Les beaux jours d'Elif Shafak

Grand entretien avec l'écrivaine turque et ses invités, animé par Olivia Gesbert

Elif Shafak et ses invités.
Grand entretien animé par Olivia Gesbert
et traduit de l’anglais par Valentine Leÿs.

 

Écrivaine turque reconnue internationalement, autrice de romans aux narrations foisonnantes qui empruntent aussi bien aux récits orientaux qu’occidentaux, Elif Shafak vient à la rencontre du public au cours d’un grand entretien où il sera question de son œuvre et de son impressionnant parcours.

On se souvient de La Bâtarde d’Istanbul, paru en 2006 en Turquie, qui traitait du génocide arménien à travers des regards féminins, immense succès dans le monde entier qui lui a valu d’être poursuivie par l’État turc. Imprégnée par les mysticismes et particulièrement le soufisme, mais fustigeant toute forme de bigoterie, sa littérature s’intéresse à la mémoire et à sa transmission, aux questions de genre, d’appartenance et d’exil.

Son dernier roman, L’Île aux arbres disparus, se déroule à Chypre, à l’époque de la partition de l’île. Dans ce récit qui questionne le déracinement et les amours interdites, elle fait entendre le cri silencieux de la nature. L’écologie et le féminisme sont des thèmes chers à Elif Shafak, ce que viendra rappeler Jeanne Burgart Goutal, professeure de philosophie à Marseille et écoféministe, qui tisse un lien entre la destruction de l’environnement et les violences faites aux femmes.

Écrivant aussi bien en turc qu’en anglais, elle enseigne à l’université aux États-Unis et au Royaume-Uni, travaille pour des journaux internationaux, collabore à l’écriture de séries. Avec la présence sur scène de son éditeur français, Patrice Hoffmann, et le témoignage de sa traductrice Dominique Goy-Blanquet, il sera question de l’architecture finement élaborée de ses récits, de la musicalité de sa langue que fera entendre la comédienne Constance Dollé. Car la musique compte beaucoup pour Elif Shafak. Grande mélomane, elle est capable de faire le grand écart entre musique soufie et heavy metal, et a même écrit pour des musiciens rock !

Une rencontre passionnante avec une grande voix littéraire d’aujourd’hui, aux convictions marquées et à la trajectoire exceptionnelle.

L’Île aux arbres disparus,Flammarion, 2022.
10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange,Flammarion, 2020.

Mucem - Auditorium
Le samedi 28 mai 2022 à 15h30
Entrée libre
http://ohlesbeauxjours.fr/
7 promenade Robert Laffont
13002 Marseille
04 84 35 13 13

Article paru le mercredi 11 mai 2022 dans Ventilo n° 464

Festival Oh les beaux jours !

Lettres capitales

   

Passer la littérature à la râpe du réel ; la frotter à ses pairs, les autres formes artistiques de narration, ou à ses pères, les écrivains et écrivaines qui lui donnent vie et forme… C’est le programme que se donne chaque printemps le festival de littérature Oh les beaux jours !. Cette année, de nouvelles « frictions littéraires » sont à prévoir entre le 24 et le 29 mai. Un corps à corps qui s’annonce passionnant, dans lequel pas moins de quatre-vingt-dix invités se retrouveront pour échanger tout au long des cinquante et un événements prévus au programme.

    Multiforme, le dispositif du festival s’autorise une large arborescence de formats : rencontres, grands entretiens, lectures sur scène, projections, performances, concerts dessinés, lectures musicales, conférences-spectacles, interventions dans l’espace public, séances de signature, ateliers participatifs… Pas de littérature en vase clos. Pas de soliloque de l’écrivain. En faisant varier les points de vue et s’entremêler les arts, l’opération consiste à rendre au champ littéraire toute sa puissance plastique. Artistes et auteurs seront ainsi amenés à mettre en contact leurs œuvres, leurs pratiques et leur rapport au monde. Une programmation foisonnante dont les multiples ramifications s’empareront de cinq lieux de culture emblématiques de la ville : le Mucem, la Criée, le Conservatoire Pierre Barbizet, le Musée d’Histoire de Marseille, et la bibliothèque de l’Alcazar. Côté contenu, le festival s’est doté de huit thématiques ; chacune d’entre elles tentant d’approcher un nœud frictionnel du maillage littéraire contemporain. Or, un coup d’œil à la titrologie suffit pour comprendre que la littérature d’aujourd’hui s’inscrit de plain-pied dans un réel en crise. Nombre d’auteurs évoqueront un monde à la dérive, entre climat déréglé, inégalités sociales, drames familiaux, guerres et illusions perdues… Des sujets graves qui tranchent âprement avec l’optimisme affiché d’une exclamative telle que Oh les beaux jours !. La même dissonance avait été constatée lors de la parution de la pièce éponyme de Beckett, en 1961. Les logorrhées teintées d’angoisses existentielles du personnage de Winnie, sa situation pour le moins inconfortable — sur scène, elle est enlisée jusqu’à la taille, puis jusqu’au cou, sous un monticule de terre —, jurait avec le titre de la pièce. Pourtant, à bien y regarder, la Winnie de Beckett s’acharne bien plus qu’elle ne se lamente : elle se sert d’une parole conative, dont le but est de faire agir, réagir son destinataire. À l’instar de la pièce de Beckett, l’une des thématiques proposées par le festival explore « ce que peut la littérature ». Or, en tant que tentative de saisie du monde par un outillage langagier sophistiqué, on peut imaginer qu’elle ait un véritable pouvoir : celui de transformer le rapport sous lequel on perçoit le réel, et donc, celui de changer l’usage qu’on en fait. Le personnage de Beckett se demande ce qu’elle ferait si les mots « la lâchaient ». La même question se pose pour la littérature. Mais tant que les mots et la mise en mots littéraire subsistent, nous avons encore toutes les raisons de parler des beaux jours.  

Gaëlle Desnos

 

Festival Oh les beaux jours ! : du 24 au 29/05 à Marseille.

Rens. : https://ohlesbeauxjours.fr

Le programme du festival Oh les beaux jours ici