Pj5 © Olivier Hoffschir

Charlie Jazz Festival

Plus belle Vitrolles

 

Grosse tawa en perspective le premier week-end de juillet pour les vingt ans du Charlie Jazz Festival. Les illuminés des notes bleues ont mitonné un programme aux petits oignons pour fêter cet anniversaire comme il se doit.

 

Bien évidemment, l’association vitrollaise qui fut — on ne se lassera pas de le rappeler — à la pointe des combats contre le fascisme en Provence, a fait de ses valeurs que sont la diversité et la convivialité ses maîtres mots. Dans un ancien domaine agricole désormais collectivisé pour les cultures populaires, les nourritures sont autant physiques (des food-trucks éthiques et de qualité, de même que la buvette) que spirituelles (avec le stand des Allumés du Jazz, réseau de distribution indépendant, ainsi que le stand de la librairie militante Transit : il n’y a que là que l’on retrouve cet esprit « alterno »). Au parc de la Bastide de Fontblanche, on soigne le public avec force fanfares à l’heure de l’apéro : les Toulousaines du Wonder Brass Band auront l’honneur de lancer les festivités dans un tourbillon cuivré délicieusement féministe, et l’on pourra aussi compter sur les locaux de Big Butt Foundation, voire les foutraques Le Bus Rouge pour relancer la pression chaque soir. Car sous les platanes de Vitrolles, on n’oublie pas que le jazz a commencé pedibus, avec force riffs d’instruments à vents, rolls de caisse claire et improvisations débridées, comme autant d’hymnes communautaires. Et si cette tradition sonne l’appel quotidien, elle n’en est pas moins complémentaire des afters confiées à Dj Oil : l’as des platines se voit attribué la responsabilité de nous faire bouléguer jusqu’au bout de la nuit après les concerts. Et quels concerts ! Claque assurée dès le premier soir, avec l’hommage à John Coltrane. Ouverture par le Rémi Charmasson Quintet : le guitariste avignonnais propose une aventure musicale avec des compagnons de route qui sont autant de libertaires intransigeants (François Corneloup aux saxophones, Claude Tchamitchian à la contrebasse…), pour une création en sortie de résidence dans l’antre du Moulin à Jazz. Vient ensuite le sémillant saxophoniste ténor Shabaka Hutchings : avec ses Ancestors, enfants des migrations de l’ex Empire britannique, il décolonise les consciences jazzistiques dans un maelström résolument afro futuriste, sans négliger l’appel à la danse. Pour couronner cette soirée, saluons la venue de celui qui fut des dernières aventures du Souffleur Suprême : Pharoah Sanders, pétri de spiritualité blues, reste un apôtre de la créativité la plus authentique, et gageons qu’il saura mettre tout le monde d’accord, ne serait-ce qu’avec une seule note sortie de son sax.

Les Caraïbes sont à l’honneur pour la deuxième soirée. Né à Montréal, le multisouffleur Jowee Omicil considère Ornette Coleman comme son « père musical » et estime qu’« il ne faut pas régler les problèmes arithmétiques sur scène, car les gens doivent danser. » Avec son groupe, il cuisine des grooves caribéens et ouest-africains épicés de solos aventureux et maîtrisés. Quant à Dionisio Jesús « Chucho » Valdés Rodríguez, il commence à jouer à trois ans sur les genoux de son père, Bebo Valdes, créateur du style musical afrocubain. Il creuse des sentiers lumineux éclairés par Ernesto Lecuona et Bill Evans. La presse le nomme souvent « le Mozart cubain ». Il crée le fabuleux Irakere en 1973. Avec une troisième soirée intitulée De l’autre côté de la Méditerranée, l’équipe de Charlie Jazz rend un superbe hommage aux vents de création issus des Printemps arabes. Ainsi du déchirant projet porté par la flûtiste d’origine syrienne Naïssam Jalal, qui conjugue, avec son groupe Rhythms of Resistance, tentations orientales et sonorités métropolitaines dans une transe sublime. Ainsi du retour du somptueux chanteur et oudiste tunisien Dhafer Youssef, accompagné notamment par le pianiste d’exception Aaron Parks, jeune maître du futur des notes bleues. Et, puisqu’il s’agit de rappeler que le jazz est une musique migrante, quoi de plus naturel que d’inscrire cette soirée PJ5 (lauréat du dispositif Jazz Migration, soutenu par le réseau du jazz le plus exigeant) dans l’hexagone ?

 

Laurent Dussutour (avec la participation de Catherine Moreau)

 

Charlie Jazz Festival, du 7 au 9/07 à Vitrolles (13).
Rens. : www.charliejazzfestival.com 

Le programme complet du Charlie Jazz Festival ici