Méditerranée de Jean-Daniel Pollet

Albert Camus, citoyen du monde à la Cité du Livre

La condition humaine

 

L’exposition Albert Camus, citoyen du Monde, qui connut de grandes difficultés à voir le jour, est devenu un événement pluridisciplinaire, au sein duquel l’Institut de l’Image propose notamment une programmation cinématographique de haut vol, en lien avec l’auteur.

 

Au regard des polémiques engendrées par le montage de l’exposition Albert Camus, citoyen du Monde et des nombreux rebondissements que connut l’événement, force est de constater que l’hexagone (une partie, du moins) entretient un rapport complexe avec l’auteur français le plus lu hors de nos frontières. L’homme navigua en vents contraires des nombreuses doxas qui traversèrent le 20e siècle, position qui l’exposa trop souvent au mépris (il n’est pas rare de voir son œuvre jugée superficielle), voire à la simple condamnation idéologique. Camus observait la nature humaine par le prisme de la poésie et des mots, et non celle, stricto sensu, des idées. Comme le rappelait l’auteur : « Je continue à croire que ce monde n’a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c’est l’homme, parce qu’il est le seul à exiger d’en avoir. » La société intellectuelle française a toujours peiné à considérer ses penseurs, libres, humanistes, hors normes, échappant aux doctrines qui conduisirent les courants de pensées du siècle. En ce sens, la révolte se révèle bien plus un cri du cœur qu’une vérité qui s’impose dialectiquement. Les relations d’Albert Camus avec le cinéma furent loin d’être passionnelles, malgré ses amitiés avec quelques grands noms de son époque. Mais le cinéma, lui, entretient avec son œuvre un lien tout à fait particulier, que l’Institut de l’Image a ici magnifiquement développé. Voilà peut-être le pan le plus passionnant de l’événement : mêlant adaptations, documentaires et films liés à l’imaginaire camusien, la programmation propose un parcours intelligent qui se rapproche véritablement de la pensée de l’auteur. Trois œuvres de l’écrivain ont été mises en images, à commencer par L’Etranger, de Luchino Visconti, avec Marcello Mastroianni dans le rôle de Meursault. Le résultat fut malheureusement un désastre. Une anecdote reste célèbre : lors d’une émission radio, Fellini interpella cyniquement Visconti (les deux hommes se détestaient cordialement), en qualifiant L’Etranger de « son meilleur film à ce jour ». C’est évidemment l’inverse, même s’il est particulièrement intéressant de redécouvrir aujourd’hui cette œuvre trop rare, presque soixante ans après sa sortie. Si les deux autres adaptations, plus récentes (La Peste et Le Premier Homme), figurent elles aussi au programme, le choix de l’Institut de l’Image s’est essentiellement porté sur les œuvres adaptées de romans chers à Camus, à l’instar du Docteur Jivago de Lean, des Possédés de Wajda ou du Guerre et paix de Bondartchouk. D’autres films font le lien, quant à eux, avec certains regards développés par l’auteur, en l’occurrence sur la guerre d’Espagne (L’Espoir de Malraux) ou la capacité historique de l’espèce humaine à s’autodétruire (Hiroshima mon amour d’Alain Resnais). Enfin, soulignons la projection de Méditerranée, magnifique opus de Jean-Daniel Pollet, artiste remarquable trop peu reconnu, essai filmique au sein duquel se déroule, le long de la pellicule, le mythe fondateur d’une contrée dont Camus écrira : « Dans ce malheur doré, la tragédie culmine ».

Emmanuel Vigne

Albert Camus, citoyen du monde : jusqu’au 5/01/2014 (cycle ciné jusqu’au 29/10) à la Cité du Livre (8/10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens. http://www.citedulivre-aix.com / www.mp2013.fr