On est sauvage comme on peut du Collectif Greta Koetz

Avignon Off

OFFeeling !

 

Le sous-titre de la soixante-treizième édition du Off d’Avignon est « Le festival aux 1000 visages ». Une manière espiègle de faire « bonne figure » face aux critiques de ceux qui le pensent défiguré à jamais. 1 600 visages différents, c’est beaucoup et finalement peu pour représenter le monde. Rendez-vous pendant tout le mois de juillet pour constituer votre morphing « art vivant » préféré.

 

Le 5 juillet, on commencera à arpenter les rues et théâtres d’Avignon la bible du Off 2019 (qui doit bien peser son kilo) calée sous le bras ou ultra connecté sur l’appli ou le site, extrêmement pratique cette année, et pour une fois mis en ligne bien en amont du festival. Comment alléger cette quête aux succès 2019 ? Voici quelques suggestions subjectives de spectacles qui semblent prometteurs ou mettant en avant des artistes que la rédaction suit de projets en projets.
Donc en avant la musique ! À l’A.J.M.I bien sûr, avec ses Avignon Jazz Days et son festival musical pour les enfants, Tout’Ouïe, mais aussi chez le voisin d’en face, le mythique Théâtre des Doms qui, en ces temps de canicule, nous attirera comme un aimant dans sa cour ombragée autour de la fontaine. On appréciera d’autant plus ce contact aquatique après avoir succombé au gigantesque embrassement émotionnel provoqué par Le Grand Feu de Mochélan et Remon Jr (succès Avignon 2013 avec Nés poumon noir) dans une mise en scène de Jean-Michel Van den Eeyden. Un grand feu de joie et rythmes, quelque chose de grand comme le grand Jacques Brel… Ce sera pourtant sa programmation très « animale » sur le thème de la jeunesse qui nous retiendra aux Doms… irrésistible, à l’image de sa com. Antoine Laubin y fait son grand retour avec Crâne d’après le roman éponyme de Patrick Declerck sur son opération d’une tumeur au cerveau. Dans On est sauvage comme on peut du Collectif Greta Koetz, accompagné par la compagnie Artara de Fabrice Murgia, de jeunes comédiens font l’éloge de la passion dévorante.
Pour continuer en musique, notre meilleur conseil anti-canicule : Les Siestes acoustiques de Bastien Lallemant avec David Lafore, JP Nataf, Armelle Pioline, Michel Peteau… Elles seront cette année à la Collection Lambert au cœur des œuvres exposées dans le cadre du Festival Là ! C’est la musique. Plusieurs grandes figures musicales de ce siècle sont aussi célébrées, comme Patty Smith ou Nina Simone avec le touchant Ninalisa de Thomas Prédour et Isnelle da Silveira à la Chapelle du Verbe Incarné. Isnelle da Silveira et Dyna s’y opposent en voix et en puissance dans le rôle de Nina et de sa fille Lisa.

Dans le registre danse, on trouvera son bonheur au CDCN Les Hivernales d’Avignon car « On (y) danse aussi l’été ». Notre récent coup de cœur Des gens qui dansent… de Naïf Production côtoiera le sulfureux Nirvana de Marco Delgado et Nadine Fuchs (Sélection suisse en Avignon). On poursuit au Théâtre Golovine avec le Festival Off Danse ou au Collège de la Salle avec le Collectif FAIR[E], nommé cette année à la direction du CCN de Rennes, qui y présentera R1R2 Start ! avec Bouside Aït Atmane, entre jeux vidéo et danse hip-hop, et que l’on verra également à La Manufacture avec Wild Cat de Saïdo Lehlouh. On en profitera pour y faire une longue pause et enchainer avec quelques productions belges (et oui encore !) : Le Raz de marée de Clara van den Broek et Paul Verrept, Final Cut de et avec Myriam Saduis sur la folie au féminin, L.U.C.A. (Last Universal Common Ancestor) production du toujours très remarqué Théâtre de l’Ancre de Charleroi, une pièce qui rassemble autour de nos origines communes. Ou encore Y a pas grand-chose qui me révolte en ce moment d’Alexis Armengol, qui réunit deux compagnies franco-belges inclassables, Clinic Orgasm Society et Théâtre à Cru, pour un huis clos délirant.

On ira au cirque, et de préférence sous chapiteau, Avignon restant l’un des rares lieux non dédiés essentiellement au cirque qui compte encore des places pour accueillir des chapiteaux. Surtout dans le bien nommé Îlot Chapiteaux sur l’île de la Barthelasse, avec l’Intégrale de Gilles Cailleau à l’occasion des vingt ans de la Compagnie Attention Fragile, Les Baladins du Miroir, Vivre en Fol, L’Alouette… Mais aussi sous le grand chapiteau bleu du collectif MagdaClan Circo avec plusieurs spectacles des artistes qui le constituent : Emisfero, entre humour, poésie et relations de pouvoir, mis en scène par le grand Petr Forman et Alessandro Maida, ainsi que le captivant Amygdala de la compagnie Catalyst, spectacle-installation qui, sous le regard extérieur d’Émile Pineault, mélange cirque et arts visuels pour évoquer la relation entre l’humain et l’environnement. À deux pas, un nouveau lieu pour le cirque avec le chapiteau itinérant d’Arcas et l’un de nos « chouchous », Anthony Weiss, qui y présentera son Ûman. Sur l’île Piot, l’Occitanie fait son cirque en Avignon avec notamment Ring de Cyrille Musy et Diktak, impressionnant seul en scène de Sandrine Juglair. Au toujours palpitant Festival Villeneuve en Scène, on privilégiera le spectacle de haute voltige aérienne, énergique et vivant Hurt me tender du CirkVOST, dont nous avions adoré A-tripik. Mais aussi Le Cirque Piètre avec Julien Candy et Jean-Pierre, lui, moi de Thierry Combe sur le handicap.
On ne zappera pas l’un des meilleurs clowns contemporains : Léandre Ribera (La Factory) avec Rien à dire au Théâtre de l’Oulle. On ira aussi prendre une claque avec Catherine Germain de la Compagnie L’Entreprise (François Cervantes) dans Le Rouge éternel des coquelicots au 11 • Gilgamesh Belleville. Un lieu où il fera bon prévoir son pique-nique vu la qualité de la programmation, avec notamment J’ai rencontré Dieu sur Facebook d’Ahmed Madani et Qui va garder les enfants ? de et par Nicolas Bonneau sur les femmes en politique.
Au Théâtre des Halles, on ira découvrir La Dernière Bande de Samuel Beckett, mise en scène par Jacques Osinski avec Denis Lavant, Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner de Christine Citti, mis en scène par Jean-Louis Martinelli avec Samira Sedira, ainsi que l’adaptation théâtrale de la Palme d’or de Ken Loach, Moi, Daniel Blake par Joël Dragutin.

À voir encore, La Pluie de Daniel Keene (mise en scène d’Olivier Chambon), une fable qui aborde la tragédie de la Shoah au Théâtre Transversal, Vies de Swann de Marc Citti et Les Émotifs anonymes avec Tania Garbarski et Charlie Dupont au Théâtre des Béliers ; et le nouveau Théâtre Avignon-Reine blanche au 16 rue la Grande Fusterie. Sans oublier le focus international du Train Bleu, où voir également Le Syndrome du banc de touche de Julie Bertin, Ersatz de Julien Mellano et, seulement les 11 et 18 juillet, Here & Now mis en scène par Trân Tran (Sélection suisse en Avignon), avec Pauline Raineri et Claire Deutsch. Et si vous l’avez raté au Théâtre des Bernardines cet hiver, courrez vite craquer pour le merveilleux de Manon Lepomme dans Non, je n’irai pas chez le psy au Théâtre Le Paris.

Le Off devenant de plus en plus une vitrine de certains théâtres parisiens, régions ou pays, il s’agira de sortir des communautés et de se laisser aller à la prise de risque non calculée, au coup de cœur impulsif, au visage expressif croisé…

 

Marie Anezin

 

Avignon Off : du 5 au 28/07 à Avignon.

Rens. : 04 90 85 13 08 / www.avignonleoff.com