Au-delà de la mémoire - 50 ans de coup d'État au Chili (V.O.)

9 films et un programme d’art vidéo pour parcourir ces 50 années de création traversées par la dictature

À travers 9 films et un programme d’art vidéo, le cycle propose de parcourir ces 50 années de création traversées par la dictature. Des films qui questionnent le présent et nous aident à comprendre les blessures profondes qui persistent encore dans le Chili contemporain.

 

"Le 11 septembre 1973, le coup d’État militaire a mis un arrêt brutal au processus de transformations sociales profondes initié par le gouvernement socialiste de Salvador Allende. Un bouleversement décisif pour la société chilienne. Le cinéma -comme tous les arts- n’a pas été épargné de cette brutalité. En pleine gestation de son identité, inspiré par le Nouveau cinéma latinoaméricain, le cinéma chilien a vu s’arrêter abruptement son effervescence et sa naissante vitalité. Des années de silence ont suivi le coup d’État, marquées par la répression, l’exil et la clandestinité. Certains cinéastes ont dû fuir le Chili et poursuivre leur création depuis leurs pays d’accueil – Miguel Littin, Raoul Ruiz, Valeria Sarmiento, Patricio Guzmán et Carmen Castillo parmi tant d’autres – pendant que certains ont pu, au fil des années, contourner la censure pour produire quelques films à l’intérieur du pays.

Le cinéma a eu un rôle essentiel pour écrire la mémoire de cette triste période, qui dura 17 ans. La fin de la dictature en 90 ouvre le processus de transition dans une certaine liberté retrouvée au sein d’une démocratie toujours sous tutelle. Dans un premier temps, le cinéma s’est emparé de la mission de documenter les faits pour dénoncer les violences, la torture, les disparitions et lutter ainsi contre l’oubli.

Petit à petit et surtout grâce à l’émergence d’une nouvelle génération de réalisateurs et réalisatrices, la création cinématographique s’est enrichie et diversifiée avec une multiplicité de propositions artistiques qui sont allées au-delà du geste de mémoire historique. Les cinéastes se sont emparés de la fiction, du documentaire, de l’animation, de l’art vidéo, pour proposer des récits sur le passé, en puisant aussi dans leurs histoires personnelles. Des regards qui questionnent également le temps présent, où résonnent encore les traces de cette histoire si récente.

A travers 9 films et un programme d’art vidéo, le cycle propose un parcours de ces 50 années de création traversées par la dictature. Des gestes artistiques et esthétiques qui témoignent de la puissance du cinéma pour nourrir les transformations sociales et politiques (Descomedidos y chascones) ; qui s’avèrent une arme de dénonciation et de résistance, que ce soit depuis l’intérieur (No olvidar, Cien niños esperando un tren) ou depuis la distance douloureuse de l’exil (Así nace un desaparecido, Journal inachevé) ; qui proposent des récits poétiques à partir du vécu personnel (El eco de las canciones) ou une immersion dans les aspects les plus troublants de la société chilienne (I love Pinochet et Tony Manero). Des films qui nous aident à comprendre les blessures profondes qui persistent encore dans le Chili contemporain."

Francisca Lucero

À Marseille
Du 11 septembre au 17 septembre 2023
Tarifs variables suivant les salles
https://www.videodrome2.fr/
13000 Marseille

Article paru le mercredi 13 septembre 2023 dans Ventilo n° 486

Cycle « Au-delà de la mémoire - 50 ans du coup d’État au Chili »

Mémoire vive

 

Sur une proposition de Francisca Lucero, les cinémas Videodrome 2 et La Baleine de Marseille, parmi d’autres partenaires ou lieux d’accueil, nous proposent en cette rentrée un cycle essentiel, « Au-delà de la mémoire – 50 ans du coup d’État au Chili », consacré à la mémoire du peuple chilien, à jamais marqué par dix-sept années de règne sanglant de Pinochet.

    Le coup d’État militaire qui permit au sanguinaire Pinochet de s’emparer du pouvoir au Chili, le 11 septembre 1973, fut l’une des pages les plus dramatiques de l’histoire du continent sud-américain. L’effervescence qui s’empara du pays lors de la première présidence de gauche du Chili, avec Salvador Allende, entrait alors en résonnance avec de nombreux courants libérateurs qui électrisaient les sociétés internationales de ces années 70 naissantes. Nous reste en mémoire le très beau film de Claudia Soto Mansilla, relatant dans Les Enfants des mille jours le souvenir de ces quelques années d’allendisme. Jusqu’en 1990, la dictature militaire de Pinochet fera régner la terreur, multipliant arrestations, exécutions, viols, disparitions d’opposants, harcèlements, tortures, violences quotidiennes. Le monde de l’art chilien n’en sera pas épargné, bien évidemment. Ces dix-sept années d’effacement des individus provoqueront par la suite l’émergence d’un courant contemporain porté par une nouvelle génération d’artistes, dont l’une des dynamiques — en l’occurrence au sein du geste cinématographique — consistera à exhumer la mémoire des victimes de l’histoire chilienne. Cinq décennies plus tard, au regard des coups de boutoir fascistes qui ébranlent nos démocraties, il est indispensable de permettre aux temps — passé et présent — de se répondre et s’éclairer l’un l’autre : dont acte avec le cycle « Au-delà de la mémoire – 50 ans du coup d’État au Chili », proposé, entre autres, par les équipes du Videodrome 2 et de La Baleine, à l’initiative de Francisca Lucero, avec le soutien de la Cinémathèque du Documentaire et de la Cinémathèque du documentaire à la Bpi – Centre Pompidou, et en partenariat avec les Variétés, ASPAS, FIDMarseille, Documentaire sur Grand Écran et Cineteca Nacional de Chile. Une proposition de toute beauté, résolument passionnante, qui permettra la découverte d’œuvres rares, à l’instar d’El Eco de las Canciones d’Antonia Rossi, que sa réalisatrice viendra présenter au Videodrome 2, récit captivant d’un jeune Chilien oscillant entre souvenirs d’exil et de retour. Le documentariste Ignacio Agüero, dont les films restent traversés par cette préoccupation de la mémoire, sera également à l’honneur de ce cycle, avec l’opus El Diario de Agustín, de 2008, portrait intelligent d’Agustín Edwards, magnat des médias chiliens, dont le rôle dans le coup d’État de 1973 fut décisif, avec l’appui des services secrets américains. Trois formats courts nous seront par ailleurs proposés par la Cineteca Nacional de Chile : L’Ambassade de Chris Marker — certains cinéastes européens se sont en effet emparés du sujet, à l’instar de Bruno Muel dans Septembre chilien —, Así nace un desaparecido d’Angelina Vázquez et Journal Inachevé de Marilú Mallet. Poussant les codes sémiologiques de l’image en mouvement afin de mieux embrasser les enjeux de ce pan de l’histoire, le programme d’art vidéo Fragments qui résistent nous invite à un voyage sensoriel sur cette blessure de la mémoire. Enfin, c’est au cinéma La Baleine que s’achèvera cet excellent cycle, avec la projection, suivie d’un échange, de l’opus Tony Manero de Pablo Larraín, l’un des grands noms du cinéma chilien, à qui l’on doit les très remarqués No ou Neruda.  

Emmanuel Vigne

 

Cycle « Au-delà de la mémoire - 50 ans du coup d’État au Chili » : jusqu’au 17/09 au Vidéodrome 2 et à la Baleine (49 et 59 Cours Julien, 6e).

Rens. : www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle « Au-delà de la mémoire - 50 ans du coup d’État » au Chili ici