Le collectif Black(s) To The Future

Festival RIAM 2018

Techno logis

 

À contre-courant de la frénésie ambiante, le festival RIAM impose son rythme, tranquille et exigeant, pour nous emmener découvrir des perles sonores et des travaux inédits.

 

Planètes découpées, poupées russes d’inconnu.e.s sous « x », ratures et flèches entrelacées : les Rencontres Internationales des Arts Multimédia affichent cette année une constellation de moments qui voguent entre les genres artistiques et assoient leur exigence riche d’éclectisme. À l’heure de la consommation effrénée des festivals boulimiques et des programmations trop bien ficelées, le festival RIAM propose avec finesse et délicatesse un parcours entre les mondes de l’art contemporain et ceux des musiques expérimentales. À leur rythme, les curieux peuvent se faire les visiteurs d’une exposition d’art ou les clubbeurs d’une soirée endiablée. À chaque lieu, à chaque temps, son ambiance et ses artistes associés. Chaque date est l’occasion d’une proposition cohérente, issue d’une collaboration ajustée avec chaque équipe et son lieu afférent : conférences et performances à Montevidéo, soirées festives au Cabaret Aléatoire et au Poste à Galène, plongée musicale dans les profondeurs secrètes du Metaphore Collectif, exposition, surprises nocturnes et musiques délicates dans le patio tropical de la Galerie Art-Cade des Grands Bains Douches, installations sculpturales à la galerie HLM… Il ne s’agit pas de satisfaire tous les goûts et de rafler tous les publics, mais plutôt de chercher, d’explorer les formes, pour emmener le public ailleurs.

Porté par le souci d’apports réflexifs, le RIAM proposait l’année passée un focus sur la présence des femmes sur les scènes d’ici et d’ailleurs. Il semble que cette année invite à penser les rencontres de mondes qui ne se croisent guère d’aventure, « du white cube des galeries d’art au black box des clubs ». Pas de fatalisme ici, et même une franche apologie du futur, à l’instar de ce qu’affirme le collectif Black(s) To The Future, invité de cette édition, en affichant #INTHEFUTUREWETRUST sur sa plateforme virtuelle. Plus qu’une simple vision progressiste, B(s)TTF est un ovni dans l’univers numérique : « Nous sommes à la fois un médium (= créateur de contenus) et un média (= espace de diffusion) ; c’est-à-dire qu’ensemble — créatifs, chercheurs, activistes…—, nous proposons des formats pour raconter et construire autrement le monde dans lequel nous viv(i)ons / nous voulons vivre : inclusif, durable et décomplexé. » Plus encore, B(s)TTF pose de manière transversale et généreuse la place de l’africanité, affirmant qu’il s’agit d’un « engagement durable, que l’on soit afro-descendant.e.s ou non. » Une vision du monde que le RIAM nous propose d’explorer.

Si la sélection donne la part belle aux performances électroniques, c’est pour mieux faire la preuve de leur richesse actuelle. Soucieux de nous emmener au plus profond de ses trouvailles ténébreuses, le festival fait briller la promesse d’une nuit folle en compagnie du collectif Metaphore. Aux tréfonds de cette « vaste nuit », Techno Thriller ne tremble pas et assène une dark techno terrifiante et revigorante. Le même soir, Nene H, ancienne joueuse de piano classique aujourd’hui Djette à la présence claire et concentrée, contraste avec l’ambiance éraflée de Techno Thriller. Sa transe porte à l’écoute de mille petits bruits délicats qui constituent peu à peu la constellation simple et efficace d’une électro sombre et envoûtante.

Par sa programmation bigarrée, c’est à l’exploration que nous invite l’association Technè, porteuse depuis 2009 de ce festival qui, au-delà du RIAM, produit, édite et diffuse des artistes tout au long de l’année, sans perdre de vue la ligne de mire des « nouvelles technologies ». Si le terme est presque galvaudé, tant ces technologies ont pris racine dans notre quotidien, elles continuent de faire corps avec les propositions d’artistes expérimentant leurs infinies possibilités. Et il n’est pas anodin de souligner que ces recherches restent accessibles, car en dépit de l’exigence musicale, de nombreux événements du RIAM sont proposés gratuitement ou à des tarifs plus que raisonnables. Dans la lignée de ses productions innovantes, Technè échafaude depuis des années des alliances précieuses entre structures, projets et démarches. Là encore, il s’agit d’affiner des propositions en croisant des regards, comme la collaboration avec l’AMI et la Galerie Art-Cade. Celle-ci présentera le travail intimiste de la musicienne Enyang Ha suite à sa résidence marseillaise, ou encore créations originales de Christian Vialard à la tombée de la nuit, au son de la pop acidulée de Sylvie Astii, installée dans l’agréable jardin de la Galerie des Grands Bains Douches.

Par ses invitations éclectiques, cosmiques mais ancrées dans le réel des lieux qui les accueille, le RIAM affirme sereinement qu’avant de fermer des portes, il faut franchir leur seuil et se laisser bercer. Au risque d’un détour, au risque d’une surprise… ou d’une claque.

 

Mélanie Métier

 

Festival RIAM : du 12 au 27/10 à Marseille.

Rens. : www.riam.info

Le programme complet du festival RIAM ici