Dead trees give no shelter de Florentin Ginot © Thomas Hennequin

Festival Propagations

Géode Trouvetou

 

Propagations, du 5 au 15 mai, c’est la deuxième édition du nouveau festival du GMEM, aux ambitions d’expérimentations musicales mais pas que, avec sons exigeants, visuels déconcertants, temps denses et temps danse, loin pourtant des tendances populaires.

 

 

Il s’agit pour Propagations de faire résonner plus amplement des créations pointues ! Et, hélas, comme trop souvent avec ce qui a trait aux musiques contemporaines expérimentales, les ondes semblent parfois devoir s’arrêter aux murs de verre, en dépit des volontés des structures à ouvrir et à (in)former, à éviter les plafonnements, les circonscriptions et autres « hiérarschismes »… et alors que cette programmation mérite sans doute elle aussi d’être l’objet de curiosités et d’expérimentations.

Les rendez-vous seront itinérants, à Marseille et à Aix-en-Provence ; en commençant par la libre déambulation dans l’installation que Cécile Le Prado a composée sur mesure pour le 3bisF : L’Esquive. C’est à point nommé qu’accompagnée de Dominique Pifarély au violon et à l’électro et de Gaëtan Parseihian à l’informatique musicale, elle proposera une évasion dans les jardins de la galerie, elle-même enclose dans le centre hospitalier Montperrin. En paysagiste sonore, elle imagine une promenade guidée par les sons, de buissons en buissons et de branches en branches, vers une échappatoire hors des frontières de nos esprits, de nos cultures et de nos territoires.

Et des paysages sonores compris au sens littéral, nous en compterons plus d’un ! L’artiste compositeur Pierre-Laurent Cassière investira la majestueuse salle Magaud du Conservatoire Pierre Barbizet pour créer Palimpseste (sostenuto) : des cordes vibrant librement, au gré des réverbérations artificielles, elle-mêmes gérées par l’encodage des relations sonores entre micros et haut-parleurs, soutenue par le luthier informatique Charles Bascou — qui travaille également à Polyomino, sonorisation multiphonique installée au Studio MOD de la Friche. Une multitude d’atmosphères sonores où aller voyager librement, disséminées çà et là… allez, restons en dehors de l’exhaustivité pour encourager notre curiosité !

Côté concerts, le panorama se fait aussi bien varié. On peut citer la présence rock d’avant-garde du cofondateur et guitariste des Sonic Youth Lee Ranaldo, qui écrit et compose désormais plutôt en solo. Sauf qu’il jouera pour l’occasion avec le duo italien My Cat Is An Alien et avec la Marseillaise Sophie Gonthier, aka Anything Maria. Branchée plutôt électro pop, cette dernière oscille en fait entre les musiques club et le rock progressif de son duo The Room, qui ressuscite d’ailleurs avec un album tous les quinze-vingt ans (duo avec le guitariste Jean-Marc Montera, qui sera aussi présent). No wave, rock prog, esprits de la subversion et de l’avenir se retrouvent là pour mettre en guitare, en voix, en cris et en beats le radical et absurdiste poète Antonin Artaud, dans l’un de ses textes inédits : Khabar Enis-Kathar Esti.

Après musique et poésie, c’est l’inévitable cocktail musique-danse que nous ne saurions trop recommander, dans une veine encore un doigt plus sombre. Avec Dead trees give no shelter, rendez-vous dans un royaume froid fait de dark ambient, norvégienne s’il faut le situer, du compositeur Helge Sten de Deathprod. Angoisse de mort imminente sur lumières bleues, violettes ou glacées, animée par la chorégraphie de Soa Ratsifandrihana, sur la direction de Florentin Ginot. Pièce de monstration de ce que les sons peuvent faire aux corps et aux âmes, peut-être faut-il être bien accroché·es. Si besoin de se libérer du voile de givre, on vous recommande d’aller visiter des atmosphères plus ardentes, comme chez Les Antécédentes d’Anna Gaïotti et de Vierge Noire. Une pièce à l’idée lumineuse de «  reconditionner le désir » depuis des compréhensions à la marge, de corps eux aussi à la marge : depuis les performances des corps qui travaillent le sexe, ou avec le sexe. Comme avec ces Antécédentes, Propagations inscrit finalement sa programmation dans les actualités d’une société de nuances : le glissement sémantique de ses temps forts pourrait bien, du même coup, s’opérer vers les tendances.

 

Margot Dewavrin

 

Festival Propagations : du 5 au 15/05 à Marseille et Aix-en-Provence.

Rens. : 04 96 20 60 10 / gmem.org/festivals/propagations-2022

Le programme complet du festival Propagations ici