Sylvain Maestraggi - Les Ruisseaux d'Athènes

Photos

Dans Les Ruisseaux d’Athènes, Sylvain Maestraggi prolonge son exploration des paysages nées de l’urbanisme moderne.

En 2019, il entame en effet un travail photographique sur les rivières de l’agglomération d’Athènes, surnommée par ses habitants tsimentopoli, la ville de ciment. Située dans le bassin versant du fleuve Kifissos et de son affluent l’Ilissos, Athènes a connu au 20e siècle une croissance urbaine extrêmement soudaine qui a fait table rase de l’ancien paysage agraire et des massifs forestiers. Dans ce processus les nombreux cours d’eau ont été canalisés, recouverts, changés en boulevards ou en égouts.

L’exposition restitue ces explorations photographiques qui mettent en jeu le regard que nous portons sur le contexte urbain et la place qu’y tient la nature, à la fois comme forme et force survivantes d’un paysage disparu, d’une géographie souterraine, et comme utopie d’un monde réconcilié où l’habitat ne serait plus destructeur du milieu naturel dont nous dépendons. Athènes possède de ce point de vue une double valeur symbolique : celle d’être une ville de fondation — à l’origine de « notre civilisation » ; et celle d’une capitale moderne, intégralement née de l’urbanisme des 19e et du 20e siècles et de ses suites.

 

SYLVAIN MAESTRAGGI

Sylvain Maestraggi mène un travail artistique à la rencontre de la photographie et de l’écriture, qui s’appuie sur la pratique de la marche et la recherche documentaire. Révélateurs de la géographie, des usages et de la mémoire des lieux, ses projets sont centrés sur l’expérience du paysage, compris comme « paysage dialectique » au sens de l’artiste américain Robert Smithson : paysage en devenir résultant de la transformation du milieu par l’activité humaine.

Sylvain Maestraggi a publié deux livres de photographies : Marseille, fragments d’une ville (L’Astrée rugueuse, 2013), qui propose une incursion parmi les strates de la cité phocéenne ; et Waldersbach (L’Astrée rugueuse, 2014, postface de Jean-Christophe Bailly), où il suit les traces de Lenz, personnage d’une nouvelle de Georg Büchner, dans une vallée des Vosges alsaciennes.

Avec la conservatrice du patrimoine Christine Breton, il est l’auteur de Mais de quoi ont-ils eu si peur ? (Éditions Commune, 2016, Prix Walter Benjamin 2021), essai sur les destructions urbaines dont Walter Benjamin fut témoin à Marseille en 1926. D’après les écrits de Walter Benjamin sur Marseille, il a également réalisé le film Histoires nées de la solitude (2009).

Il mène actuellement une enquête photographique sur les territoires de l’étang de Berre, soutenue par le Bureau des Guides du GR2013 et la Direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône, en collaboration avec Camille Fallet.


Zoème
Du 20/10 au 3/12 - Mar-sam 14h-19h
Entrée libre
http://www.photo-marseille.com/
8 rue Vian
13006 Marseille
06 14 59 50 34

Article paru le mercredi 9 novembre 2022 dans Ventilo n° 472

C’est arrivé près de chez vous | Zoème

Tout un Zoème

 

L’ouverture de l’exposition Les Ruisseaux d’Athènes du photographe Sylvain Maestraggi dans le cadre du festival Photo Marseille nous offre l’occasion de revenir sur l’histoire et le projet de Zoème, à la fois maison d’édition, librairie indépendante et lieu d’exposition, qui vient de fêter ses cinq ans.

    Située à deux pas du Cours Julien, Zoème a ouvert en octobre 2017 à l’initiative de deux passionnés de poésie et de photographie, Soraya Amrane et Rafael Garido. La première vient du monde de la photographie. Elle participe aux aventures collectives marseillaises de la Passerelle dans les années 1990 (un lieu alternatif et déjà protéiforme avec une librairie de bandes dessinées, un café-restaurant, une petite salle de cinéma et même une agence de voyage) et de la galerie photographique et résidence d’artiste l’Atelier de Visu, fermé à la fin 2013. Poursuivant son travail de commissaire d’exposition de photographie, elle travaille avec les Éditions Filigranes, mais ressent assez vite la nécessité de reprendre un lieu. Écrivain et traducteur de poésie, Rafael Garido a lui aussi participé à de nombreux projets éditoriaux en photographie. Le duo, rejoint il y a un an par Grégoire Sourice, poète et assistant édition, reprend il y a cinq ans le local du premier Vidéodrome (déménagé sur le Cours Julien sous le nom de Vidéodrome 2), rue Vian, pour créer Zoème. Pensé comme un espace où se croisent la poésie et la photographie, « il ne s’agit pas d’un concept, c’est tout simplement nos centres d’intérêt. » Zoème a la particularité d’avoir plusieurs vocations. C’est tout d’abord une maison d’édition qui s’attache à présenter tout aussi bien le meilleur de la poésie que de la photographie contemporaine, comme récemment, avec le travail du poète Jean-Marie Gleize dans Jusqu’à ce que l’écran se vide. L’ouvrage apparaît comme symptomatique de la démarche de Zoème, qui mêle les arts et les pratiques. En plus de contenir un poème inédit de l’écrivain, le livre revient sur le travail plastique que l’artiste avait exposé à la galerie Zoème, à savoir trente polaroïds et quatorze cibles de tir en carton trouées et maculées d’encre rouge. Zoème, c’est aussi une librairie qui, s’il est difficile de nommer tous les éditeurs qu’elle présente, fait la part belle aux maisons indépendantes en photographie et poésie, comme Le Bec en l’air, éditions marseillaises spécialisées en photographie, pour ne citer qu’elles. Mais c’est surtout un lieu de confluences qui favorise les croisements entre diverses disciplines, accueillant régulièrement des rencontres autour de l’édition, des lectures, des tables rondes avec des personnalités du monde de l’art. L’accompagnement des photographes faisant partie des actions réalisées tout au long de l’année, une attention particulière est portée sur la présentation de projets en cours de construction. Pour parachever l’ensemble et fort logiquement, un espace galerie est essentiellement dédié à la photographie, exposant le travail d’artistes aussi bien publiés par Zoème Éditions, comme celui de Camille Fallet, Emma Grosbois ou Juan Valbuena, que des invités extérieurs tels que Morten Andersen, Ezio d’Agostino ou Benoît Casas... Actuellement, et jusqu’au 3 décembre, on peut y admirer le travail du photographe Sylvain Maestraggi dans une exposition intitulée Les Ruisseaux d’Athènes, sur le rapport des villes modernes avec la nature, à travers l’exemple de la capitale grecque. Rencontré par Soraya Amrane à l’occasion de la publication de son premier livre de photographies, Marseille, fragments d’une ville (publié chez L’Astrée rugueuse en 2013), Sylvain Maestraggi a prolongé son exploration des paysages nés de l’urbanisme moderne, sur laquelle l’équipe de Zoème a travaillé tout au long de l’année, pour produire cette exposition. Initié à la promenade urbaine à Marseille au début des années 2000, cet artiste mène un travail à la croisée de la photographie et de l’écriture, qui prend la pratique de la marche comme instrument et le récit comme modèle. Révélateurs de la géographie, des usages et de la mémoire des lieux, ses différents projets sont centrés sur l’expérience du paysage. En 2019, il entame un travail photographique sur les rivières de l’agglomération d’Athènes, surnommée par ses habitants Tsimentopoli, la ville de ciment. La capitale grecque ayant connu au XXe siècle une croissance urbaine extrêmement soudaine, elle a fait table rase de l’ancien paysage agraire et des massifs forestiers, les nombreux cours d’eau ayant été canalisés, recouverts, changés en boulevards ou en égouts dans ce processus. L’exposition restitue ses explorations photographiques, mettant l’histoire des rivières d’Athènes dans la perspective d’autres rivières urbaines, comme du ruisseau des Aygalades, à Marseille, qui avait déjà fait l’objet d’une exposition à Zoème en 2020, avec le travail de Geoffroy Mathieu. « Le choix de cette série fait sens pour la galerie, car nous sommes attentifs aux artistes qui ont une approche sensible aux questions liées aux mutations écologiques. » Or qui dit écologie, dit aussi mutations sociales. Des thèmes là encore chers à l’équipe de Zoème. Il n’y a qu’à voir la programmation d’expositions de l’année à venir avec des thèmes comme la condition des réfugiés, le monde du travail du côté des saisonniers, ou dès janvier, avec la prochaine exposition organisée en collaboration avec Aix-Marseille Université, Vidéodrome 2 et le Frac PACA, Inventario Iconoclasta de la Insurrección Chilena, sur les mouvements au Chili inventoriés par l’artiste Celeste Rojas Mugica, dans une création plastique qui est aussi archive visuelle des gestes iconoclastes mis en œuvre durant l’insurrection au Chili. Les projets de publication ne sont pas en reste, avec notamment l’ouvrage à paraître Terrains à bâtir de Pascal Grimaud, photographe installé à Marseille, qui évoque les mutations du territoire en Provence. Avec tout juste cinq ans au compteur, l’équipe de Zoème peut se targuer déjà d’une bien belle histoire. On ne peut que leur souhaiter, et ce pour notre plus grand plaisir de regardeurs et lecteurs, d’avoir de nombreuses autres belles années à venir !  

JP Soares

 

Exposition Les Ruisseaux d’Athènes de Sylvain Maestraggi, dans le cadre du Festival Photo Marseille : jusqu’au 3/12 à Zoème (8 rue Vian, 6e).

Rens. : www.photo-marseille.com

Pour en (sa)voir plus : https://zoeme.net