Le Rendez-vous des quais de Paul Carpita

Cycle « Marseille filmée, formes et histoires »

Images d’une ville

 

Toujours porté par une forme de singularité imaginative, Vidéodrome 2 consacre une semaine à l’histoire de Marseille à travers l’œil de quelques cinéastes géniaux ou atypiques.

 

C’était en 2013, lors d’une conférence au J1. Philippe Carrese parlait de la difficulté de filmer Marseille. Il disait en substance : « Il y a une énergie dans cette ville, quelque chose de trop humain, d’impalpable, un mystère que la caméra n’arrive pas à attraper. Du coup, les cinéastes tombent souvent, à leur corps défendant, dans une forme de caricature. » Même si le décor marseillais a souvent accouché de très beaux films, tous ceux qui sont viscéralement attachés à la ville savent bien qu’on la retrouve rarement sur grand écran. Pourtant, nombreux sont les cinéastes qui ont tenté, depuis les années 20, de faire vivre sur celluloïd le bouillonnement insaisissable qui traverse la cité phocéenne. Evitant de parcourir le sentier balisé du triptyque cinéphilique marseillais, à savoir le drame folklorique pagnolesque, le drame social de Guédiguian ou le polar gouailleur à la Borsalino, Vidéodrome 2 continue d’arpenter les chemins de traverse en proposant une semaine autour du thème « Marseille filmée, formes et histoires ». Et tandis que Kad Merad se débat dans une comédie lourdingue sur les écrans des multiplex, c’est à la délicatesse du merveilleux Paul Carpita que Vidéodrome rend hommage avec une soirée de court-métrages (Graine au vent, La Visite, Adieu Jésus). Cinéaste du port et des luttes syndicales dans un style débordant de poésie et d’humanité, Paul Carpita, dont le premier long métrage Le Rendez-vous des quais, fut censuré de façon incompréhensible pendant plus de trente ans, reste un cinéaste unique. Empreint du néoréalisme italien d’après-guerre, son cinéma dépeint un Marseille ouvrier, fraternel et vivant, à découvrir de toute urgence si ce n’est pas déjà fait. Si Carpita filme le Marseille d’après-guerre, c’est au Marseille occupé que s’intéresse Katharina Bellan avec le souvenir de la destruction du quartier Saint-Jean (l’ancien Panier) en 1943 par la Wehrmacht. Images rares de la tragédie, associées à un documentaire non moins rare sur la pègre collabo des Carbone et Spirito balayée par la libération (et remplacée par la pègre résistante) avec Les Grands Criminels sous l’occupation à Marseille. Un mythe du gangstérisme que Nicolas Mémain explorera à travers une projection de French Connection 2 suivie d’une randonnée urbaine dans les pas de Popeye Doyle (Gene Ackman) à travers le quartier Belsunce. Enfin, c’est avec Les Ateliers de la Savine, entre fictions et documentaires tournées dans la cité du 15e par les habitants sous la direction conjointe d’Adam Pianko et Daniel Said, que le cycle donnera une vision contemporaine et expérimentale de l’activité cinématographique marseillaise. Une semaine bien trop courte, tant l’imaginative programmation aiguise l’appétit du spectateur curieux.

 

Daniel Ouannou

 

Cycle « Marseille filmée, formes et histoires » : du 26/04 au 1/05 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).
Rens. : 04 91 42 75 41 / www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle « Marseille filmée, formes et histoires » ici