Kiss Kiss Bank Bank Massilia Sound System

Massilia Sound System, le film par Christian Philibert

Pastis Bank Bank

 

Après Afrik’aioli sorti en 2013, Christian Philibert, réalisateur des mythiques 4 saisons d’Espigoule, lance un Kiss Kiss Bank Bank afin de produire un documentaire sur le groupe Massilia Sound System.

 

C’est comme une évidence à laquelle on se sent idiot de ne pas avoir pensé plus tôt : la rencontre entre Espigoule et Massilia. Car, au final, tant de choses les relient. Une certaine gouaille provençale, l’amour de l’apéro et des fêtes populaires, et puis la poésie. Christian Philibert, cinéaste atypique et ovni du cinéma français, s’est donc lancé dans l’aventure.
« Ce qui m’a donné l’idée de ce film, c’est un documentaire de Fatih Akin sur la musique à Istanbul (ndlr : Crossing the Bridge, 2005). J’ai voulu faire la même chose sur Marseille. Mais l’énergie musicale est tellement intense dans cette ville que j’ai dû me concentrer sur un groupe, et Massilia s’imposait. Je suis donc parti avec eux faire leur tournée anniversaire (ndlr : trente ans déjà !) caméra à la main, avec Patrick Barra, mon cadreur. » Outre la proximité géographique, c’est avant tout une proximité intellectuelle qui relie les deux univers : « Musicalement, c’est un groupe que j’aime beaucoup, raconte Philibert, c’est un groupe mythique du sud. Ils chantent en patois, ils utilisent des mots d’ici, ils ont une démarche politique, sociale et anticentraliste. Je me reconnais beaucoup en eux. Et puis on a des valeurs communes, un public commun, des problèmes communs et des ennemis communs aussi. Parler d’eux, c’est un peu parler de moi. » Cependant, si le projet séduit le public, comme on a pu le voir le 29 janvier aux Variétés, il n’entre pas dans les cases du financement institutionnel… « On est ancré dans une culture locale dans un pays très centraliste, donc on est souvent obligé de s’autoproduire. Je paie le fait de ne pas jouer le jeu du système, mais en contrepartie, je fais les films que je veux. Je suis libre et indépendant. »
Obligé de financer ses films tout seul, Christian Philibert a choisi cette fois de passer par le crowdfunding. « Au final, ce sont les gens qui ont envie de voir le film qui le financent. On a déjà récolté 20 000 €, mais il nous en faudrait 50 000 pour pouvoir le finir et réaliser un montage image et son optimum. »
Après une dizaine de soirées dans les cinémas de la région qui ont permis de récolter les fonds nécessaires au tournage, deux derniers événements (le 3 mars à Cucuron et le 4 à Puget-sur-Argens) viendront clôturer la tournée avant de rentrer en salle de montage avec l’espoir de le voir terminer avant l’été. « On aimerait pouvoir faire une sortie régionale en juin et tourner avec le film pendant tout l’été sous forme de ciné-concert et de projections en plein air. Massilia, c’est la fête populaire et la convivialité et c’est avec ça que nous voulons faire vivre le film. » Donc si vous avez envie de vous bouléguer au petit jaune jusqu’à pas d’heure au son du ragga baletti dans tous les cinémas de la région, comme disait le professeur Thibaut, « envoyez des sioux ».

Daniel Ouannou

 

Pour soutenir le film : www.kisskissbankbank.com/massilia-sound-system-le-film

 


Christian-Philibert

L’Interview
Christian Philibert

 

Entretien avec le réalisateur culte d’Espigoule autour du projet de long métrage documentaire autour des non moins mythiques Massilia Sound System.

 

Comment avez-vous choisi de consacrer votre prochain long métrage à Massilia Sound System ?
Après mon dernier documentaire sur le débarquement en Provence, j’avais pour projet de réaliser un film qui raconte l’histoire de la musique à Marseille. Avec Massilia, on se connaît depuis plusieurs années et on avait déjà eu l’idée de travailler ensemble. En 2013, pour Afrik’aioli, ils nous avaient généreusement offert les droits sur leur chanson Marché du Soleil pour qu’elle figure dans le film. Au début, on avait pensé à faire un clip ensemble, mais un clip, ça ne laisse pas forcément beaucoup de liberté. Et puis en 2014, c’était l’anniversaire des trente ans du groupe ; la tournée de concert était une telle folie que le projet s’est imposé. M’associer avec Massilia promet un objet filmique fédérateur, un film culte. Et puis l’originalité, c’était de faire le portrait d’un groupe vivant, car leur carrière est loin d’être terminée.

 

Finalement, vous avez pas mal de choses en commun, non ?
D’abord, musicalement, c’est un groupe que j’aime beaucoup, c’est un peu un groupe mythique du Sud. Ils chantent en patois, ils utilisent des mots d’ici, ils ont une démarche politique, sociale et anticentraliste. Je me reconnais beaucoup en eux. Et puis on a des valeurs communes, un public commun, des problèmes communs et des ennemis communs aussi. Parler d’eux, c’est un peu parler de moi.

 

La forme du documentaire musical, c’est nouveau pour vous, qu’est-ce qui vous a motivé ?
En fait, ce qui m’a donné l’idée de ce documentaire, c’est un film de Fatih Akin, Crossing the Bridge – The Sound of Istambul, dans lequel le réalisateur allemand d’origine turque arpente la ville d’Istanbul à la recherche de toutes les musiques qui la composent. Je voulais faire la même chose avec Marseille. Le problème, c’est que j’ai trouvé un univers musical tellement dense et varié qu’il était difficile de tout faire rentrer dans un film. J’ai découvert qu’il y a beaucoup d’énergie musicale à Marseille ; j’ai voulu recenser les groupes mais la liste était immense, difficile à appréhender, donc j’ai décidé de me focaliser sur le groupe emblématique de la scène marseillaise : Massilia Sound System.

 

Le film est-il aussi un hommage à Lux B. ?
Evidemment, on ne peut pas parler de Massilia sans parler de Lux B. (ndlr : membre fondateur du groupe décédé en 2008). Il revient régulièrement dans le film, les autres l’évoquent en permanence, telle une présence inoubliable. D’ailleurs, je lance un appel, si quelqu’un a des archives sur Lux B ou sur la Chourmo à nous envoyer, on est preneur !

 

Pourquoi avoir choisi de passer par le financement participatif ?
Ce n’était pas vraiment un choix : on est des artistes implantés dans la culture locale, dans un pays où le centralisme règne. On n’a pas de réseau à Paris et donc pas de couverture médiatique. Pour eux, on fait du folklore. Donc au point de vue financier, on sait qu’on ne peut compter que sur nous-mêmes. Mais même si on paye de ne pas jouer le jeu du système, on est libre et indépendant. Je suis libre de faire le cinéma qui me plaît. Le film est porté sur nos fonds propres, produit par Les films d’Espigoule, c’est à dire moi et Patrick Barra, qui est aussi cadreur sur le film, et puis Maxime Gavaudan de Belavox Film ainsi que Manivette Record, la productrice de Massilia. C’est une histoire de famille.

 

Et où en êtes vous pour l’instant ?
On a récolté 20 000 euros en quinze jours, mais il faudrait au moins atteindre les 50 000 pour que le film puisse voir le jour. C’est un film autoproduit, non finançable par le système car on n’entre jamais dans les cases de financement. On n’intéresse ni le CNC, ni les chaînes de télévisions, donc on se débrouille. Finalement, c’est un film qui se fait financer par ceux qui auront envie de le voir : les fans de Massilia et les gens qui aiment mes films. C’est pour ça que si vous voulez que le film se fasse, vous pouvez nous aider sur Kiss Kiss Bank Bank. Le tournage est terminé, mais nous entrons dans la phase de montage qui demande beaucoup de boulot.

 

Vous avez déjà fait quelques soirées, notamment une aux Variétés à Marseille, comment est l’accueil du public ?
On a rempli deux salles avec Les Quatre Saisons d’Espigoule, donc on peut dire que l’accueil est plutôt favorable. Et puis Massilia oblige, on a envoyé le son jusqu’à 3h du matin. Un peu comme sur toutes les soirées qu’on a faites autour de l’appel aux dons. Il y a eu une dizaine de soirées de soutien à travers le Sud de la France, c’était le feu. Il faut savoir que Massilia draine une douzaine de groupes de fans, les Chourmos, qui sont bien plus que des fans clubs. Ils font vivre leurs sections locales en organisant pas mal d’événements fédérateurs tout au long de l’année, ils créent du lien social par la fête. On en parle d’ailleurs dans le film.

 

Les prochaines soirées, c’est pour quand ?
On a presque fini la tournée, car il faut entrer en salle de montage. On fait une rencontre le 3 mars au cinéma Le Cigalon de Cucuron. Là, ce sera plus calme, une conférence avec des extraits de films, des images inédites d’Espigoule, etc. Et puis le 4 mars, on sera à Puget-sur-Argens pour une grosse soirée avec la Chourmo du Var, fiesta, ciné-concert et DJ.

 

Comment s’est passé le tournage ?
Il y avait une soixantaine de dates et autant de concerts. On est partis en bus faire le tour du Sud de la France. Je ne pouvais pas filmer soixante concerts, ça n’a pas un énorme intérêt, mais ce qui est passionnant, c’est tout ce qui se passe autour. Partout où on arrive, des moments uniques. Au début, on cherchait nos marques, et puis au fur et à mesure de la tournée, une proximité s’est créée entre nous, ils se sont détendus et ça se ressent dans le film. Après une résidence à Perpignan, la tournée s’est terminée par un concert anniversaire dantesque aux Docks des Suds.

 

Quel modèle d’exploitation avez-vous prévu pour le film ?
On espère vraiment qu’il sera terminé avant l’été pour pouvoir faire des projections en plein air et des ciné-concerts. On fera une sortie régionale pour pouvoir accompagner les projections. De toute façon, c’est comme ça que mes films vivent. On fait le tour des cinémas et on remplit les salles sans communication. On crée l’événement. Sauf que là, c’est particulier. En faisant la tournée des salles avec Massilia et la Chourmo, on peut s’attendre à de grosses ambiances. Massilia, c’est la fête populaire et la convivialité et c’est avec ça que nous voulons faire vivre le film. Pour ça, il faut que le crowdfunding atteigne les 50 000 et qu’on puisse finir le film à temps.

Propos recueilli par Daniel Ouannou