Mohamed Mbougar Sarr - La Plus Secrète Mémoire des hommes

Rencontre avec l'auteur autour de son livre paru aux éditions Philippe Rey / Jimsaan, Prix Goncourt 2021

Avec Mohamed Mbougar Sarr (Prix Goncourt 2021).
Rencontre animée par Élodie Karaki.

 

En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le Labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de « Rimbaud nègre », depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T.C. Elimane, se confrontant aux grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ?

Sans jamais perdre le fil de cette quête qui l’accapare, Diégane, à Paris, fréquente un groupe de jeunes auteurs africains : tous s’observent, discutent, boivent, font beaucoup l’amour, et s’interrogent sur la nécessité de la création à partir de l’exil. Il va surtout s’attacher à deux femmes : la sulfureuse Siga, détentrice de secrets, et la fugace photojournaliste Aïda…

D’une perpétuelle inventivité tant dans la langue, flamboyante et érudite, que dans la narration, labyrinthique, La Plus Secrète Mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face-à-face entre Afrique et Occident. C’est aussi une déclaration d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.


Pour ce roman, Mohamed Mbougar Sarr a reçu cette année le Prix Goncourt 2021, le prix Transfuge du meilleur roman de langue française 2021, le prix Hennessy du livre 2021 et le prix Fetkann / Maryse Condé 2021.

Bibliothèque L'Alcazar
Le samedi 28 mai 2022 à 14h
Entrée libre
http://ohlesbeauxjours.fr/
58 cours Belsunce
13001 Marseille
04 91 55 90 00

Article paru le mercredi 11 mai 2022 dans Ventilo n° 464

Festival Oh les beaux jours !

Lettres capitales

   

Passer la littérature à la râpe du réel ; la frotter à ses pairs, les autres formes artistiques de narration, ou à ses pères, les écrivains et écrivaines qui lui donnent vie et forme… C’est le programme que se donne chaque printemps le festival de littérature Oh les beaux jours !. Cette année, de nouvelles « frictions littéraires » sont à prévoir entre le 24 et le 29 mai. Un corps à corps qui s’annonce passionnant, dans lequel pas moins de quatre-vingt-dix invités se retrouveront pour échanger tout au long des cinquante et un événements prévus au programme.

    Multiforme, le dispositif du festival s’autorise une large arborescence de formats : rencontres, grands entretiens, lectures sur scène, projections, performances, concerts dessinés, lectures musicales, conférences-spectacles, interventions dans l’espace public, séances de signature, ateliers participatifs… Pas de littérature en vase clos. Pas de soliloque de l’écrivain. En faisant varier les points de vue et s’entremêler les arts, l’opération consiste à rendre au champ littéraire toute sa puissance plastique. Artistes et auteurs seront ainsi amenés à mettre en contact leurs œuvres, leurs pratiques et leur rapport au monde. Une programmation foisonnante dont les multiples ramifications s’empareront de cinq lieux de culture emblématiques de la ville : le Mucem, la Criée, le Conservatoire Pierre Barbizet, le Musée d’Histoire de Marseille, et la bibliothèque de l’Alcazar. Côté contenu, le festival s’est doté de huit thématiques ; chacune d’entre elles tentant d’approcher un nœud frictionnel du maillage littéraire contemporain. Or, un coup d’œil à la titrologie suffit pour comprendre que la littérature d’aujourd’hui s’inscrit de plain-pied dans un réel en crise. Nombre d’auteurs évoqueront un monde à la dérive, entre climat déréglé, inégalités sociales, drames familiaux, guerres et illusions perdues… Des sujets graves qui tranchent âprement avec l’optimisme affiché d’une exclamative telle que Oh les beaux jours !. La même dissonance avait été constatée lors de la parution de la pièce éponyme de Beckett, en 1961. Les logorrhées teintées d’angoisses existentielles du personnage de Winnie, sa situation pour le moins inconfortable — sur scène, elle est enlisée jusqu’à la taille, puis jusqu’au cou, sous un monticule de terre —, jurait avec le titre de la pièce. Pourtant, à bien y regarder, la Winnie de Beckett s’acharne bien plus qu’elle ne se lamente : elle se sert d’une parole conative, dont le but est de faire agir, réagir son destinataire. À l’instar de la pièce de Beckett, l’une des thématiques proposées par le festival explore « ce que peut la littérature ». Or, en tant que tentative de saisie du monde par un outillage langagier sophistiqué, on peut imaginer qu’elle ait un véritable pouvoir : celui de transformer le rapport sous lequel on perçoit le réel, et donc, celui de changer l’usage qu’on en fait. Le personnage de Beckett se demande ce qu’elle ferait si les mots « la lâchaient ». La même question se pose pour la littérature. Mais tant que les mots et la mise en mots littéraire subsistent, nous avons encore toutes les raisons de parler des beaux jours.  

Gaëlle Desnos

 

Festival Oh les beaux jours ! : du 24 au 29/05 à Marseille.

Rens. : https://ohlesbeauxjours.fr

Le programme du festival Oh les beaux jours ici