Paquetons fruitons et Palais brûlant du collectif Glory Garrigue © Margot Dewavrin

Glory Garrigue à L’Hydre aux mille têtes

Nature peinture

 

Vous prenez-vous souvent à ressentir ce plaisir languissant qui vous anime lors d’une promenade au dehors, où les foules urbaines se raréfient, dans la nature peut-être ? Ce sont ces rapports entre désir et paysage que quatres artistes marseillais embrassent dans l’exposition Glory Garrigue présentée à la librairie L’Hydre aux mille têtes.

 

 

À l’occasion de la présentation de son livre Écologies Déviantes, Cy Lecerf Maulpoix invitait l’artiste Lazare Lazarus à investir la librairie pour donner à voir des pratiques du paysage alternatives ; alternatives aux discours de plus en plus florissants de greenwashing (ou écoblanchiment), mais alternatives aussi et surtout aux normes et injonctions qui entravent parfois insidieusement nos désirs. À son tour, Lazare invitait trois artistes, habité.e.s chacun.e à leur manière par une relation désirante avec les paysages marseillais : Clovis Deschamps-Prince, Nelo Gevers et Aurilian.

Plusieurs médiums sont ici à l’œuvre : dessins, peintures, cristaux, tentures teintes ou sculptures, faits d’autant de matériaux glanés sur les plateaux arides, comme les Créatures, vieilles palmes de palmiers, ou les ossements d’agaves que Lazare transforme en parures ; ou comme les Paquetons fruitons que Clovis et Nelo ont confectionnés avec des chutes textiles et des figues de barbarie, entre autres éléments.

Les zones plus humides ne sont pas pour autant laissées dans l’ombre. Aurilian travaille avec l’eau salée et des cristaux qui peuvent se former ici et là, et ici, comme des moules à leurs rochers, de gros agrégats scintillants se sont arrimés à des câbles métalliques pour Bonding. Clovis façonne l’argile et peint avec les ocres qu’il prélève dans ses coins secrets. À découvrir d’ailleurs, la grande peinture réalisée avec Nelo sur la vitre du patio, qui se place — à point nommé — sur le fil entre intérieur et extérieur, intériorité et extériorité.

Ce fil, c’est en fait aussi le corps. La relation avec les corps pourrait certes paraître évidente dans des discours du désir ! En effet, les quelques dessins offrent des corps figurés, comme dans Le Temps, silence, attention d’Aurilian qui fait danser ses personnages, ou avec les corps cagoulés de Lazare qui se caressent au centre de très fins détails végétaux et minéraux peuplant ses dessins. Mais dans ces œuvres, la relation au corps s’exprime aussi via les matières : le textile n’est-il pas la « vitre du patio » de l’humanité ? Notre barrière, à la fois intime et publique, entre le dedans et le dehors ?

Et cette barrière, Clovis la pense également en modelant de la vaisselle d’argile. Il propose souvent à son public d’y boire et d’y manger, comme les personnes présentes pour l’inauguration ont été vernies d’en faire l’expérience ! La psychanalyse pourrait oblitérer : et d’une, une première pulsion sexuelle primaire assouvie.

Vous l’aurez compris, l’exposition pense la notion de désir généreusement.

Glory Garrigue, clin d’œil coquin au gloryhole et maline sublimation du paysage provencal, est aussi l’invitation des artistes à placer notre point de vue depuis d’autres perspectives, à explorer notre rapport au monde, notre désir du monde, à présenter notre intimité aux textures, aux formes, à des douces couleurs organiques et aux sensations que nous laisse notre univers parfois si insaisissable.

 

Margot Dewavrin

 

Glory Garrigue : jusqu’au 15/02 à L’Hydre aux mille têtes (96 rue St Savournin, Marseille 1er).

Rens. : www.facebook.com/Librairie.lhydre/