Justin de Marseille

Drame de Maurice Tourneur (France - 1934 - 1h35), avec Antonin Berval, Pierre Larquey... Projection suivie d'une intervention de Marc Rosmini (professeur de philosophie) et Maître Christian Méjean sur le thème "Philosopher avec Justin, ou la 'vertu' du truand"

Sous ses airs de "bouffonnerie", pour reprendre le terme que son scénariste Carlo Rim utilisait à son propos, Justin de Marseille est une œuvre qui questionne les codes de manière originale, et assez jubilatoire. Codes esthétiques tout d'abord : le film emprunte autant à la tradition du film de gangster qu'à la farce carnavalesque, au « réalisme poétique » qu'au documentaire. Hybride sur le plan stylistique, il est joyeusement iconoclaste dans sa manière d'aborder les problèmes éthiques. Est-il illégitime de dérober ses biens à un trafiquant de drogue ? Que signifie, pour un truand, avoir ou pas des "valeurs" ? Y a-t-il une manière "morale" de participer au crime organisé ? Et quel est le type de « vertus » que l'on peut apprécier chez un caïd ? Cette dernière question est subtilement posée par le film, qui interroge les deux sens du concept, auxquels correspondent les adjectifs "vertueux" et "virtuose". Dans les délits qu'il commet, Justin se singularise à la fois par un talent particulier – notamment pour la mise en scène et la tromperie – mais aussi par une forme d'exigence axiologique qui le distingue d'Esposito, son concurrent direct. Maurice Tourneur interroge ainsi les différents aspects de l'idée de "beauté du geste", ainsi que la frontière parfois imprécise entre l'éthique et l'esthétique. Mais il est encore une autre frontière, encore plus troublante, que le film questionne : celle qui est censée séparer la "fiction" de la "réalité". En effet, c'est grâce à la protection du célébrissime truand Paul Carbone que le tournage de Justin de Marseille put avoir lieu, ce qui confère au film une aura sulfureuse. Car si nous pouvons nous laisser aller, au cinéma, à apprécier la "vertu" de certains bandits, cette admiration peut-elle s'étendre aux vrais malfrats qui sévissent dans le monde réel ?

Le film

Justin est un bandit au grand cœur : il protège les faibles et cela lui vaut d'être respecté et apprecié par une grande majorité de personnes du milieu. La seule ombre au tableau de Justin est Esposito, sombre personnage à la tête d'une bande de dangereux criminels.

Cinéma Les Variétés
Le vendredi 1 novembre 2019 à 18h30
6,80/9,80 €
www.semainedelapopphilosophie.fr
37 rue Vincent Scotto
13001 Marseille
04 91 35 20 86
08 92 68 05 97

Article paru le mercredi 16 octobre 2019 dans Ventilo n° 435

Semaine de la Pop Philosophie 2019

CriminoLogique

 

De la folie d’un meurtrier à la beauté de la terreur chez Hitchcock, en passant par l’image du gangsta américain, le crime renvoie à différents imaginaires. Comment analyser tout qu’il incarne et ce à quoi il renvoie ? C’est ce que les Rencontres Place Publique se proposent de faire pour la onzième édition de la Semaine de la Pop Philosophie, placée sous le signe de « la philosophie, la sociologie et l’esthétique du crime ». Un joli clin d’œil à une ville connue pour ses règlements de compte…

  Qu’il s’agisse de l’image de la cité phocéenne (« Pourquoi il n’y a pas de mafia à Marseille? », avec le sociologue Cesare Mattina, le 28 à la Criée) ou celle du psychopathe (« La figure de l’assassin : le criminel est-il différent de nous ? », avec le procureur Jacques Dallest, le 26 au Mucem), la Semaine de la Pop Philosophie se propose de dresser un portrait du crime en considérant la place qu’il occupe aujourd’hui dans notre culture. Les rencontres et débat remettent ici la question au goût du jour en lui apportant des éclaircissements et en forgeant de nouveaux concepts philosophiques issus de la pop culture. Le crime fait-il figure d’art ? L’évènement nous plongera au cœur des musées via une exploration des chefs d’œuvre mondiaux qui le mettent en scène (« Scènes de crime au Musée » avec le criminologue Christos Markogiannakis, le 2 novembre au FRAC). Le cinéma ne sera bien sûr pas en reste, entre projections (Justin de Marseille de Maurice Tourneur, le 1er novembre aux Variétés) et débats autour de La Corde d’Hitchcock, Scarface et Don Corleone, ou encore de l’emblème du gangster américain. De Marseille aux États-Unis, le criminel fascine. Sa réputation parcourt le monde, tantôt répudié, tantôt admiré et érigé comme un monument historique. Alors, comment réagir à la violence qu’il peut infliger à notre quotidien ? C’est ce que se chargera de traiter la rencontre avec le journaliste et essayiste Jean-Marie Pottier sur le thème « 11 septembre, la musique face à la terreur » (le 1er à la Maison Hantée). Nous naviguerons ainsi à travers les notions philosophiques en faisant escale sur le fantasme universel, l’adulation générale et le vécu particulier. Pas besoin, donc, d’être philosophe pour prendre la parole. Pas besoin non plus d’être un criminel. C’est tout l’esprit de la Semaine de la Pop Philosophique qui s’esquisse en arrière-plan : faire de la philosophie une discipline accessible, actuelle et concrète — ou du moins plus que ce qu’elle n’est envisagée. Alors, à qui profite le crime ? À la philosophie, bien sûr.  

Nina Cornée

 

Semaine de la Pop Philosophie : du 26/10 au 2/11 à Marseille.

Rens. : 04 91 90 08 55 / www.semainedelapopphilosophie.fr

Le programme complet de la Semaine de la Pop Philosophie ici