Everything is going to be alright de Guido van der Werve

Des marches, démarches au FRAC PACA

La loi de la traction

 

En ce printemps hybride, dans un quartier qui l’est tout autant, le FRAC propose une drôle de randonnée en quelque trois mille pas qu’il consacre à la marche.

 

La marche, cette activité de vivant qui caractérise notre déplacement de bipède, a toujours été centrale dans nos pratiques quotidiennes, mais à l’exception d’un doux fou comme Rousseau dans l’histoire de la littérature, l’art ne lui avait accordé, jusqu’au début du XXe siècle, qu’une importance de seconde zone, lui préférant peut-être des sujets plus passionnés et voluptueux. Aujourd’hui, sur nos réseaux, et tout particulièrement ici à Marseille depuis la Capitale européenne de la Culture et la création du GR2013, on voit fleurir des initiatives plus ou moins parallèles de marche individuelle, collective, sensorielle, à visée patrimoniale, architecturale, urbanistique, botanique et, disons-le, aux ambitions plurielles, qu’on pourrait peut-être rassembler autour d’un credo, celui d’agir sans forcément faire, celui d’observer, de traverser ce qui existe déjà, en posant tout simplement un regard « autre », celui de l’artiste.

Depuis trois ans, le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, s’est attelé au sujet, en proposant des résidences en périple dans la région et en s’associant au Cairn, Centre d’art de Digne-les-Bains, à l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux et au Laboratoire de Grenoble. En point d’orgue à sa manifestation, il propose aujourd’hui une exposition, Des marches, démarches, dont le commissaire Guillaume Monsaingeon a guidé avec brio la réunion d’un florilège d’œuvres aux médias et ambitions variés, de l’installation à l’archive, en passant bien sûr par la photo, la vidéo, la sculpture et le dessin.

Sur trois plateaux, il en est dit beaucoup et de différentes façons sur l’art de la marche. Partant de la signalétique de route, on prend de pleine face la sublime vidéo de Guido Van Der Werve, qui symboliserait presque à elle seule l’idée de l’expo. Un homme marche sur la banquise, tandis qu’un brise-glace le poursuit, presqu’inexorablement, symbole de modernité et de technologie qui peut toujours courir derrière l’homme marchant en paix.

On prend ensuite le chemin que l’on veut, et on assiste à la naissance des images animées d’Étienne-Jules Marey, jusqu’au magnifique court Shadow Procession de William Kentridge, en passant par les cartographies imaginées de Bruno Di Rosa. Aux plateaux 2 et 3, on cause de territoire, « parce qu’on marche toujours quelque part », et c’est alors l’occasion de rencontrer, à la suite des Excursionnistes marseillais, dont les ouvrages des années 50 feraient pâlir d’envie les nouveaux éditeurs de poésie, les initiatives merveilleuses du collectif Stalker, le Sentier Marcel de Till Roeskens et les fabuleries de Mathias Poisson. Enfin, au sommet des cinquante mètres de dénivelé que nous propose cette randonnée muséale, sur le plateau expérimental, se trouve le clou de l’exposition, dans une caverne imaginée par l’artiste Anaïs Lelièvre, et dont on ne saurait vous « divulgâcher » l’étonnement amusé qu’il nous a procuré.

On félicitera particulièrement les textes qui accompagnent les œuvres pour qui aime lire en sus de voir, et les initiatives connexes que le FRAC a mises en place, qui donnent tout le sel de cette exposition. Ainsi, les « outils nomades » proposés par le service éducatif sont des jeux mis à disposition dès l’entrée dans une drôle de boîte à tiroirs sur trépied, qui rendent ludique, concrète et personnelle l’appréhension de la marche. Car en effet, n’avons-nous pas une démarche presque calibrée lors d’une visite d’expo ? On ne saurait donc que trop recommander ces jeux d’observation marchée à n’importe quel âge, que vous ayez votre neveu comme prétexte accompagnateur ou pas.

Pour les plus curieux (et ô combien à raison), des évènements dans et hors les murs égrènent au fil des trois mois d’exposition les occasions de repenser ces pratiques évolutives et contextuelles s’il en est, avec projections, conversations marchées, séminaires et journées de réflexion.

« La montagne enseigne à vouloir et entraîne à pouvoir », a-t-on pu lire au gré de l’exposition… Disons que cette balade imaginée à pas de loup y parvient aussi. Que vous soyez cigale ou plutôt fourmi selon vos heures, marchez-y maintenant !

 

Joanna Selvidès

 

Des marches, démarches : jusqu’au 10/05 au FRAC PACA (20 boulevard de Dunkerque, 2e).

Rens. : www.fracpaca.org