Festival CaravanSérail

L’entretien
Michel Dufetel

 

Le festival dédié à la diversité et au foisonnement musicaux interculturels propres à Marseille sera de retour les 17 et 18 juin dans l’écrin de verdure du Théâtre Silvain, qui n’a jamais aussi bien porté une programmation musicale tournée vers le monde. Rencontre avec Michel Dufetel, directeur adjoint de la Cité de la Musique et créateur du Pôle des Musiques du Monde.

 

 

 

Après ces années d’organisation impossible ou compliquée, comment appréhendez-vous l’édition à venir ?

Les conditions de la dernière édition étaient assez particulières puisque nous étions le premier festival à redémarrer sur Marseille avec les contraintes sanitaires. Jusqu’à la dernière minute, nous avons dû organiser toute la partie contrôle de pass sanitaires, dont les règles changeaient à l’époque toutes les semaines ! Malgré tout, la fréquentation a été plutôt bonne.

Cette année, le contexte est presque revenu à la normale, donc on est plutôt confiants sur l’organisation générale, après avoir essuyé les plâtres. Au niveau de la programmation, nous avons comme l’an dernier été confrontés à des annulations de dernière minute, dues à une courante désorganisation dans les tournées des artistes, après ces années compliquées. Annulée l’an dernier, nous pouvons enfin faire venir Sona Jobarteh, qui vit à Londres.

 

Comment est née l’idée de ce festival rassembleur tourné vers les musiques du monde ?

Le festival est né d’un projet bien plus ancien, le Pôle des Musiques du Monde, qui est une des activités de la Cité de la Musique que j’ai eu le bonheur d’initier en 2005 sur de simples constatations à mon arrivée à Marseille en 99 : la richesse culturelle et le potentiel créatif de la ville de Marseille, et le manque de structures représentatives en soutien de cette diversité dans la création. Il existe depuis toujours un réseau de toutes de petites structures qui sont créées par les artistes eux-mêmes, essayant ainsi d’assurer leur propre production. Les grandes structures manquaient : arrivé à la Cité de la Musique en tant que directeur adjoint, j’ai tout de suite imaginé que cette structure pourrait porter cet outil là. La Cité dispose d’équipements scéniques et techniques, d’une équipe professionnelle, l’idée était donc de monter la plateforme du Pôle des Musiques du Monde pour soutenir la création régionale, elle-même soutenue par la Région, le Département et la Ville depuis le début.

Le Pôle des Musiques du Monde permet la co-production entre les artistes régionaux, élargie depuis aux artistes inter-régionaux voire, dans l’avenir, internationaux. Nous proposons et finançons les résidences de créations d’artistes, les soutenons techniquement et les conseillons artistiquement et administrativement dans la recherche de fonds. Nous mettons à disposition un outil professionnel assez performant grâce à l’auditorium de la Cité.

Le festival en lui-même découle de la frustration d’accueillir et de toucher un public plus large. Nos salles sont petites, l’auditorium fait deux cent places. Il naît également de la volonté de s’associer à d’autres structures. L’idée a germé avec mon ami Claude Freissinier d’Arts et Musiques en Provence, Odile Lecour de la Maison du Chant ainsi que Claire de MCE production, portée par l’Éolienne. C’est donc la rencontre personnelle entre nos quatre entités et la volonté de créer un projet en commun et de travailler ensemble qui construit le festival.

 

Comment se dessinent les choix de programmation à plusieurs structures ?

Je commence d’abord par faire des recherches, et nous nous réunissons régulièrement avec un « comité » dans lequel nous intégrons quelques personnes telles que Nicolas, le directeur technique de la Cité, ou bien Sandrine Guez, à la communication. Avec tout ça, j’essaye de faire une synthèse. Comme on monte un bouquet de fleurs : on assemble diverses essences et couleurs, diverses formes, et on essaye d’obtenir quelque chose d’harmonieux, de beau et qui sent bon ! On assemble les envies et les coups de cœur, et on arrive chaque année à trouver cet équilibre, dans une excellente ambiance et un grand respect. Nous partageons depuis des années des projets en commun.

 

Vous parliez de coups de cœur, quels sont ceux de cette édition ?

C’est difficile de faire un choix ! Comme je le disais, c’est pensé comme un ensemble.

On a la chance d’avoir Renata Rosa le vendredi, avec son univers musical brésilien, en laissant le plateau à un talent local, puisqu’elle sera accompagnée par le percussionniste Sérgio Bacalhau. Avec un artiste régional qui porte ce nom, on a plus rien d’autre à dire ! Radio Tutti et les Barilla Sisters nous emmènent, eux, dans le délire fusionnel de la cumbia et du hip-hop. Dansant et sautillant ! Le Haïdouti Orkestar a toute la pêche qu’ont ces ensembles de cuivres. Ils sont quatorze sur scène !

L’an dernier, on nous a reproché gentiment de n’avoir que des artistes masculins sur scène, fruit des circonstances d’annulations. Je m’étais engagé publiquement sur scène de rétablir le tir ! La présence féminine est affirmée, cette année. Ainsi, La Mòssa ouvre le bal le samedi, en interprétant des chansons du sud de la France, d’Italie ou d’Albanie, et un déhanché qui donne envie de danser. Sona Jobarteh est la tête d’affiche attendue par beaucoup, après la frustration de son annulation les deux dernières années. Elle est l’une des rares femmes griots d’origine gambienne. Elle partage compositions et musiques traditionnelles, de sa voix magnifique, et de sa superbe kora. Elle est l’une des meilleures koristes, et nous sommes très heureux de l’accueillir. Enfin, nous finirons dans la danse ; nous ne pouvons éloigner Marseille du raï, qui est né entre ici et Oran. Sofiane Saïdi le soutient depuis toujours, en l’actualisant des musiques modernes de Mazalda.

 

Tous les ans, vous ouvrez ou presque la saison estivale du Théâtre Silvain. Ce choix d’un lieu ouvert sur la mer est-il en lien avec votre programmation ?

C’est plutôt que la programmation est liée au lieu. Ce que nous coproduisons à l’année ne pourrait pas se produire à cet endroit, sur ce très large plateau. Cette proposition de lieu faite par la Mairie du 1-7 nous a permis de développer les choix d’artistes en fonction de ce lieu, et de répondre à certaines frustrations. Le lieu est évidemment magique, même si très compliqué à équiper. Sous les étoiles, face à la mer : on ne pouvait rêver mieux pour CaravanSérail, dont le nom signifie un lieu de repos et de rencontre des marchands. Notre première image du festival était une montgolfière, pour un voyage culturel apaisé et serein. C’est donc le lieu idéal pour la faire atterrir ! Notre autre symbole, l’ancre de marine, est tout aussi bien représentée par ce « port d’attache » de la Corniche !

 

Propos recueillis par Lucie Ponthieux Bertram

 

 

Festival CaravanSérail : les 16 et 17/06 au Théâtre Silvain (Chemin du Pont, 7e).

Rens. : www.festival-caravanserail.com

La programmation complète du Festival CaravanSérail ici