qu’on fait vraiment un beau métier !

Céline Ghisleri

Printemps de l’art contemporain : du 13 au 15/05 dans les 20 lieux du réseau Marseille Expos (nocturnes jusqu’à 22h tous les soirs). Rens. www.marseilleexpos.com

Soirée d’ouverture le 12 à la Friche la Belle de Mai dès 21h.
Circuits proposés par Alexandra Blanc Véa (Artvisitprovence) en partenariat avec l’Office du Tourisme : le 13 dans le secteur Longchamp/Libération (RDV à 15h30 à l’arrêt tramway Réformés-Canebière), le 14 dans le secteur Cours Julien/Plaine (RDV à 15h30 devant la sortie du métro Notre-Dame du Mont, le 15 dans le secteur Vieux Port (RDV à 15h30 devant la BMVR Alcazar). 9 € / circuit.
Rens. 04 91 13 89 11 / www.artvisitprovence.com


Que d’la triche

Pour sa première exposition-commissariat d’envergure, Mathieu Clainchard offre à la Salle des Colonnes de la Friche une exposition digne de ce nom, dans laquelle l’artiste met en scène une réflexion autour de l’idée de culture urbaine. Qu’il soit physique ou mental, l’espace urbain et ses représentations codifiées servent ici de lien entre les œuvres signées Clainchard et celles d’autres artistes qu’il a convoqués.

Matthieu-Clainchard-antimat.jpgL’exposition It’s like a jungle… emprunte son titre à un morceau de Grandmaster Flash qui rompt avec une certaine hypocrisie du milieu hip-hop et décide d’en interroger les fondements, un peu comme en peinture on questionne la forme et le fond. L’œuvre d’art est une forme esthétique, ou pas, qui dit quelque chose, ou pas. Avec une lucidité de rigueur dans le regard qu’il porte sur les choses de l’art et les autres, Clainchard joue sur les deux tableaux, en utilisant les codes de la sculpture abstraite géométrique et de l’art minimal — deux mouvements qui prônent l’art pour l’art sans que celui-ci soit nécessairement porteur de message ou d’histoire. Mais si les pièces de Clainchard s’affirment dans cette esthétique que l’œil averti identifie spontanément, elles n’en sont pas moins pourvues d’une réflexion sur ce qui nous est plus proche. Sous ses faux airs minimalistes, Antimatière/avenue Thiers dénonce par exemple une certaine propension des pouvoirs publics à instaurer un contrôle omniprésent plutôt que de se préoccuper de confort public.
Chaque pièce de l’exposition se lit ainsi selon plusieurs degrés de lecture. L’artiste puise dans les théories de l’art contemporain tout en défendant un propos plus sociétal, dont les mots d’ordre seraient lucidité et vigilance, parce les apparences sont souvent trompeuses et que Clainchard aime jouer des tours au spectateur. Glisser une blague, tromper l’œil (Brownbox #4), ironiser sur un concept qui va chercher un peu trop loin (Pink/Brown/White), dupliquer, répliquer… Tricher. Parce que l’art, c’est aussi de la triche, depuis la perspective jusqu’à son système de diffusion et d’exposition. Sans Titre — un mur-cimaise blanc qui s’est écroulé —, fait référence au « white cube », que Brian O’Doherty définissait comme un espace factice hors du temps qui fait art, non sans une certaine perversion du système. L’art s’interroge sur lui-même, sur ses codes et ses systèmes, comme une mise en abîme. Il étend cette remise en question à d’autres domaines parce que « nous n’avons que l’art pour ne point mourir de la vérité. » (Friedrich Nietzsche)

Texte : Céline Ghisleri
Photo : Antimatière/avenue Thiers de Mathieu Clainchard

Matthieur Clainchard – It’s like a jungle sometimes. It makes me wonder how I keep from going under (bis) : jusqu’au 5/06 à la Galerie de la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Rens. Triangle France : 04 95 04 96 11 / www.trianglefrance.org


Ques aco ?

Marseille Expos

Contrairement aux apparences, la cité phocéenne a déjà tout d’une grande plateforme de l’art contemporain français. Un état de fait auquel le réseau Marseille Expos n’est sans doute pas étranger.

Lors du lancement de la Foire d’art contemporain de Bordeaux, en octobre 2009, Alain Juppé concédait que si l’art contemporain n’est pas « sa tasse de thé », il mesurait les enjeux d’un tel événement pour sa ville. Force est de constater que notre maire est loin d’établir le même constat que son collègue bordelais et que l’art contemporain fait figure de dernière roue du carrosse des disciplines artistiques à Marseille.
A ceux qui se préoccupent de l’avenir de l’art contemporain, tant à l’échelle marseillaise que nationale, d’aucun diront que compte tenu du contexte social ambiant, il s’agit là d’avoir des dentelles avant les chemises. La création n’a pas la cote en ce moment, restrictions budgétaires obligent, et les quelques rares structures encore soutenues par les financeurs publics se maintiennent la tête hors de l’eau avant de s’asphyxier les unes après les autres. La situation dans la cité phocéenne est peut-être pire encore qu’au niveau national, comme en témoigne le délitement du Musée d’art contemporain, dans lequel on n’est pas près de revoir Carsten Holler ou Lee Bull un jour !
Ceci expliquant peut-être cela, Marseille est paradoxalement la ville où les petites structures témoignent du dynamisme le plus notoire. A l’initiative de quatre d’entre elles, les acteurs de l’art contemporain décident en 2007 de s’allier et créent Marseille Expos. L’idée est alors de fédérer en réseau petites et grandes structures qui font l’art contemporain à Marseille, et ainsi rassembler des compétences, permettre d’identifier les lieux, offrir une visibilité plus importante via l’édition d’une plaquette et un site Internet régulièrement mis à jour. Aujourd’hui, Marseille Expos compte une vingtaine de structures membres, celles qui ont pignon sur rue (FRAC, Château de Servières, Friche…) comme les plus discrètes (SMP, Où, Saffir galerie nomade…). Le réseau constitue la plus fidèle vitrine de l’art contemporain à Marseille, des artistes et des professionnels. La diversité des programmations et des personnalités s’harmonise dans ce regroupement de galeries privées, associations et institutions qui pallient une défaillance de la part de la ville, en termes de propositions et de programmation artistique.

CG