La Bienvenue ! - Performance Chaises © A. Suner

La Bienvenue ! d’Anna Fagot au Petit Théâtre de la Friche

Espaces partagés

 

Dans le cadre d’un laboratoire de recherche au Petit Théâtre de La Friche, une dizaine de comédiens du collectif La Réplique travaillent aux côtés d’Anna Fagot, auteure et metteuse en scène, sur son texte La Bienvenue !. Ce travail en cours, le public en avait déjà eu un aperçu, dans une première collaboration avec La Réplique, et dans une forme différente au Théâtre du Gymnase en mai dernier. Il pourra en rendre compte à nouveau lors d’un fameux Apéro de la Réplique… Autour de la notion d’hospitalité, objet de la pièce.

 

« Il y a des gens qui vont mourir parce qu’on ne les accueille pas, mais ceux qui n’accueillent pas risquent eux-mêmes de crever de ne pas accueillir. » En disant cela, Anna Fagot ne se veut pas moraliste. Si elle dit cela, c’est plutôt que la question se pose, de manière brûlante même. C’est pour pouvoir y penser qu’il est nécessaire, voire urgent, de la poser. La notion d’hospitalité est beaucoup plus intime qu’elle n’y paraît. Elle nous constitue, touche notre nature profonde et notre organisme même, jusque dans le corps de l’autre. Des notions vitales qui appartiennent aussi au théâtre, et qu’Anna Fagot tente d’épuiser, bien que, « ce serait de la folie que de vouloir tout dire sur l’hospitalitéIl y a deux racines à ce projet. D’abord, un laboratoire de recherche sur la folie que j’ai mené pendant deux ans alors que j’étais pédopsychiatre. Nous avions fait plusieurs présentations publiques de ce travail qui impliquaient des acteurs et des danseurs. Lors d’une de ces présentations publiques, une scène est restée imprimée en moi, gravée dans mon corps. Sur l’espace scénique avaient été accumulés des meubles, et notamment des chaises. Deux danseurs devaient traverser la scène, franchir chaque meuble comme des épreuves, sans jamais toucher le sol, comme si leur vie en dépendait. Cela devenait une métaphore de la folie, et les danseurs des héros tragiques sur lesquels le sort s’acharnait. » Une métaphore que nous retrouverons dans La Bienvenue !. Et pour cause : « Il n’y a jamais assez de chaises pour accueillir tout le monde. Il faut donc toujours en ajouter une. » Mais — comble du paradoxe —très vite, il n’y a plus de place pour personne. Le travail des acteurs devient alors un travail de respiration. Ou comment regagner de l’air sur scène, ménager de la place pour le dire.

Deuxième origine de La Bienvenue ! : « Un travail sur la haine mené aux côtés d’Annabelle Verhaeghe, performeuse et vidéaste. Ce projet s’appelait G la N. Il consistait en une exploration, via des vidéos performances, de ce qu’est la haine, cette chose que chacun porte en lui. »

Haine et hospitalité sont, pour Anna Fagot, intimement liées, et on ne peut parler d’hospitalité sans parler de haine. Pour elle, c’est une certitude, « la haine m’habite moi aussi, c’est important de le reconnaître, je ne suis pas qu’amour. Le problème ne vient pas toujours de l’autre et de sa haine à lui. Il y a du dégueulasse en moi aussi, et ma question était et demeure : qu’est-ce que j’en fais ? »

Tout un programme, et nous ne saurions que trop vous conseiller, chers lecteurs, d’assister à cette sortie publique. Car, après de nouvelles expérimentations scéniques, cette fois au Théâtre Joliette aux côtés de metteurs en scènes et chorégraphes parmi lesquels Nicolas Zemour, Pierre Ascaride et Wilda Philippe en janvier prochain, et un petit passage prévu sur Radio Grenouille en décembre, c’est vers le Brésil que s’envoleront Anna Fagot et son association Entre ! pour un workshop à l’université de Théâtre de Rio de Janeiro. Et les occasions de la voir pourraient être une denrée rare d’ici la sortie officielle de sa pièce La Bienvenue !, en janvier 2019…

 

Frédéric Vaysse

 

Apéro La Réplique et restitution du travail sur La Bienvenue ! d’Anna Fagot : le 14/12 au Petit Théâtre de la Friche (41 rue Jobin, 3e).
Rens. : www.lareplique.org
Pour en (sa)voir plus : http://fagotanna.wixsite.com/monsite/projets-en-cours