Guy Gilles

Cycle consacré au cinéaste français, proposé par Raphaël Lefèvre

Et un beau jour, on découvre le cinéma de Guy Gilles. On tombe des nues : ça existait, ces films existaient, et on n’en savait rien ? Ce cinéaste a vécu, et on n’avait jamais entendu son nom ? L’ardent recueil d’images et de sons dont il est l’auteur n’avait donc pas réussi à se frayer une place parmi les œuvres qui comptent aux yeux des cinéphiles français ?

En son temps, pourtant, il eut des admirateurs, parmi ses pairs (Marguerite Duras) comme chez les critiques (Jean-Louis Bory). En 1973, Absences répétéesreçut le Prix Jean-Vigo. Mais Gilles était loin de faire l’unanimité. Trop sentimental, sans doute. Même Vecchiali, duquel son cinéma est pourtant proche (lyrisme désuet et vitalité formelle, sympathie pour les marginaux et les vieilles bourgeoises, tempérament libertaire et refus des étiquettes sexuelles), a déclaré de lui que c’était de la « sensiblerie » — c’est dire.

La poétique de Guy Gilles repose sur une approche très personnelle, et même très intime, de l’image et du montage. Une accumulation d’instantanés — d’êtres, de lieux, de choses — déconnectée de l’action, donnant l’impression de vouloir arrêter le temps qui court, en tout cas d’en saisir des bribes avant qu’il n’ait fui. Comme on collectionne les photos. A l’excès, jusqu’à l’ivresse, parfois la nausée.

Comme Camus, Gilles ne cachait pas sa nostalgie pour l’Algérie de son enfance (mais lui reconnaissait, faut-il le préciser, son droit à l’auto-détermination). Comme Camus, la révolte est chez lui presque plus métaphysique que sociale. Spleenétique, même. Ses films sont peuplés de jeunes hommes plus ou moins neurasthéniques et tentés par la fugue, ou le suicide — le seul « problème philosophique vraiment sérieux », comme disait l’autre… Mais ce sont aussi des marginaux, nulle part à leur place dans la société. En cela, le cinéma de Gilles, tout sauf bourgeois, est bien plus politique qu’il n’y paraît. Secrètement mais puissamment sexuel, aussi.

Guy Gilles a existé, il n’est plus, son cinéma reste. Depuis une vingtaine d’années, grâce au travail patient de quelques passionné.es, on le redécouvre. La RochelleLussas, la Cinémathèque française, La Loupe, Paris 8lui ont ouvert leurs portes : merci au Videodrome 2 de l’accueillir à son tour.

— Raphaël Lefèvre

Videodrome 2
Du 22 novembre au 27 novembre 2022
Prix libre (+ adhésion annuelle : 5 €)
Rens. 04 91 42 75 41
www.videodrome2.fr
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41

Article paru le mercredi 9 novembre 2022 dans Ventilo n° 472

Cycle Guy Gilles au Vidéodrome 2

L’ami retrouvé

 

Du 22 au 27 novembre, l’équipe du Videodrome 2 s’associe à la proposition de Raphaël Lefèvre, entouré d’autres invités, pour une rétrospective remarquable, consacrée à un cinéaste quelque peu oublié de l’histoire, et cependant majeur : Guy Gilles, dont nous reste en mémoire le magnifique Absences répétées, sorti en 1972.

    Nous l’évoquons souvent dans ces colonnes, l’histoire du cinéma, à l’instar de celle de l’humanité, est traversée par les oublié·e·s, celles et ceux dont les gestes, pourtant majeurs, n’ont pas retenu l’attention des historiens. Cela nous amène ainsi à cette question cruciale : qui définit cette mémoire ? Quelle est leur légitimité ? Retour alors à l’antienne évoquée par Howard Zinn, « Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs. » Le rôle de passeur est donc, pierre après pierre, de réaffirmer cette mémoire, d’en redessiner les contours. Ce fut le cas récemment des films consacrés, par exemple, à l’importance, dans plus d’un siècle de cinéma, de créatrices telles Alice Guy-Blaché ou Hedy Lamarr. S’il est un lieu, au sein de la cité phocéenne, qui se fait fort de (re)mettre en lumière le travail de cinéastes largement oubliés — ou sous-estimés, c’est selon —, c’est bel et bien le Videodrome 2, sans omettre également le travail du Polygone Étoilé. Et c’est un cycle à découvrir sans réserve qui nous est proposé du 22 au 27 novembre dans la salle du Cours Julien : sur une proposition de Raphaël Lefèvre, en dialogue avec Gaël Lépingle et Yann Gonzalez, et en présence de Gaël Lépingle, Jean-Sébastien Chauvin et Mickaël Tempête, ces six jours seront consacrés au cinéaste Guy Gilles, pour une rétrospective des plus enthousiasmantes ! Alors que l’on fête cette année les cinquante ans de la sortie sur les écrans de son opus Absences répétées, qui obtint le prix Jean Vigo, le Videodrome 2 et les partenaires de la manifestation nous offriront l’occasion de découvrir plus d’une douzaine d’œuvres du cinéaste. Guy Gilles se retrouva tout de même à l’honneur d’une heureuse rétrospective, en 2014, à la Cinémathèque Française, premiers pas d’une forme de réhabilitation : le réalisateur fut, semble-t-il, mal ou peu compris lors de cette décennie libertaire que représentèrent les années 70. À contre-courant des préceptes de son époque, et pourtant auteur d’une œuvre remarquable, on l’affubla d’un sentimentalisme (sic) qui jurait trop avec le tumulte assumé de ses contemporains. D’où la nécessité impérieuse d’une telle proposition. Six jours pour découvrir les extraordinaires opus (courts et longs métrages) que sont Au biseau des baisers, L’Amour à la mer, Paris un jour d’hiver, Au pan coupé, Soleil éteint, Le Clair de terre, Chanson de gestes, Proust, L’Art et la douleur (écrit pour la télévision), Le Journal d’un combat, Le Jardin qui bascule et bien sûr Absences répétées. Une rétrospective qui sera ponctuée de temps d’échanges, de projections surprises ou de la séance de Guy Gilles, photographies du temps d’avant du cinéaste Gaël Lépingle.  

Emmanuel Vigne

 

Cycle Guy Gilles : du 22 au 27/11 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).

Rens. : www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle Guy Gilles ici