ActOral #18

Exercise 18

 

Pour sa dix-huitième édition, ActOral s’impose plus que jamais comme une table de montage de l’art en mouvement, redessinant le synopsis de la mondialisation, amenant à un vaste questionnement de l’époque et de ses représentations.

 

C’est le rendez-vous de l’abolition des normes, de l’élargissement de la perception, du brouillage des limites. Pour tout cela, ActOral est un festival international qui nous regarde autant que nous le regardons. Les trois semaines du festival, fédérant une vingtaine de lieux culturels, vont rassembler une centaine de rendez-vous dont 15 créations, 11 premières françaises, une avant-première, 87 projets, 4 expositions, 177 artistes et 11 pays, dont un temps fort Pays-Bas avec sept propositions artistiques présentées avec la complicité du Dutch Performing Arts. À noter au [mac], pour l’ouverture du festival, l’exposition de Julien Prévieux Mordre la Machine, production de stratégies critiques pour mettre à distance les codes et agencements multiples que l’homme construit dans et avec son environnement. Pour la première fois cette année, deux rencontres autour des écritures contemporaines sont proposées au public qui pourra débattre avec, entre autres, Rodrigo Garcia, Mohamed El Khatib et Sonia Chiambretto. Ce sera aussi la onzième du cycle littéraire « L’Objet des mots », conçu en complicité avec la SACD et le SSA, dans lequel des artistes issus de champs différents esquissent les bases d’une future création. ActOral, c’est aussi Montévidéo, lieu central du festival ouvert tous les jours pour se retrouver, se rencontrer, échanger. Cette dix-huitième édition est aussi l’occasion de fêter les trente ans de Diphtong, la compagnie du directeur d’Actœral Hubert Colas, avec sa nouvelle création Désordre qui sonde, entre drôlerie et absurdité, la solitude contemporaine, cette solitude noyée dans le regard des autres, comme anomalie de l’existence et source de désordre. Cette solitude de l’être peu à peu remplacé par la machine : « I’ve got the spirit but lose the feeling » (1).

 

Olivier Puech

 

ActOral : du 25/09 au 13/10 à Marseille.
Rens. : 04 91 94 53 49 / www.actoral.org

Le programme complet du festival ActOral ici

 

Les immanquables du festival

 

Lætitia Dosch – Hate

© Dorothee Thebert Filliger

Après son très remarqué seule en scène Un Album, visible à Actœral en 2015, et une nomination aux Césars au titre de Meilleur jeune espoir féminin en 2018 pour le film de Léonor Serraille Jeune Femme, Laetitia Dosch remonte sur les planches en compagnie d’un cheval. Paradoxalement, Hate est l’histoire d’une idylle entre elle et le pur-sang Corazon.

Loin d’un rapport de domination de la comédienne sur l’animal, Hate dessine la possible relation de confiance entre deux espèces. Une utopie fragile sur laquelle repose ce spectacle éco-féministe à l’allure de conte moderne où l’épique et le romantisme empruntent au trivial.

BC

> Les 26 & 27/09 au Théâtre du Gymnase (4 rue du Théâtre Français, 1er)

 

Rodrigo Garcia – Encyclopédie des phénomènes paranormaux Pippo y Ricardo sous l’autorité de la confrérie Logia

© Rodrigo Garcia

Le metteur en scène argentin, dont les bureaux de la compagnie sont nouvellement installés à Montévidéo, vient pour ainsi dire présenter à domicile sa nouvelle pièce. Encyclopédie de phénomènes paranormaux… nous convie, comme son nom l’indique, dans les méandres d’un grimoire d’expériences incroyables. Où, par le biais de deux personnages truculents, on entend cinquante fois Le Livre des Damnés de Charles Fort, les poèmes d’Isidore Ducasse, alias le Comte de Lautréamont, et des histoires à dormir debout, défiant les lois de l’univers. Don d’ubiquité, pluies de grenouilles, homme-mouche, voyages dans le temps… autant de portes vers un ailleurs peut-être pas si éloigné.

BC

> Les 27 & 28/09 au Théâtre Joliette (2 place Henri Verneuil, 2e)

 

Julien Prévieux – Of Balls, Books and Hats

© DR

Entre humour absurde et tentative de révolte, Julien Prévieux développe des stratégies s’appliquant à décrypter notre monde tout en le déréglant. Ses Lettres de non-motivation en étaient un exemple plutôt convainquant à l’époque du « Travailler plus » pour vivre moins, nous permettant de retrouver cette capacité jouissive, libératrice de répondre non. Dans cette nouvelle création, il jette un regard sur le processus d’apprentissage des machines intelligentes. Dans une série de jeux de mouvements absurdes et de contrefaçons, Prévieux montre que nos inventions les plus progressistes reposent sur un système d’imitation infantile. Le fait que nous voyions un être humain imitant des machines renforce la critique implicite de la servilité avec laquelle nous donnons tant de pouvoir à ces gadgets. Dérèglement et conflit seront-il de la partie pour dépasser ce constat ?

OP

> Les 29 & 30/09 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

Louis Vanharverbeke – Mikado Remix

© Leontien Allemeersch

Le performer et slameur Louis Vanharverbeke est un bricoleur athlétique et impassible, une sorte de Buster Keaton au talent poétique, généreux et singulier, qui frappe très fort en ayant l’air de rien, captivant le public par sa créativité exubérante et son originalité. Avec sa dernière création, il interroge la pensée du cloisonnement, la norme et ses limites, notre besoin de différencier le normal et l’anormal. Il remplit la scène de barrières, câbles, boîtes de rangement. Il construit, fore et entasse, tout en essayant musicalement de comprendre ce qui le contrarie, donnant corps à tout un monde intérieur où les portes se substituent aux murs, les fenêtres aux miroirs et où les frontières deviennent des seuils. Une revendication poétique hors norme !

OP

> Les 3 & 4/10 à Montévidéo (3 impasse Montévidéo, 6e)

 

De Warme Winkel – Gavrilo Princip

© Sofie Knijff

Collectif fasciné par notre époque confuse, De Warme Winkel interprète des spectacles combatifs, énergiques, bruts de décoffrage et imbibés d’histoire. Son Gavrilo Princip est une création sur l’assassinat de Franz Ferdinand, le 28 juin 1914, élément déclencheur de la Première Guerre mondiale. Gavrilo Princip, un jeune Serbe nationaliste, entre affamé dans une boulangerie, déçu parce que son pistolet s’est enrayé et que sa grenade a refusé d’exploser. Mais le hasard veut que la calèche princière repasse devant lui… De Warme Winkel oppose ce hasard banal et l’origine sociale de Princip à l’effet historique de son acte. Le souhait d’accéder à l’immortalité par un unique acte dévastateur qui anime certains individus s’avère d’une actualité angoissante. Gavrilo Princip parle d’un monde au bord de l’anéantissement, de l’hypocrisie et la dégénérescence d’une grande civilisation, d’un garçon de la campagne qui a renversé le pouvoir établi.

OP

> Les 4 & 5/10 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e)

 

Samira Elagoz – Cock, Cock… Who’s There ? 

© Samira Elagoz

Avec Cock, Cock… Who’s There?, Samira Elagoz s’empare de l’outil docu-fiction pour explorer les rapports hommes-femmes et la sexualité 2.0. Arpentant les sentiers glissants des plateformes de rencontre en ligne que sont Tinder et, dans une autre mesure, Chatroulette et Craigslist, l’artiste finno-égyptienne, qui a le vent en poupe aux Pays-Bas, trace les contours d’une intimité à la fois touchante et inquiétante. Caméra au poing, elle part en voyage pour visiter des inconnus rencontrés virtuellement. Le spectateur la suit ainsi, poupée assumée démultipliée entre l’écran et la scène, remontant le fil de ses questionnements et de ses craintes.

BC

> Les 4 & 5/10 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e)

 

Davy Pieters – The Unpleasant Surprise

© Sanne Peper

La plupart des images que nous rencontrons par le biais des multiples écrans auxquels nous sommes confrontés quotidiennement sont violentes, anxiogènes et finalement de moins en moins déstabilisatrices, car nous nous y habituons. Nous dialoguons avec elles, quelque part dans notre esprit. Dans certaines situations, elles peuvent influencer nos comportements, changer notre rapport au monde. The Unpleasant Surprise est un parcours physique qui tente d’explorer l’effet anesthésiant de cette violence continuellement répétée. En transcrivant cette violence en images théâtrales, Davy Pieters procède à une anatomie des associations entre images réelles et fictives, tout en étudiant l’effet que ces accords ont sur notre empathie et notre façon de voir les choses.

OP

> Les 5 & 6/10 au Théâtre des Bernardines (17 boulevard Garibaldi, 1er)

 

Alexander Vantournhout – Red Haired Men

© Bart Grietens

Révélation d’Actoral en 2016 avec son solo Aneckxander, Alexander Vantournhout vient cette année présenter en avant-première sa prochaine création. Première chorégraphie de groupe du danseur et circassien belge, Red Haired Men s’inspire de l’œuvre de l’auteur russe Daniil Harms. À l’image des textes courts énigmatiques et drôles qu’il écrivait, les mouvements des interprètes mélangent les genres, faisant communiquer cirque, magie, acrobatie et théâtre. Un moment de pure jubilation, flirtant parfois avec l’absurde, servi par des mélodies bien connues du grand public, qui en découvrira des variations moins entendues.

BC

> Les 6 & 7/10 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

 

 

 

 

Notes
  1. Disorder, Joy Division[]