Antigone of Shatila de Omar Abusaada © Dalia Khamissy

Retour sur Antigone of Shatila à la Friche la Belle de Mai, dans le cadre des Rencontres à l’Echelle

Sœurs courage

 

Dernière pierre à l’édifice de la monumentale dixième édition des Rencontres à l’Echelle, Antigone of Shatila, ou le choc d’un drame actuel avec une tragédie antique, jouait à guichet fermé à la Friche fin janvier.

 

La destinée d’Antigone, la rebelle, fille d’Œdipe qui brave l’autorité du roi Créon pour inhumer son frère Polynice, se frotte à celles, non moins tragiques, de réfugiées syriennes vivant dans le camp de Chatila au Liban.
Des dix-sept femmes ayant participé à la création, huit ont pu faire le déplacement pour ces premières dates en Europe. Durant deux mois, ces Syriennes réfugiées au Liban se sont confrontées à la figure mythique d’Antigone et à l’écriture de Sophocle par le biais d’ateliers « d’aide par le théâtre » menés par le metteur en scène Omar Abusaada et le dramaturge Mohammad Al Attar. Le premier est un habitué du travail avec des non professionnels : avec sa compagnie le Théâtre Studio, installée à Damas, en Syrie, il a développé des projets dans des prisons ainsi que dans d’autres camps de réfugiés.
A la manière d’un journal intime, Antigone of Shatila fait s’entrecroiser les témoignages personnels des interprètes, leurs récits d’exil, du trajet à la vie au camp, ainsi que la perte de leurs proches. En filigrane également, le déroulement de la création, la façon dont le travail a remué ses participantes, d’abord hésitantes, puis fascinées par la détermination et la force de la jeune héroïne grecque, qu’elles comparent à une sœur et qui finit par les accompagner partout dans leur quotidien. Elles racontent l’enjeu de parler à la première personne, la naissance du « Je » pour faire résonner la tragédie avec leurs histoires encore en train de s’écrire. La mise en scène, très sobre, laisse la place à une tension émotionnelle accrue où théâtre et réalité se confondent pour dessiner l’espoir de ces femmes qui ne se veulent pas tristes mais rieuses, portées par la même joie de vivre qu’Antigone.

Barbara Chossis

 

Antigone of Shatila était présenté les 29 et 30/01 à la Friche la Belle de Mai, dans le cadre des Rencontres à l’Echelle