Mourir à 30 ans de Romain Goupil

Cycle « Un monde meilleur ou le meilleur des mondes ? » au MuCEM

L’histoire sans fin

 

Pour fêter le printemps (des cerises), le MuCEM accueille un nouveau cycle cinématographique consacré aux utopies sociales et politiques le long d’un XXe siècle marqué par les luttes d’émancipation des peuples.

 

Peu après sa naissance, l’image animée a ouvert à l’homme un vaste champ des possibles, dessinant un espace de projections sans limites à sa propre destinée. Entre utopies et uchronies, le cinéma a marqué, parfois à contretemps, le fil de l’histoire. Les grands combats sociaux du XXe siècle, portés par un souffle d’émancipation des peuples, furent indissociables du cinéma, formidable outil de propagande en amont des événements, témoin privilégié des luttes en aval. Deleuze parlait d’imposer le choc : l’image-mouvement déclencherait la pensée. Sans parvenir à généraliser un tel concept, le cinéma ouvre l’une des voies de la conscience, comme corrélat d’un mouvement de reconnaissance. Les utopies ainsi représentées s’inscrivent dans un corpus collectif où se construit le mythe : nous sommes là dans une dialectique passionnante où le film, comme fabrication, illustre et révèle. L’une des questions essentielles sur laquelle se sont penchés quelques théoriciens revêt alors tout son sens : le cinéma fait-il l’histoire ? Un cycle cinématographique présenté au MuCEM vient participer à soulever les premiers éléments de réponse : « Un monde meilleur ou le meilleur des mondes ? » aborde les principales luttes occidentales par le prisme de l’image en mouvement, le Grand Soir se projette en salle obscure. Un vent libertaire souffle aux abords du J4 : combats de la Commune, Front Populaire, Guerre d’Espagne, Mai 68, l’Italie des Années de Plomb… ce cycle de deux mois, proposant une quinzaine d’œuvres, aborde pêle-mêle les principaux soulèvements populaires face à la polymorphie des totalitarismes. La manifestation s’ouvre sur un ciné-concert d’Hakim Bentchouala accompagnant l’un des rares films russes consacrés à la Commune de Paris, La Nouvelle Babylone. Réalisée par le duo Kozintsev et Trauberg (les Powell / Pressburger à la sauce soviétique ?), à qui l’on doit également l’étourdissant opus Seule, cette œuvre vient rappeler la virtuosité stylistique de l’école russe. Autre moment majeur de l’événement, la renaissance des films produits en Espagne par la CNT (Confédération Nationale du Travail) qui, en plein conflit transpyrénéen, collectivisa l’industrie du cinéma, ouvrant la voie à la réalisation de quelques deux cents films, dont trois œuvres rescapées seront présentées sous forme de projection unique. Les luttes hexagonales de la fin des années soixante n’échappent évidemment pas à ce large panorama : l’utopie faite image de l’An 01, film collectif profondément marqué par son époque, côtoie le Coup pour coup de Marin Karmitz, et surtout le splendide Mourir à 30 ans, journal filmé du cinéaste parfois controversé Romain Goupil. Enfin, une sélection parallèle de trois films revient sur l’histoire contemporaine italienne, dont le cinéma a, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, imprimé au fer rouge les enjeux, espoirs et désillusions.

Emmanuel Vigne

 

Cycle « Un monde meilleur ou le meilleur des mondes ? » : du 3/05 au 22/06 au MuCEM (Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org