Double Exposure (V.O.)

Films et vidéos d'artistes contemporains des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), dans le cadre du programme "Roots to Routes" des Parallèles du Sud

Les œuvres sélectionnées sont axées sur le patrimoine soviétique, en particulier l'environnement urbain, l'architecture et les monuments des États baltes et des pays voisins. Dans les films et vidéos présentés, le modernisme soviétique, autrefois grandiose, devient un arrière-plan étrangement aliéné et négligé - un environnement controversé de souvenirs et de récits qui s'entrechoquent. Confrontés aux ruines hantées du passé et à l'environnement radicalement bouleversé de la société post-soviétique, les auteur.e.s des œuvres sélectionnées sont profondément marqué.e.s par les conflits d'identité et d'appartenance dans leur environnement immédiat. 

Les films et vidéos présentés montrent notamment comment même les histoires personnelles les plus intimes s'enracinent profondément dans notre mémoire collective. 

Roots to Routes est une collaboration entre des artistes, des commissaires et des organisations à but non lucratif de Marseille et des pays baltes, qui se déroule dans le cadre des "Les Parallèles du Sud". Sous la direction de Merilin Talumaa (EE), Maija Rudovska (LV) et Justė Kostikovaitė (LT). Double Exposure est accueilli par la Galerie Kolektiv 318 à l'Unité d'Habitation de Marseille.  Vous trouverez ci-joint le dossier de presse.

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Kristina Norman - Bring Back My Fire Gods, 13', 2018
Bring Back My Fire Gods est issu d’une intervention performative à l’Auditorium du Festival estonien de la chanson à Tallinn. Un lieu sacré pour la nation estonienne, l’espace est associé à la Révolution chantante et à l’indépendance de l’Union soviétique en 1991. Le russe est la première langue de presque un tiers de la population estonienne, et la pièce de Norman est un commentaire artistique sur un débat récent autour de l’impossibilité d’inclure une chanson en russe dans le répertoire du festival qui célèbre l’union et la continuité nationale. Norman parodie les principaux symboles du festival – le terre-plein est occupé par un chanteur solitaire, le feu du festival descend de la tour, et le chant se déroule en russe et en estonien simultanément, les paroles décrivant la détresse d’un peuple dans un pays lointain.

Ingel Vaikla - Double Exposure, 13'36, 2019
Double Exposure est un court-métrage sur Slavutych, une ville dans le nord de l’Ukraine construite en 1986 pour les ouvriers évacués de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Des architectes et ouvriers de huit républiques soviétiques ont participé à la construction de la ville. Slavutych est devenue la dernière ville atomique, la dernière urbanisation idéale à être bâtie dans l’Union soviétique. Le film révèle la confrontation entre le passé soviétique du lieu et sa génération plus jeune de milléniaux.les contemporain.e.s né.e.s après la chute du socialisme. Comment la jeunesse post-soviétique fait-elle face au présent tout en étant entourée des restes d’un passé qui a échoué ?

Emilija Škarnulytė - Aldona, 13’, 2013
La vidéo de Škarnulytė suit la grand-mère de l’artiste, Aldona, pendant sa promenade quotidienne à travers le parc Grūtas en Lituanie. Fondé dix ans après l’effondrement de l’U.R.S.S., ce parc de sculptures privé comporte près d’une centaine de statues de l’ère soviétique issues de tout le pays. Tandis que des statues similaires étaient déboulonnées ou détruites dans les pays soviétiques voisins, le centre d’exposition est devenu une ressource unique quoique controversée. Dans la vidéo, les spectateur.trice.s voient Aldona tâtonner ces monuments au long du chemin forestier feuillu et effleurer leurs surfaces pour sentir les fissures et assimiler leurs dimensions. Il est révélé qu’Aldona est malvoyante, et qu’ainsi tenir, caresser et toucher les monuments avec ses mains devient son moyen de dévoiler et de comprendre le passé.

Anastasia Sosunova - Demikhov Dog, 7'23, 2017
Demikhov Dog est le résultat d’expériences conduites par le scientifique de l’Union soviétique Vladimir Demikhov, qui a entrepris la première opération de greffe de tête de l’histoire en 1954. Au cours de ces expériences, des chiens bicéphales pouvant survivre quelques jours furent créés. L’artiste emploie ces expériences comme une allégorie pour aborder des questions de différences culturelles et de conflits d’identité dans leur entourage immédiat. L’enregistrement utilisé dans cette pièce a été récupérée à Ignalina et à Vilnius, et mélangé à des personnages de fiction, des chimères ainsi que des histoires pas tout à fait lituaniennes.

Eglė Budvytytė - Vocabulary Lesson, 2’22 et 9’36, 2009
Collaboration avec Ieva Misevičiūtė (LT) et Goda Budvytytė (LT)
Une séance d’horreur hypnotique de bals voguing sur fond d’architecture moderniste est interprétée avec des costumes dignes de Tristan Tzara. Les scènes de la vidéo pourraient choquer autant Gertrude Stein, Miles Davis que Frank Zappa (séparément), tou.te.s auteur.e.s prétendu.e.s de la phrase « Parler de la musique, c'est comme danser à propos de l 'architecture ».
Le voguing est une danse moderne très stylisée incorporant l’« Egyptian », un registre de poses orientées vers la construction d’une silhouette inspirées de la photographie de mode, et de mouvements angulaires et gymnastiques. Cette danse a fait son apparition dans la scène LGBT new-yorkaise et tire son nom du magazine Vogue. Une des idées qui cimentent cette scène est la croyance continue et rituellement révérée qu’on peut devenir qui on veut (une star de cinéma, un.e mannequin ou une lycéenne normale), du fait que le statut social dépend largement des apparences. Cette logique – appelons-la la logique du voguing – était importante pour Vocabulary Lesson, et ce tout autant pour le clip vidéo que pour la chanson éducative. Si une personne peut se transformer en une lettre, il est probable qu’une lettre puisse devenir autre chose aussi, et il est possible de (re)créer des bâtiments en utilisant des notations musicales au lieu de plans de construction, n’est-ce pas ? Vocabulary Lesson peut être vu comme un conte qui déconstruit les figures de l’architecture, les transformant en des lettres similaires à des sphinxs qui « pratiquent leur perfection ».

Ieva Epnere
Potom, 20', 2016
Potom se déploie sur deux espaces de la ville de Liepaja en Lettonie. Le premier est une pièce close, délabrée, abandonnée et d’apparence non-résidentielle. Autrefois, elle a accueilli le siège de l’Assemblée de la Marine russe, avant de devenir un hôpital pour tuberculeux.euses puis un hôpital militaire. L’histoire qui a traversé cet espace a laissé ses traces, et celui-ci peut donc être considéré comme un lieu.
- Sea of Living Memories, 2 pièces sélectionnées, 8'14 et 8'44, 2016
Sea of Living Memories aborde la nature éphémère de l’identité en réponse à l’évolution de la société lettone post-soviétique.
Issues d'expériences personnelles, de recherches et de coïncidences ainsi que de choses entendues et découvertes au cours de conversations, les oeuvres de Epnere émergent de la question de la volatilité de l’identité. En réaction aux processus sociétaux dans la Lettonie post-soviétique, l’artiste interroge le fonctionnement d’une mémoire individuelle et son rôle dans la construction de la mémoire collective; comment les expériences importunes sont rejetées et comment quelqu’un qui a grandi et travaillé pendant la plupart de sa vie sous un seul régime, est capable ou pas de faire face aux nouvelles circonstances et de s’adapter à celles-ci.

Katrïna Neiburga - The Press House, 26'27, installation vidéo multi-écrans, 2012
Press House est un immeuble de vingt-deux étages à Riga, construit en 1978. Sa fonction était d’accueillir plusieurs maisons d’édition, bureaux de rédaction de journaux et magazines, ainsi qu’une imprimerie. Abandonné suite au changement de régime à cause d’une productivité en déclin, Press House fut jadis un lieu important où ses travailleur.euse.s étaient en constante négociation avec la liberté de la presse et les limites de la censure soviétique. L’intérêt de l’artiste pour Press House commence par les personnes qui y ont travaillé autrefois. En étant soit complices soit victimes de la censure, elles.ils ont passé une partie importante de leurs vies sur place. Neiburga a des souvenirs personnels très particuliers de l’immeuble, ses deux parents y ayant travaillé. L’artiste a invité de nombreux.euses ancien.ne.s employé.e.s de Press House à participer dans le projet, du concierge au directeur en passant par les rédacteurs de ses magazines et journaux. Leurs histoires restaurent les sensations et visions de jours révolus. L’œuvre tisse une narration poétique et documentaire des souvenirs dissimulés dans l’esprit des personnes, autant que dans celui de l’immeuble abandonné.


Galerie Kolektiv Cité Radieuse
Du 29 août au 26 sept. : 18h
Entrée libre sur réservation à rootstoroutesmarseille@gmail.com
https://manifesta13.org
280 Boulevard Michelet
13008 Marseille
04 13 63 52 79