Festival La Première Fois

L’origine du monde

 

Donner à voir les premiers gestes cinématographiques, telle est la ligne éditoriale de la manifestation La Première fois, Festival du premier film documentaire. Du 3 au 8 mars, l’équipe organisatrice investit les salles marseillaises pour une onzième édition particulièrement dynamique.

 

Tout cinéaste en témoigne, le premier film est un geste fondateur qui construit, dans son dispositif lié à sa diffusion, un passage de l’inconscience vers la conscience, un sentiment de faire du cinéma, qui se double d’un pro­fond désir de l’affirmer. Ce geste témoigne par ailleurs en filigrane des dérèglements, en France, d’un système industriel jacobin. La double question s’impose rapidement aux cinéastes en devenir : comment faire un premier film, ET comment faire un premier film en Province, hors des réseaux de productions essentiellement parisiens. A fortiori dans le champ de la fiction, aux budgets parfois conséquents. On tombe évidemment de sa chaise en apprenant régulièrement les premiers films à venir d’un milieu culturel médiatiquement en vue de la capitale (Blanche Gardin ou Pierre Niney annoncent déjà les leurs), quand nombre de cinéastes rencontrent tant de difficultés aux six coins de l’hexagone. Foin de cette réalité, les contraintes de production ne jugulent heureusement pas les dynamiques, et un autre cinéma se développe, infiniment plus sémillant, inventif, ouvert sur le monde. C’est essentiellement dans le champ documentaire que cette liberté s’exprime : le récit d’un réel n’est évidemment pas un pis-aller artistique, mais au contraire une adhésion totale à ce que signifie aujourd’hui faire un film. Ces gestes-là, un festival marseillais s’en fait l’écho depuis onze années, mettant en valeur une poignée de premières œuvres cinématographiques : du 3 au 8 mars, l’équipe de La Première fois présentera une vingtaine de films dont le fil conducteur reste la représentation d’un monde en lutte dans lequel s’inscrivent, indissociables, l’individu et le collectif, le moi et le nous, notre lien à l’altérité. L’une des belles surprises de cette onzième édition reste sans conteste la présence, comme invitée d’honneur, de la cinéaste d’origine italienne Alessandra Celesia, dont les opus Anatomia del miracolo, Mirage à l’italienne ou Le Libraire de Belfast, tous trois programmés lors de la manifestation, nous restent en mémoire, comme autant d’œuvres d’une délicate intelligence. La réalisatrice le rappelle : « Fabriquer des objets qui ont du sens, c’est une forme de résistance. C’est faire de la politique d’une certaine manière. Être documentariste, c’est regarder le monde et tenter de le retransmettre — c’est une forme d’engagement. » Une pensée qui se retrouve également dans de nombreux opus au programme de cette édition : de Mes voix de Sonia Franco à Une nouvelle ère de Boris Svartzman, en passant par Le Panier de Cilia Martin, À la poursuite du vent de Julia Clever, Homo botanicus de Guillermo Quintero ou Cinq femmes de Sandrine Lanno, la sélection témoigne d’une réelle intelligence des regards et offre de belles promesses de découvertes cinématographiques. Si l’on ajoute aux festivités la carte blanche au collectif Copie Carbone, la sélection « Deuxième fois » consacrée aux cinéastes programmés lors d’éditions précédentes, la séance aux Baumettes avec Lieux Fictifs, ateliers, masterclasses, et le concert de Diaz à la Brasserie Communale, force est de constater que le festival prend un rythme de croisière des plus intéressants, à suivre sans réserve.

 

Emmanuel Vigne

 

Festival La Première Fois : du 3 au 8/03 à Marseille.

Rens. : 06 67 64 67 56 / 06 79 30 86 87 / www.festival-lapremierefois.org

Le programme complet du festival La Première Fois ici