À la recherche du bonheur 

Cycle en hommage aux comédies américaines des années 40
 

Un cinéma de la conversation, de la réflexion sur les relations de couple, sur l’égalité des sexes, sur la nécessité en amour d’une mort et d’une renaissance : accepter la perte initiale du monde, pour la surmonter par la conversation.

 

« Les forces négatives doivent exister, mais il faut arriver à ce qu’elles soient légèrement moins puissantes que les autres, seulement d’un million de millième de millimètre,
et alors nous pourrons survivre. »

— Stanley Donen

 

Les années 40, années de guerre dans une Amérique où le constructeur automobile Henry Ford donne au parti Nazi tous les bénéfices des voitures vendues en Allemagne et alloue chaque année 350.000 dollars à Hitler, pour son anniversaire, afin de saluer « la saine réaction de l’Allemagne contre le juif”. Années d’incertitude, d’angoisse où la démocratie est en danger partout dans le monde, où des peuples sont privés de droits, de voix, dans un climat d’industrialisation de la mort.

C’est dans ce contexte très anxiogène qu’ont été écrites certaines des meilleures comédies produites par Hollywood (on parle d’âge d’or pour la période allant de 1938 à 1948), avec l’arrivée au poste de réalisateur, de scénaristes et dialoguistes virtuoses tels que Preston Sturges, Billy Wilder ou Garson Kanin. Ils allaient amplifier la tendance aux dialogues ciselés, percutants, pleins de sous entendus de la décennie précédente qui s’était achevée sur une expérience insolite qui avait plu au public : “La Garbo rit enfin !”. Jouant avec la censure (le code Hays date de 1934) pour aborder des thématiques de société, ils mettent en lumière des personnages de femmes fortes et indépendantes sans pour autant délaisser le burlesque, ou la caractérisation savoureuse des personnages secondaires.

Un cinéma de la conversation, de la réflexion sur les relations de couple, sur l’égalité des sexes, sur la nécessité en amour d’une mort et d’une renaissance : accepter la perte initiale du monde, pour la surmonter par la conversation, des couples qui préfèrent perdre du temps ensemble plutôt que faire autre chose. La structure de ces films place l’individu au centre de la société et se pose volontiers sur le terrain du quotidien. Ce sont des comédies de l’égalité cherchant à penser de façon satisfaisante et créative la différence entre le masculin et le féminin ainsi que les oppositions de classes, à accomplir le partage réel du langage. La libération des fantasmes et des comportements y va de paire avec la dénonciation des hypocrisies, l’effondrement des clivages de classe, d’âge, de sexe.
Le langage comme lieu de lutte, enjeu politique, système d’expression de la pensée et la performativité du langage comme agent de transformation des discours dominants, d’où l’importance historique de ces films qui mettent en scène une expression féminine, revendicatrice d’une égalité de parole.

Ce partage se marque non par la conversation aimable et le badinage, mais par la dispute, comme s’il existait une manière de se chamailler, qui soit un signe, non de félicité mais d’affection. Dans ces films, causer ensemble c’est être ensemble pleinement et simplement, c’est un mode d’association, une forme de vie.
La mise en scène et les acteurs font du spectateur un complice de leur rire et ces relations nous paraissent avoir la qualité de l’amitié ce qui est un facteur supplémentaire dans l’euphorie qu’elles provoquent en nous.

— Olivier Puech

Videodrome 2
Du 8 mars au 12 mars 2022
Prix libre, conseillé : 5 € (+ adhésion annuelle : 5 €)
www.videodrome2.fr
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41

Article paru le mercredi 2 mars 2022 dans Ventilo n° 459

Cycle « À la recherche du bonheur : comédies américaines des années 40 » au Vidéodrome 2

Comédies Club

 

Olivier Puech, fin cinéphile, nous propose du 8 au 12 mars, au Videodrome 2, le cycle « À la recherche du bonheur : comédies américaines des années 40 », qui nous plonge, avec la programmation de cinq films savoureux, au sein de l’Âge d’Or de la comédie hollywoodienne, la Screwball Comedy, titre emprunté de l’argot américain.

    Alors qu’en-dehors de quelques opus subversifs — on pense au Corbeau d’Henri-Georges Clouzot —, la France collaborationniste inondait durant la Seconde Guerre mondiale les écrans hexagonaux de productions tout à fait abjectes, de l’autre côté de l’Atlantique se jouait une partition particulièrement passionnante dans l’évolution du cinéma américain. Prise en étau entre les grandes périodes cinématographiques que furent celles des années 30 et des années 50, la production hollywoodienne des années 40 reste indéfectiblement liée au genre comique : elle recela de véritables pépites, d’apparence désopilante — il fallait faire oublier l’effort de guerre — mais bien plus subtiles en vérité, opérant une quasi révolution dans l’analyse des rapports amoureux et de la place des femmes dans les productions filmiques. On parla ici de l’Âge d’Or de la comédie américaine — la Screwball Comedy —, à laquelle participèrent également quelques cinéastes ayant fui l’Allemagne nazie, d’Ernst Lubitsch à Billy Wilder. Même si nombre d’entre eux furent adaptés des plus grands succès de Broadway, ces films particulièrement savoureux, espiègles et parfois irrévérencieux, qui bousculaient les codes sociaux, nous plongent dans une période de liberté d’écriture, alors que paradoxalement opérait plus que jamais, aux États-Unis, le fameux et liberticide code Hays. Du 8 au 12 mars, sous l’égide d’Olivier Puech, le Vidéodrome 2 nous propose une jolie exploration cinématographique de cette période haute en couleur du cinéma américain, avec la programmation de cinq classiques à découvrir sans tarder : My Favorite Wife de Garson Kanin, de prime abord, opus de 1940 qu’aurait dû réaliser Leo McCarey (qui l’écrivit et le produisit), avec un Cary Grant alliant toujours avec maestria humour et élégance. Suivront No Time for Love de Mitchell Leisen, particulièrement décapant, The Major and the Minor de Billy Wilder, Ball of Fire d’Howard Hawks, sorte de Blanche Neige et les Sept Nains revisité à la sauce Screwball Comedy, et Unfaithfully Yours de Preston Sturges. Une programmation qui retrouve dans le contexte actuel, telle une mise en abime historique, son sens premier, du divertissement par le retournement des règles de la comédie romantique.  

Emmanuel Vigne

   

Cycle « À la recherche du bonheur : comédies américaines des années 40 » : du 8 au 12/03 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).

Rens. : www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle « À la recherche du bonheur : comédies américaines des années 40 » ici