Parcours de Félix Pinquier

Félix Pinquier – Mute à la Galerie Karima Celestin

A portée de vue

 

Due à la complicité entre la galeriste Karima Celestin et l’artiste Félix Pinquier, dont les œuvres vrombissent en silence, Mute est une exposition tout en nuances.

 

S’il est primordial que les acteurs culturels marseillais promeuvent les artistes locaux, il est tout aussi important de découvrir ici des artistes venus d’ailleurs. Karima Celestin ne s’interdit ni l’un, ni l’autre, et programme souvent dans sa galerie de la rue Sénac des artistes qu’elle soutenait déjà du temps de sa vie parisienne… Félix Pinquier est de ceux-là. Après son passage au Palais de Tokyo et bien d’autres aventures prestigieuses, l’ancien élève de l’atelier de Richard Deacon nous propose avec Mute une déambulation parmi ses œuvres en 3D et 2D.
Comme le titre de l’exposition l’indique, et d’une certaine façon seulement, il est ici question du son, sans jamais l’entendre. Même si elles restent silencieuses, les sculptures de Félix Pinquier ne sont pas muettes pour autant, et font naître dans l’esprit du visiteur l’idée du son. Comme Kandinsky, qui attribuait des émotions aux couleurs, Félix Pinquier opère via ses formes et ses matières un rapport synesthésique (1) entre la vue et l’ouie. Ses sculptures donnent à voir le son. Mais là n’est pas le seul intérêt de ces œuvres aux formes sibyllines et dont on ne saurait retrouver ni l’utilité, ni l’origine. On retrouve ainsi quelques traces d’une série de sculptures et de dessins dictés par des algorithmes et autres formules mathématiques implacables. Quant aux deux grands dessins, ils représentent des vestiges de ballons dirigeables qui, au fil du temps, ont perdu la nacelle et le reste de ce qui les détermine en tant qu’objets, pour devenir des formes abstraites et flottantes.
Les œuvres de Félix Pinquier transportent vers d’autres époques, futures et/ou passées, dans lesquelles les techniques se superposent (off set, dessins hyperréalistes, décalcomanies), troublant la chronologie du progrès et des savoir-faire.  Les papiers ont jauni, les peintures se sont écaillées, les angles s’ébrèchent… les œuvres vivent et ne cherchent pas à échapper au temps qui passe. Les matières brutes (bois, caoutchouc, plâtre, cuir) ont quant à elles les tons de la sculpture moderne, évoquant « les machines absurdes héritières des œuvres mécanomorphes de Duchamp et Picabia » (Etienne Hatt). Leurs formes se déploient selon l’angle de vue du spectateur, à l’instar de Station, une œuvre de cuir et d’acier qui semble s’ouvrir et se refermer à la façon d’un soufflet. L’œuvre se révèle, s’articule selon notre déplacement. C’est à ce titre qu’elle nous semble animée et bruyante. Elle n’est pourtant que sculpture : inerte et silencieuse…

Céline Ghisleri

 

Félix Pinquier – Mute : jusqu’au 22/02 à la Galerie Karima Celestin (25 rue Sénac de Meilhan, 1er).

Brunch et visite guidée enfants et adultes le dimanche 16 février 2014 de 13h à 17h

Rens. 06 28 72 44 24 / www.karimacelestin.com

 

Notes
  1. La synesthésie est un phénomène d’association constante, chez un même sujet, d’impressions venant de domaines sensoriels différents.[]